Ligne du temps
Fondation et 1ère création du GROUPOV | La recherche se poursuit... | Création du 2ème spectacle | Première Opération "Décalage" - Création du 3ème spectacle "Comment ça se passe" | Le GROUPOV individualise ses projets - Création de "The Show must go on" | The SHOW adapté pour la télévision | Création de KONIEC (genre-théâtre) | Le GROUPOV participe à la quinzaine "Waarde Landgenoten" à De Singel - Anvers | Finalisation du film de Koniec (genre théâtre) - Francine LANDRAIN est invitée en résidence d'écriture à la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon | Début du projet du Triptyque dit "Vérité" | "Manifestement, le laboratoire liégeois a donné naissance à une génération de comédiens et de metteurs en scène avec lesquels il va falloir compter en cette fin de siècle.". | Entre l'Opéra National et Trash (a lonely prayer) | Grand "Décalage" d'été - Création de la première "Clairière"- Projet "Penthy II" | Création de PENTHY TWO | LA MÈRE, 3ème volet du Triptyque Vérité. Groupov, Centre Expérimental de Culture Active | Le projet RWANDA 94 entre en chantier | 1er voyage au Rwanda - 1er dossier dramaturgique : RWANDA - LA CHEVAUCHÉE FURIEUSE | Le chantier RWANDA s'intensifie - Réalisation de trois types de CLAIRIÈRES | Représentations publiques du Work In Progress de RWANDA 94 - Liège et Festival d'Avignon | Création de RWANDA 94. Une tentative de réparation symbolique envers les morts à l'usage des vivants. Début de la tournée internationale. | Poursuite de la tournée de RWANDA 94 | Mise en chantier d’ANATHÈME | ANATHÈME est présenté sous la forme d'une première étape de travail | RWANDA 94 (une tentative de réparation symbolique envers les morts à l’usage des vivants) est présenté au Rwanda même. | Réalisation du film RWANDA 94 – Création d’ANATHÈME | LA MOUETTE meilleur spectacle aux Prix du Théâtre | FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS entre en chantier | Rayonnement continu | Création d'IN PRAISE OF ARLETTE DUPONT, prologue à FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS | Création des deux premiers volets de FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS : UN UOMO DI MENO et MARY MOTHER OF FRANKENSTEIN | Création de DIRTY WEEK-END | Reprises : Dirty Week-end et Uomo di Meno (Fare Thee Well Tovaritch Homo Sapiens)- Création de : Je vous ai compris | Sortie du Coffret RWANDA 94 - Focus GROUPOV / THEÂTRE ET POLITIQUE à PARIS | LA CANTATE DE BISESERO - LES HOMMES DEBOUT - COFFRET RWANDA 94 | LA PROCHAINE CRÉATION DU GROUPOV - L'IMPOSSIBLE NEUTRALITE | Création de : Ceux que j'ai rencontrés ne m'ont peut-être pas vu | DANS CERTAINES CONDITIONS... CATHARSIS/ GÉNOCIDE, texte de Jacques Delcuvellerie | GROUPOV, SUITE ET FIN ? - L'IMPOSSIBLE NEUTRALITÉ | Théâtre National | Bruxelles - 1, 2 et 3 mars, 4 représentations | RWANDA 94 et la CANTATE DE BISESERO - au Théâtre Varia, à Bruxelles, les 29 et 30 novembre 2019 | Olindo Bolzan. "Démolir ce théâtre..." | STILL STANDING FOR CULTURE I |
Fondation et 1ère création du GROUPOV
1980-1981
A l’initiative de Jacques DELCUVELLERIE, en janvier 1980, Michel DELAMARE, Monique GHYSENS, Éric DUYCKAERTS, Francine LANDRAIN, Jany PIMPAUD et François SIKIVIE créent le GROUPOV. Éric DUYCKAERTS, non actant, ne s’avoue pas encore du groupe mais y est constamment présent et intervenant ; il participera activement à la création du premier événement public en 1981.
La décision collective est de tenter l’aventure d’un travail purement expérimental aux limites du théâtre. Un thème : Atelier de Recherche Permanent sur Les Restes.
Jacques DELCUVELLERIE propose une technique brute qui s’affinera beaucoup par la suite : l’Écriture Automatique d’Acteur (EAA). C’est de lui, l’acteur ou l’actant, de son individualité créatrice singulière, que tout le travail procédera.
On peut consulter à ce sujet le début du texte Histoire d'un parcours sur ce même site, et tout ce qui concerne sa Phase I. De même, l’article De la Maladie, une arme sur ce site, à la rubrique Textes et Publications ou dans l’ouvrage Sur la limite, vers la fin, pages 32 à 45.
