Présentation | Presse

KONIEC

Extraits de presse :


 

Quand danse et théâtre se font leur cinéma

 

In Mo(u)vements n° 3, été 1990

Magazine des Arts du spectacle de la Communauté francçaise de Belgique

Une publication d'Alternatives théâtrales

 

(English below)

 

Quelles sont les initiatives, les ouvertures, les réflexions qui portent à la création et à la mémorisation des arts de la scène sur écran ? Promenade subjective et regards allumés...

 

En cette saison finissante, slalom entre les festivals d'été. Que restera-t-il de ces fulgurances éphémères consommées avec éclat sur le bûcher des scènes de théâtre et des plateaux de danse? Fin avril, le Théâtre Varia de Bruxelles se pose la question en projetant une dizaine de films inspirés par le théâtre ou relayant sa mémoire. Une journée particulière débat ce cousinage délicat entre le cinéma et l'art de la scène. On y parle d'œuvre bâtarde, dérangeante, de produit non commercial, de l'abstraction du théâtre et du réel du cinéma, des climats. La très belle réussite de Koniec, film produit par la RTBF (la télévision belge francophone) à partir de la création du Groupov, y était projetée en première vision. Subjectivement, parce que le résultat de ce dialogue entre le théâtre et le cinéma nous a conquis, nous décidons de refléter les regards inspirés de son réalisateur obsédé par la conservation (Michel Jakar), et de son metteur en scène, préoccupé par la trace et les restes (Jacques Delcuvellerie). Objectivement, parce que le Groupov est le seul théâtre en Communauté française qui, depuis sa fondation, fige sur image ses émois, ses masques de tragédie suicidaire ou de comédie virginale... Aussi parce que Michel Jakar est kidnappeur professionnel de la flamme des arts éphémères. Idées à ricochets, réflexions à l'essence même des contradictions et définitions des deux médias, l'un théâtral (minoritaire, résiduaire et archaïque), l'autre filmique, souvent destiné à la télévision (de masse). Point de départ : le désir!

 

Une trahison concertée

 

Pour Delcuvellerie, qui cultive le joli paradoxe d'être à la fois l'un des résistants le plus aigu de nos théâtres (Groupov, groupe off) et le conseiller très officiel d'un bonze de la RTBF, Georges Konen (pour les programmes et les relations internationales), il n'y a pas de mariage miracle entre la scène et l'écran : seule chose à déconseiller, l'improvisation sauvage. Le Groupov est passé par l'intérêt et les limites de tous les stades (captation au feeling, tournage-maison vivant et public, reportages de répétitions, récriture du texte de la pièce pour les exigences d'un scénario de film tourné en studio...). Après ces expériences, l'homme de théâtre est arrivé à la réalisation de Koniec qu'il qualifie de «chose bâtarde (ni un film comme les autres, ni une captation, ni un spectacle). » Koniec, (genre théâtre), est écrit, hors les passages de Tchekov et d'Heiner Müller, par ses trois acteurs : Jacques De1cuvellerie, Francine Landrain et François Sikivie. Les conclusions du meneur de jeu : «Quand on ne sait pas manier et le cinéma et le théâtre, il faut trouver un interlocuteur, vivre une rencontre basée sur le désir et l'estime réciproques indispensables et surtout pas un mariage forcé ou un rendez-vous de routine. La mémorisation de l'objet théâtral doit alors se négocier dans le dialogue avec un pouvoir partagé de bout en bout (de l'élaboration à la postsynchronisation), sans hégémonie de l'un ou de l'autre, même si le détenteur de la décision finale doit être clairement désigné. Ce partage implique automatiquement des concessions douloureuses. »


« Vis-à-vis de la danse, qui a un sens profond de la musique et du rythme, qui est plastique par essence, l'image pose moins de difficultés, poursuit Delcuvellerie. Mais c'est déjà moins évident quand la danse se théâtralise. Au théâtre, le son est l'ennemi n° 1 de la captation. Au théâtre, l'acteur exerce un art qui doit faire exister l'espace, le gros plan... Il doit veiller à se faire entendre dans la salle sans paraître faux. Tout cela, en plus de l'interprétation sensible de son personnage. Au cinéma, seul reste l'acteur à qui on demande de faire exister la vérité de son rôle.»
« Pourquoi dans ces conditions s'acharner à garder trace de l'éphémère ? Même si on ne se fait pas d'illusion sur le fait qu'il ne s'agit que de la trace de ce qui a déjà été fait, joué, fini, de ce qui est déjà mort... Même si on sait qu'elle ne communique aucune vérité inaltérable sur la représentation vivante, qu'elle pose autant de questions qu'une photo ou une voix enregistrée... Pour que reste la mémoire, celle qui conserve une énergie assez forte pour être objet de stimulation... La morale de cette rencontre : l'image, la trace ne peut être fidèle au spectacle vivant sans trahison concertée, mais il faut que cet enfant ressemble à son père ou à sa mère...».

 

Le crime était presque parfait

 

Michel Jakar, face à Koniec a adopté la position du «documentariste». «Face à la représentation, ajoute-t-il, je suis comme un corps étranger qui vient parasiter le corps du théâtre, comme un voleur qui entre par effraction, par une faille, et qui veille bien à s'en aller sans laisser de trace. Mieux, comme un vampire qui se nourrit du sang du théâtre sans modifier l'apparence de sa victime mais, au fond, elle n'est plus la même : un peu de son corps et de son âme appartient au cinéma. Ce sont les arts les plus vivants qu'on a envie d'interpeller. Le cinéma peut révéler certains prolongements de la représentation mais jamais la remplacer. Pris en compte par des gens de théâtre, le cinéma peut devenir ludique, impur et se renouveler, donner corps à ses fantasmes, à ses désirs.»


«Je crois que le théâtre n'a pas besoin du cinéma. Mais le cinéma gagne de la force du théâtre, de sa poésie, de son écriture, de la présence de l'acteur, et vibre surtout de s'être frotté à un art qui s'accomplit en événement.

 


Jacques Delcuvellerie et le Groupov

 

Evénement de six heures dans cinq lieux :
captation sauvage, au feeling par Paul Paquay, document chaotique à l'image d'un reportage sur une manifestation. Vidéo RTBF de la première création du Groupov à l'Ans Palace de Liège (ancien cinéma) et à la Raffinerie du Plan K de Bruxelles (1981).

 

Il ne voulait pas dire qu'il voulait le savoir malgré tout :
captation vidéo maison par la photographe du Groupov, Lou Hérion. Tient compte de la présence vivante du public. Création à l'Ensemble Théâtral Mobile (1983).

 

Comment ça se passe :
cinq heures de traversée entre différents modes d’être et de représentations dans un environnement changeant (entrepôt, salle de spectacle, autobus, nature, repas sur une scène…). Pas de vidéo (1984).

 

The show must go on :
réécriture d'un scénario à l'usage de la télévision. Création théâtrale à Liège (1985).
Adaptation et réalisation en studio par Francine Landrain et Paul Paquay. Production RTBF. Prix du scénario TV de la Communauté française de Belgique 1986 pour Grandes migrations.

 

 

 

 

 

 

When dance and theatre make cinema

 

What are the initiatives, openings and reflections which lead to the creation and recording of the performing arts for the screen? A subjective and passionate look at issues and projects.

 

As this season finishes, slaloming between the summer festivals, we could ask ourselves what will remain of these ephemeral flashes consumed brilliantly on the pyre of theatre and dance stages? At the end of April, the Théâtre Varia in Brussels asked itself the same question and showed some 10 films inspired by the theatre or relaying its memory. One special day debated this delicate relationship between the cinema and the arts of the stage. There they spoke of hybrid, disturbing works, of non-commercial products, of the theatre's abstraction and the cinema's reality and of atmospheres.
The premiere of Koniec, a film produced by RTBF (French-speaking Belgian television) based on Groupov's piece, was a great success there. Subjectively, because the result of this dialogue between theatre and cinema conquered us, and we decide to reflect the inspired view of producer Michel Jakar, obsessed with conservation, and director Jacques Delcuvellerie, preoccupied by traces and remnants. Objectively, because Groupov is the only theatre group in the French-speaking Community which since its foundation has frozen in image its emotions, its masks of suicidal tragedy or virginal comedy. And also because Michel Jakar is a professional kidnapper the flame of the ephemeral arts. These are ricocheting ideas, reflections on the very essence of the contradictions and definitions of the two medias, one theatrical (minority, residual and archaic), the other film, often intended for (mass) television. The point of departure is desire!