Les référents du Groupov en ses début se situent soit aux limites du théâtre (KANTOR, GROTOWSKI, FOREMAN, SCHECHNER et le Performance Group, les spectacles de rue du Bread and Puppet), soit dans des disciplines voisines : le Group Fluxus (notamment Josef BEUYS, Wolf VOSTELL, Robert FILLIOU) ; les activistes viennois ; NAM JUNE PAIK avec Charlotte MOORMAN et le couple ABRAMOVIC ; certaines pratiques des Situationistes et de ce qu'on croit savoir du groupe Acéphale de Georges BATAILLE ; la musique conemporaine activement scénique : KAGEL, Musica Electtronica Viva (MEV), CAGE, l’Art ensemble of Chicago, le 1er Velvet Underground à la Factory Warhol, Laurie ANDERSON... Mais tout cela sans pourtant s'identifier à aucune de ces démarches, c'était plutôt des repères stimulants dans le rêve éveillé de faire advenir de "l'inouï" Hic et Nunc. Etait-ce encore possible dans ce monde où tout semblait avoir déjà eu lieu ? Tout cela se vivait aussi dans un deuil difficile à faire : celui de ne plus être intervenant et participant à la transformation nécessaire du monde. Ce que symboliserait encore sous sa plus haute forme la pratique et l'évolution constante de Brecht. Nous le connaissions au fond bien mal à l'époque, et pourtant elle nous parraissait appartenir aux héritages fracassés dont les restes constituaient notre présent. Mais la hantise de cet espoir restait une blessure.
Un des premiers textes du Groupov, parlant de la scène de théâtre :
La scène était jadis théâtre du monde. Il n’y a pas si longtemps certains croyaient que "l’Homme y figurerait l’avenir de l’Homme "(.... )
(in Sur la Limite, dans Sur la limite, vers la fin, page 56)
La chose est exprimée avec douleur, mais vue comme irrémédiablement perdue. C'est ce point de vue qui sera remis en question en profondeur à partir de 1988, et qui distinguent les phases II et III de cette phase initiale (cfr Histoire d'un parcours ).
Au demeurant, le profond sentiment de déréliction de ces débuts n'entraînait en rien une mélancolie nostalgique, passive ou morbide. Le 1er Groupov vivait dans une sorte de désespérance extrêmement énergique, mais en même temps, sa violence s'exprimait commeau "ralenti". Tels des êtres qui s'engagent dans un territoire réellement inconnu et si dangereux que le moindre geste inconsidéré peut être fatal. Et, il y eut, en effet, quelques sérieux accidents de parcours qui nous furent dde dures leçons.
Une chose essentielle surdétermine toute la pratique de cette première année et demie : les conditions de travail. A la fois celles que la réalité nous impose et celles que nous nous donnons. Un local, fixe, vide, libéré une fois par semaine pour nous par le Professeur René HAINAUX (en « off » du Conservatoire de Liège), et le fait que nous ne disposons d’absolument aucun moyen financier.
En réalité, nous occupons le grand cube d’Ans Palace 2 bien plus souvent que le mercredi hebdomadaire, en particulier pendant les vacances scolaires. Mais il n’y a aucune espèce de planning, les horaires sont étirables à l’infini ou écourtés brusquement. Si le travail sur le plateau est discontinu les membres du collectif se fréquentent cependant énormément en dehors avec de grandes variations d’intensité relationnelle. Le manque total d’argent et d’outils techniques impose une sorte d’obligation de muter et transcender dans les expériences, des matériaux ou des objets ordinaires à notre portée : télévision cassée, tube au néon, botte de paille, produits alimentaires de grande surface, mini-enregistreur, etc.
Ce fonctionnement à la fois compulsif et erratique nous donne l’impression enivrante de vivre une espèce de Factory à la WARHOL, mais dont les actants seraient comme des enfants perdus ou abandonnés. L’immodeste comparaison avec la Factory tenant surtout à ce que rien ne nous y ramenait, rien ne nous en éloignait, rien ne s’y produisait selon les protocoles ordinaires de la gestation artistique. Mais une obligation impérative s’imposait cependant : on ne pouvait y venir en simple voyeur. Qui est présent doit oser s’exposer en action devant les autres. Pendant longtemps, par le processus de l’Écriture Automatique d’Acteur, dans l’exploration risquée de ce qu’il ne sait pas qu’il sait. Donc par « performances » individuelles.
Plus tard, des expériences de côtoiement de ces univers singuliers sont tentées qui dégageront quelques principes comportementaux où ils ne se paralysent ou ne se détruisent pas réciproquement, mais font émerger hic et nunc la collectivité expressive d’êtres en déréliction.
Les premières confrontations publiques ont lieu après un an et demi d’expériences, au Ans-Palace (Liège) avec un événement polymorphe et, en partie, aléatoire : FAITES CE QU’ON VOUS DIT ET IL VOUS ARRIVERA UNE SURPRISE QUE PERSONNE NE PEUT IMAGINER en mai 1981, puis en octobre 1981 où la même structure événementielle est rebaptisée : IL Y A DES ÉVÉNEMENTS TELLEMENT BIEN PROGRAMMÉS QU’ILS SONT INOUBLIABLES AVANT MÊME D’AVOIR EU LIEU, (environ six heures de « spectacle »). Ensuite, des représentations auront lieu au Plan K, en décembre 1981, sous un troisème titre : TOUT CECI N'EST QU'UNE GLISSADE SUR UN BRUIT MAL FONDÉ.
La recherche se poursuit...
Création du 2ème spectacle
Travaux d’écriture(s) et travaux sur la question du texte au GROUPOV.
Travaux et séminaires d’acteurs sur la triangulation Théâtre/Corps/Histoire, dirigés par Jacques DELCUVELLERIE au Conservatoire de Liège.
Délia PAGLIARELLO, actrice, s’associe au groupe.
Réflexions et communications d’Éric DUYCKAERTS sur des cas-limite dans le domaine des sciences. Par exemple : les nombres transfinis de Georg KANTOR, ou les études de l’école de Palo Alto sur le double bind et le concept de transcontextualité de Gregory BATESON. Échanges prolongés et répétés sur leurs relations possibles aux pratiques actantielles.
La question des paradoxes (et des dilemmes) occupe une place grandissante dans la réflexion, les textes, les « exercices ».
Dans le même esprit, découverte du jeu de cartes de Brian ENO Stratégies obliques et début d’un usage périodique du Yi-King ou Livre des mutations. Cet usage plutôt ludique ne participe d’aucune forme d’ésotérisme ou aspiration métaphysique mais plutôt du désir d’éviter tout enfermement dans des voies ou des développements tracés d’avance.
Création du deuxième spectacle, IL NE VOULAIT PAS DIRE QU’IL VOULAIT LE SAVOIR MALGRÉ TOUT : spectacle court (58’) présenté à l’Ensemble Théâtre Mobile - ETM (Bruxelles) de Marc Liebens.
La question de l’actant-expressif, celui qui quitte le groupe pour s’exposer en représentation aux autres traverse tout l’événement. Mais cette question se trouve ici déclinée dans un temps où cet actant semble avoir épuisé tous ses pouvoirs et le sens même de son art archaïque semble faire défaut. Sur le plateau, vu de trois côtés, entre autres : une grande présence, passionnée, violente, parodique des corps dénudés ; un court texte de Francine LANDRAIN ; un tout petit feu ; et cette référence reviendra bien plus tard, la voix à pleine puissance d’Ernst BUSCH chantant Der Heimliche Aufmarsch.
Éric DUYCKAERTS y joue et réalise en direct des peintures à main levée, au bleu de méthylène. Désormais son œuvre traversera peinture, vidéo, écriture, performance.
Présence de Giovanna RUGGIERI.
Ici encore le spectacle se présente en 2 phases : mai 1983 puis octobre 1983, toujours à l’ETM (Bruxelles)
Une vidéo du spectacle est réalisée par Lou HÉRION (photographe du Groupov).
Jean-Marie PIEMME écrit sur cette création, dans Alternatives Théâtrales n°18, un article pénétrant, Le deuil impossible, qui exercera une certaine influence dans la réflexion du collectif sur lui-même.
Benoit VREUX, assistant, réalise son mémoire de fin d'étude pour l'INSAS (Institut National Supérieur des Arts du Spectacle, Bruxelles) sur son expérience de cette aventure et l’intitule : Entre vertige et vestiges.
Première Opération "Décalage" - Création du 3ème spectacle "Comment ça se passe"
De nouveaux ateliers d'acteurs HIC ET NUNC sont dirigés par Jacques DELCUVELLERIE et Benoît VREUX.
Une partie des intérêts et des travaux se situe « à côté » ou « en dehors » du théâtre ; de nouvelles techniques sont utilisées : expériences dans la nature, travail sur les comportements et les rapports humains, nouvelles techniques du jeu en interaction avec l'extérieur… Par exemple, la première et longue OPÉRATION-DÉCALAGE conçue et pilotée par Jacques DELCUVELLERIE et Francine LANDRAIN: 15 jours de perturbations organisées de la perception et du comportement social de tous les membres du collectif. Ou l’exercice Fraternité à la gare des Guillemins. Ou encore la rencontre-performance de 24 heures entre le GROUPOV et des invités étrangers.
Francine LANDRAIN écrit COMMENT CA SE PASSE et en donne des lectures publiques à Liège et Bruxelles.
Le GROUPOV élabore progressivement un événement de six heures portant le même titre, une traversée entre différents modes d’être et de représentation dans un environnement changeant (immense entrepôt, autobus à travers la ville, terrain vague et boisé, repas partagé avec les invités, etc.).