 

Concerted treachery

 

Delcuvellerie cultivates the pretty paradox of being simultaneously one of the most strident fighters for our theatres (Groupov, group off) and official advisor to RTBF boss Georges Konen (for international programmes and relations). For Delcuvellerie there is no miraculous marriage between the stage and screen: the only thing to warn against is excessive improvisation. Groupov went through the advantages and limits of all the stages (improper solicitation of a legacy of feeling, living and public shooting house, reports of rehearsals, rewriting of the play’s text for the requirements of a film script shot in the studio, etc.). After this experience, the man of the theatre realized Koniec, that he qualifies as a « hybrid thing (neither a film like other films, nor an improper solicitation of a legacy, nor a performance). » Koniec, (genre theatre), was written, apart from passages from Chekhov and Heiner Müller, by its three actors, Jacques De1cuvellerie, Francine Landrain and François Sikivie. The conclusions of the compère were: « When one doesn't know how to handle both cinema and theatre, it is necessary to find an interlocutor, to live a meeting based on joint and indispensable desire and admiration, and especially not based on a forced marriage or routine meeting. Putting the theatrical object into memory must then be negotiated in dialogue with a power that is divided from one end to the other (from elaboration to post¬synchronisation), without the hegemony of one or the other, even if the person with the final say must be clearly designated. This sharing automatically includes painful concessions. » «Faced with dance, with its profound sense of music and rhythm, which is essentially plastic, the image presents less difficulties, Delcuvellerie continues. But this is already less clear when dance becomes more theatrical. In the theatre, sound is enemy no. 1 of the improper solicitation of a legacy. In the theatre, the actor practices an art which must make space, here the wider context exists. He must be careful to be heard without appearing « false ». All that, on top of a sensitive interpretation of his character. In the cinema, all that is left is the actor who has been asked to make the truth of his role exist.»
« In these conditions why try desperately to keep traces of the ephemeral? Even if one has no illusions on the fact that it is only a question of traces of what has already been done, played, finished, of what is already dead. Even if one knows that it doesn't communicate any unalterable truth about living performance, that it poses as many questions as a photograph or recorded voice... So that memory remains, which conserves energy strong enough to be a stimulation... The moral of this meeting is that images, traces cannot be faithful to the living performance without concerted treachery, but that this child has to resemble its father or mother... ».

 

The crime was nearly perfect

 

Michel Jakar, when approaching Koniec, adopted the position of someonee making a «documentary». « Faced with performance», he adds. «I'm like a foreign agent which comes like a parasite to the body of the theatre, like a thief who gets in by breaking and entering, by a fault, and who is careful to leave without leaving any trace. Or better, like a vampire feeding himself on the blood of the theatre without changing his victim's appearance, but who fundamentally is no longer the same: a little of his body and soul belongs to the cinema. The arts that are most alive are those that one wishes to question. The cinema can reveal certain effects of performance, but can never replace it. Taken into account by people from the theatre, the cinema can becorne playful, impure and renew itself, give shape to its fantasies and desires.

 


Jacques Delcuvellerie and Groupov

 

Evénement de six heures dans cinq lieux (Six hour happening in five places) :
A wild undertaking done with feeling by Paul Paquay, a chaotic documentary in the style of a report of a demonstration.
RTBF video of the first show by Groupov at the Ans Palace, Liège (an old cinema) and at the Plan K Refinery in Brussels (1981).

 

Il ne voulait pas dire qu'il voulait le savoir malgré tout (He didn't want to say that he wanted to know in spite of everything):
Home video recording by Groupov's photographer Lou Hérion. Takes into account the audience's live presence. Performed at the Mobile Theatre Ensemble (1983).

 

Comment ça se passe (How it happens):
Five hours of moving between different states of being and representation in changing environments (warehouse, concert hall, bus, nature, scenic lunch).
No video (1984).

 

The show must go on:
Television version of a play originally written for the theatre.
Stage performance at Liège (1985). Adapted and filmed in the studio by Francine Landrain and Paul Paquay. RTBF production. TV drama prize from the French-speaking Community of Belgiurn 1986 for Grandes Migrations.