Aboutissement d’un long travail sur la relation au public, le nombre de ces « invités » était limité à trente personnes, les membres du Groupov étant eux-mêmes onze... Francine LANDRAIN en assure la direction artistique d’ensemble, avec Jacques DELCUVELLERIE et Benoît VREUX.
La musique tient une place importante au GROUPOV depuis l’origine (songs, rock, musique contemporaine). Ici, Garrett LIST (tromboniste et compositeur) et Thierry DEVILLERS (auteur, chanteur, interprète) s’associent au projet.
Présence active de Giovanna RUGGIERI.
Pour la première fois, une institution participe à la co-production de cette création, le Théâtre de la Place, directeur Jacques DECK.
Il faut souligner l’importance fondatrice de la phase d’élaboration préparatoire à COMMENT ÇA SE PASSE et tout spécialement son OPÉRATION-DÉCALAGE. Il n’y aura plus désormais de créations du Groupov qui ne soient précédées ou accompagnées de Décalages. Et pour un cas, Un Uomo di Meno (Fare Thee Well Tovaritch Homo Sapiens), pendant les représentations elles-mêmes.
Il y aura également des Décalages conçus et réalisés en dehors de tout lien direct avec un spectacle, comme une forme valant par elle-même, telles LES CLAIRIÈRES.
Hiver 1984-85
Crise : Réunion à Belvaux (Ardennes), le Groupov vit sa première crise importante d'orientation, elle restera dans sa mémoire comme Le désaccord de Belvaux.
Jacques DELCUVELLERIE désire quitter complètement le champ de la représentation et engager le collectif dans un travail expérimental permanent. Il rêve de l’acquisition (ou mise à disposition) d’un lieu où ces recherches pourraient se poursuivre sans interruption. Francine LANDRAIN au contraire estime finies les années de déconstruction à la limite de la santé mentale et veut renouer avec la fable, la scène, le spectacle. Titre du projet : THE SHOW MUST GO ON. Elle rallie l'ensemble du groupe à cette orientation. Les trajectoires se séparent, mais sans divorce. Jacques DELCUVELLERIE aide à la mise en scène du SHOW, les autres viennent assister aux ateliers qu'il conduit.
Le GROUPOV individualise ses projets - Création de "The Show must go on"
The SHOW adapté pour la télévision
LES GRANDES MIGRATIONS, scénario de télévision de Francine LANDRAIN, obtient le prix de la Communauté française de Belgique.
THE SHOW MUST GO ON est adapté et réalisé pour la télévision par son auteure et Paul PAQUAY (RTBF).
Création de KONIEC (genre-théâtre)
Jacques DELCUVELLERIE organise la confrontation de plusieurs créateurs : écrivain, metteur en scène, vidéastes, acteurs, musicien, autour de sa propre confrontation avec la tradition théâtrale européenne (avec au centre, LA MOUETTE de Tchekhov) ; ce sera KONIEC (genre théâtre) .
Ainsi, le trio fondamental à l'origine du projet et de sa gestation ( Jacques DELCUVELLERIE, Francine LANDRAIN, François SIKIVE) associera à divers titres, entre autres : Thierry DEVILLERS, Éric DUYCKAERTS, Michel JAKAR, Denis POUSSEUR, Roumain TCHAKAROV.. Certaines vidéos, conçues et interprétées par Éric DUYCKAERTS dans cette création donneront lieu par la suite à un développement qui constituera sa première oeuvre audiovisuelle comme plasticien indépendant : MAGISTER (co-production GROUPOV)
Johan DAENEN réalise l'affiche, dont le graphisme devient le sigle du GROUPOV. Nous retrouverons Johan en 1993 où il deviendra un membre actif du GROUPOV.
A noter la présence discrète de Stéphane FAUVILLE (étudiant au Conservatoire) dans la fonction délicate et quasi invisible de celui qui veille , avant, pendant et après, au bien-être des acteurs, à tous les niveaux. Stéphane deviendra par la suite un membre permanent du Groupov, jusqu'en 2021.
En coproduction avec le Théâtre de la Place (direction : Jacques DECK). Il faut souligner fortement et rendre hommage à la confiance et à la prise de risque de Jacques DECK. Notamment, par le fait, qui ne serait certes pas celui de tous les directeurs de théâtre, d'avoir accepté que le dispositif scénographique de KONIEC (genre théâtre), implique la construction dans sa grande salle d'une espèce d'amphithéâtre/snack-bar destiné aux spectateurs et comme collé au grand plateau. Ce qui réduisait sa jauge de plus de 500 personnes à seulement 90..
Puis est venu Koniec, qui est le mot fin des films polonais. Qui est peut-être la fin, effectivement, d’une longue période de travail du Groupov. Qui est, aussi, la plus belle justification de son existence et de ses travaux. Le public bruxellois, ignorant généralement tout de la Wallonie, va découvrir, enfin, avec cette cérémonie des adieux, l'un des plus émouvants, ironiques, vibrants, désenchantés, intelligents, hommages que l'on ait jamais rendus au théâtre.
Jean Collette, in Spectacles
Francine LANDRAIN écrit et réalise un court métrage, alliant fiction et reportage : BELGICA, BELGICA.
Le GROUPOV participe à la quinzaine "Waarde Landgenoten" à De Singel - Anvers
Finalisation du film de Koniec (genre théâtre) - Francine LANDRAIN est invitée en résidence d'écriture à la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon
Reprise de KONIEC (genre théâtre) au Varia (Bruxelles). Michel JAKAR y achève son film pour la RTBF (gonflé en trente-cinq mm, après un tournage en Super 16 mm, durée : deux heures).
Francine LANDRAIN est invitée en résidence d’écriture à la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon. Elle y achève son texte LULU/LOVE/LIFE, texte à mi-chemin entre tragédie revisitée, burlesque, rock'n roll et science-fiction, autour d’une figure mythique qui, de « Pandora » à Louise Brooks, ne cessera de la hanter. La fable y est transposée dans le monde actuel des médias.
Jacques DELCUVELLERIE entame la LETTRE A CELLE QUI ÉCRIT LULU/LOVE/LIFE - CINQ CONDITIONS POUR TRAVAILLER DANS LA VÉRITÉ., qui servira de base à l’élaboration du Projet Vérité
KONIEC (genre théâtre) est nominé aux Èves du Théâtre à trois reprises : meilleure mise en scène (Jacques DELCUVELLERIE), meilleure actrice (Francine LANDRAIN) et meilleur acteur (François SIKIVIE). Ce dernier obtient le prix.
Début du projet du Triptyque dit "Vérité"
Paris, septembre 1990. Eric Duyckaerts informe Marie-France Collard du projet Trash de Jacques Delcuvelleire et l'invite à le rencontrer.
Liège, octobre 1990. Cette rencontre a lieu. Ils décident immédiatement de travailler ensemble à cette création.
"Manifestement, le laboratoire liégeois a donné naissance à une génération de comédiens et de metteurs en scène avec lesquels il va falloir compter en cette fin de siècle.".
Jean-Marie Wynants, in Le Soir, 27/02/1991
Au Théâtre de la Place (Liège), représentations du premier volet du Triptyque Vérité : L’ANNONCE FAITE À MARIE de Paul Claudel, mise en scène de Jacques DELCUVELLERIE,
A noter, la réalisation sonore de Jean-Pierre URBANO (par la suite musicien-modulateur de presque toutes les productions du GROUPOV).
Co-Production Théâtre de la Place (direction Jean-Louis COLINET).
L'accueil du public et de la critique montre que les intentions de la mise-en-scène, dans le cadre du projet Vérité, de soulever des questions contemporaines tout en témoignant une fidélité passionnée au texte et aux désirs de l'auteur, ont été remarquablement perçues. Ainsi :
Les voix et la musique de l’âme « L’annonce faite à Marie » de Paul Claudel au Théâtre Varia à Bruxelles
Jacques Delcuvellerie assure une mise en scène remarquable où chaque objet a sa place, où chaque personnage évolue par rapport à un grand cercle qui rappelle le pavage des cathédrales gothiques et dont le centre est le point vital. Impossible de passer sous silence l’extraordinaire travail réalisé pour la musique […] et l’interprétation du trio […] qui enveloppent toute la pièce d’un voile surnaturel. Mise en scène, musique et décors très simples pour nous présenter un véritable théâtre-opéra où les paroles sont musique et la musique des voix qui s’entremêlent pour nous faire pénétrer dans le Moyen-Age mythique, dans un ailleurs. Une pièce qui ne laisse pas intact, pour peu que l’on range un instant ses schémas de pensée contemporains et qu’à la manière de la lépreuse, on se laisse guider par les voix et la musique de l’âme.
Eva Balder In Luxemburger Wort, 03/04/1992
L’ANNONCE FAITE À MARIE est nominée deux fois aux Èves du Théâtre : meilleure actrice (Anne-Marie LOOP), meilleure mise en scène (Jacques DELCUVELLERIE). Cette année-là, les Èves ne seront pas décernées.
Dans le même temps, Francine LANDRAIN crée LULU/LOVE/LIFE à l’Atelier Sainte-Anne (Bruxelles). Repartant d’une ancienne obsession pour le personnage de Lulu créé par Frank Wedekind (et pour le destin de Louise Brooks), et qu’elle avait déjà affrontée dans un travail au Conservatoire, Francine Landrain a élaboré une œuvre où cette partie intime d’elle-même s’étoffe aussi des questionnements et des révoltes communes au Groupov. C’est ce dont témoignent 2 critiques (féminines) de cette création (Sabrina Weldman – Claire Diez)
Lulu au pays des images
Sous-titré Little sweet tragedy, Lulu/Love/Life campe le désarroi d’une époque où les sentiments sont devenus incongrus et où les humains, pas tellement différents des machines qu’ils contrôlent, poussent jusqu’à l’absurde le bouchon de leur existence dérisoire. Haché au rythme d’accents rock mâtinés de blues, le texte a le tranchant d’une lame de couteau. Un désir douloureux d’amour absolu y bat entre deux rafales de violence […]
Kitch et toc omniprésents, tant dans le jeu des personnages qui mêle parodie, emphase et distanciation, que dans les décors, les costumes et les couleurs.
[…] Francine Landrain a décidé de faire une mise en scène éclatée, frénétiquement éparpillée, menée au rythme rock de Denis Pousseur, un spectacle qui veut rendre compte de la désagrégation des rapports humains, de la perte du sens, de l’affolement général dans lequel nous vivons. […]
L’écriture proprement dite de Lulu/Love/Life est traversée par le morcellement, la rage et la violence mais aussi, au cœur de ces silences, par une émotion contenue d’une grande poésie.
Sabrina Weldman In La Cité, 14/03/1991
Lulu lâchée dans le monde livide
Francine Landrain y parle de la perte de l’innocence, du struggle for life, du dégoût, de la révolte, de l’absolu, de la rédemption … dans un monde de production et d’argent, contrasté par un autre monde misérable. Il était une fois, dans des studios télés, d’où partent les mêmes images du monde qui inondent les maisons de tous les hommes … Il était une fois, une Lulu extralucide.
Claire Diez In La Libre Belgique, 13/02/1991
Le texte de LULU/LOVO/LIFE est publié par les Editions Théâtrales (Paris).
Frédéric NEIGE, qui a fait partie de la distribution lors de cette création deviendra un membre important du Groupov sur tous ses terrains d'expérience et notamment comme metteur en scène.
Éric Duyckaerts, qui a contribué à la scénographie de LULU/LOVO/LIFE, écrit HEGEL OU LA VIE EN ROSE. Son trajet personnel se sépare ensuite du Groupov. Cependant, l'amitié et l'estime réciproque perdureront et connaîtront un regain d'intensité dans les années précédant sa mort (janvier 2019)
Long chantier d'écriture, d'expérimentations radicales, de décalages et de répétitions du projet TRASH (A LONELY PRAYER), second volet du Triptyque Vérité. L'élaboration du texte entre Marie-France Collard et Jacques Delcuvellerie se poursuit mais ne s'achèvera réellement qu'à la création même en 1992. On peut trouver une descritpion détaillée des intentions et du processus de travail très particulier mis en oeuvre pour Trash dans diverses publications. En particulier : en accompagnement du texte intégral de la pièce dans le Cahier Groupov n°1, co-édité par La Rose des Vents de Villeneuve d'Ascq (épuisé) ; et dans le chapitre II Pratiques en souffrance de théorie du livre de Jacques Delcuvellerie SUR LA LIMITE, VERS LA FIN.
Une pré-représentation exceptionnelle de TRASH (A LONELY PRAYER), est jouée pour une centaine d'amis, de journalistes, d'artistes, à l'Atelier Saint-Anne, Bruxelles.
A noter que Mireillle Bailly, Caroline Petrix et Véronique Stas, déjà présentes dans L’ANNONCE FAITE À MARIE, sont également actrices dans ce projet. François Sikivie y jour le rôle de l'Homme/Réas. Jean-Pierre Urbano, musicien modulateur sur Claudel assume aussi cette fonction dans cette nouvelle création. En cette période, la famille élargie du Groupov se fidélise.
Les Editions Papier Journal du Cirque Divers, Liège, publie la LETTRE A CELLE QUI ÉCRIT LULU/LOVE/LIFE - CINQ CONDITIONS POUR TRAVAILLER DANS LA VÉRITÉ.
L'initiative amicale de cette première édition "historique" comporte, hélas, des inversions de pages, des fautes et de nombreuses erreurs. Elle ne peut servir de référence.
Sur le plan de son statut, le Groupov bénéficie enfin d'une convention avec le Ministère de la Culture, cela lui permet d'assurer mieux un suivi administratif et une meilleure gestion des dépenses de fonctionnement, mais reste insuffisant pour payer un secrétariat permanent, un bureau ou même un local de travail fixe, fût-ce à temps partiel.
Entre l'Opéra National et Trash (a lonely prayer)
Jacques DELCUVELLERIE est invité par le Théâtre Royal de La Monnaie/ De Munt (Opéra National de Belgique) à mettre en scène DIDO AND AENEAS d’Henry Purcell. Ceci dans le cadre de la première saison programmée par son nouveau directeur Bernard FOCCROULLE, et qu'il veut emblématique de ses grandes orientations.
Parmi celles-ci, le choix de ne pas se cantonner aux grandes oeuvres classiques et romantiques mais de réserver une place de choix aux genres dont il a lui-même participé comme interprète : la musique baroque et la création contemporaines. Jacques DELCUVELLERIE lui fait donc observer que, dans cet esprit, DIDO AND AENEAS étant un opéra extrêmement court, il serait possible de concevoir une soirée en deux parties en passant commande à un compositeur encore jeune d'une oeuvre ayant à peu près la même durée que celle de Purcell et avec la contrainte de l'écrire dans son langage personnel mais spécifiquement pour le même ensemble baroque qui interpétera DIDO AND AENEAS, à savoir : les instrumentistes et le Collegium Vocale de Gand sous la direction de Philippe HERREWEGHE. L'idée ayant été acceptée, Jacques propose comme livret un texte que le Groupov a déjà représenté : MEDEAMATERIAL de Heiner MULLER. De même que DIDO AND AENEAS évoque un amour de femme si absolu que son héroîne en meurt dès qu'elle en est privée, MEDEAMATERIAL est le long lamento furieux d'une Médée dont l'amour trompé l'entraîne non à se suicider mais à incendier sa rivale et à tuer ses propres enfants.
Le compositeur pressenti, Pascal DUSAPIN, qui avait assisté à une représentation de L'ANNONCE FAITE À MARIE, accepte cette commande et entame une série de rencontres avec le metteur en scène. A la création de ce MEDEAMATERIAL, (13 mars 92) Délia PAGLIARELLO qui était au centre de notre petite trilogie Heiner MULLER, sera également présente sur scène. Scénographie : Johan DAENEN (Groupov).
Reprise de L'ANNONCE FAITE À MARIE de Paul CLAUDEL au Théâtre Varia (Bruxelles). Francine LANDRAIN remplace Caroline PETRICK dans le rôle de Mara.
Création de TRASH (a lonely prayer) de Marie-France COLLARD et Jacques DELCUVELLERIE, deuxième volet du Triptyque Vérité, à l’Atelier Sainte-Anne (Bruxelles). Cette phase d'aboutissement est précédée, juste avant les représentations, d'un décalage de type nouveau intiutlé LA CLÔTURE. Tous les artistes impliqués dans cette création y participent. Pendant une semaine, ils vivent dans un très vaste lieu, complètement occulté, qu'ils aménagent en une espèce de rue, avec des matériaux de fortune, et privés de tout repère temporel. Le travail solitaire, collectif, et la satisfaction des besoins élémentaires s'y déroulent selon des nécessités qui ne répondent plus en rien à des horaires. Jean-Pierre URBANO, en duo avec Baudoin DE JAER, enretient une présence sonore continue, 24 heures sur 24, électronique ou instrumentale, parfois très violente (pendant certaines actions collectives) et parfois presque imperceptible et subliminale.
Anne-Marie LOOP qui jouait le rôle de la mère dans L'ANNONCE FAITE À MARIE intègre la distribution de TRASH (elle sera ultérieurement Pélagie VLASSOVA, le personnage central de LA MÈRE de Brecht)
Face à nous, Véronique Stas, Sofia Leboutte, Mireille Bailly, Anne-Marie Loop et Janine Godinas allaient gifler les inquiétudes qui sommeillaient paresseusement dans notre chair, pour laisser une brûlure telle qu’aujourd’hui encore le Trash de Jacques Delcuvellerie s’impose comme une douloureuse évidence. […] Parce qu’il est peut-être le seul spectacle à avoir osé bousculer depuis longtemps nos âmes. A avoir osé donner la parole, via François Sikivie, à l’ambiguïté du terrorisme, à l’intelligence vicieuse du gourou manipulant les esprits. A avoir assimilé l’un des rôles essentiels du théâtre aujourd’hui : provoquer en nous et entre nous de longs débats d’idées quotidiennement frelatés sur les écrans télé. […] Un projet Vérité où le Groupov transforme les cul-de-sac en quête d’absolu, les silences vicieux et malversations existentielles en cris d’amour cathartiques.
Christelle Prouvost In Le Soir, 30/12/1992
Jacques DELCUVELLERIE met en scène trois versions très différentes de LA DECISION de Brecht à l'INSAS (Bruxelles), travail d'approche, d'apprentissage et d'expérience, pour lui-même comme pour les étudiants, du jeu et de la mise en scène épiques, sur le chemin de LA MÈRE de Bertolt Brecht et Hans Eisler, dernier volet du Triptyque Vérité. Première rencontre avec Jean-Christophe LAUWERS, futur jeune metteur en scène et membre du Groupov, prématurément décédé (29 ans), et de Sofie KOKAJ, future actrice et metteuse en scène, membre et amie intime du Groupov. Elle sera un personnage essentiel du spectacle UN UOMO DI MENO (2010).
Les éditions Gallimard, collection L'Arpenteur, publient l'essai d'Éric DUYCKAERTS : HEGEL OU LA VIE EN ROSE. Cette première édition comporte plusieurs allusions d'Éric à ses relations avec le Groupov et avec Jacques Delcuvellerie.
Paul PACQUAY achève un premier montage de son film GRPV (GENRE TÉLÉVISION), vision subjective de cet ami sur le GROUPOV depuis sa formation.
TRASH (a lonely prayer) est déclaré "l'événement théâtral de l'année" par le journal LE SOIR. Le journal LA CITÉ cite également TRASH (a lonely prayer) comme "meilleur spectacle de la saison".
Grand "Décalage" d'été - Création de la première "Clairière"- Projet "Penthy II"
De nombreux nouveaux membres sont invités à se joindre aux travaux du GROUPOV. Ici commencent en fait les années de la plus grande extension du Groupov, en membres ou en famille "élargie". Cette configuration amène des modes de fonctionnement, d'expérimentations et créations différents. Certaines opérations, comme le DÉCALAGE D’ÉTÉ ou la NUIT DU GROUPOV au Varia regroupent presque tout le monde. Mais des associations plus restreintes et à géométrie variable se multiplient également avec une grande diversité d'approches.
Alternatives Théâtrales consacre son numéro 44 à la thématique Théâtre et Vérité. Et publie une nouvelle édition de la LETTRE À CELLE QUI ÉCRIT LULU/LOVE/LIFE - CINQ CONDITIONS POUR TRAVAILLER DANS LA VÉRITÉ. Texte d'introduction par Jean-Christophe LAUWERS. Ce numéro comprend également un important port-folio des photos de Lou HERION sur les travaux du Groupov depuis 1980.
Dans le droit fil des "cinq conditions" énoncées dans la LETTRE A CELLE QUI ÉCRIT LULU/LOVE/LIFE, le DÉCALAGE D’ÉTÉ du GROUPOV regroupe sur une période d’un mois, dans les Fagnes belges à proximité immédiate d'une zone forestière, une trentaine de personnes. Il marque un tournant essentiel dans les recherches du collectif où créations nouvelles et recherches para-théâtrales voisineront intensément. Plusieurs explorations radicales sont tentées, des pistes sont tracées, des chantiers sont ouverts.
* 1ère CLAIRIÈRE expérimentale initiée par Jacques DELCUVELLERIE, fortement influencée par les thèmes de la nature, de l'enfance et de la mort qui hantaient le projet Au pied du lit de l'agonisant, les enfants jouentt, et par ce qu'il avait vécu avec Éric DUYCKAERTS lors de leur bref séjour dans le projet VIAE du Groupe L'AVVENTURA de Pontedera. Il s'entoure de 3 collaborateurs : Olivier GOURMET, Nathalie MAUGER, Frédéric NEIGE et après les avoir pilotés lui-même dans de premiers essais, construit avec eux, progressivement, une structure de 5 jours et 5 nuits en forêt, à parcourir, inventer et vivre dans un silence quasi absolu. Ces collaborateurs entrent en fonction de "guide" pour d'autres participants, la structure et ses modalités d'interprétatioon deviennent à la fois plus précises et plus ouvertes. La Clairière connaîtra des développements et des variations dans les années suivantes. (cf. Para-théâtre et livre Sur la limite, vers la fin, chapitre II, Pratiques en souffrances de théorie, page 92)
* Travaux d'un groupe de participants dirigés par Francine LANDRAIN sur la langue et le comportement à partir de PENTHESILÉE de Kleist. Elle poursuivra cette recherche la même année dans un chantier à l'Atelier Saint-Anne, où s'ébauchera le projet de la future création : PENTHY II.
* premiers textes dramatiques de Marie-France COLLARD et Jean-Marie PIEMME autour du FRANKENSTEIN de Mary Shelley et des serial killers.
* Denis POUSSEUR et Jacques DELCUVELLERIE exposent les premières pistes d’un opéra in progress sur le thème du jugement dernier intitulé provisoirement (d'après Joyce) : NOBODADDY.
* Marie-France COLLARD commence la réalisation d'un film d'une heure trente JOURNAL D'UN DÉCALAGE. LA CLAIRIÈRE, sur son vécu de cette expérience.
* Frédéric NEIGE filme le récit du SUICIDE de chacun des participants.
* Plus tard, Jacques DELCUVELLERIE invite douze artistes à participer à une deuxième Clairière.
Au Cirque Divers (Liège), présentation d'OBSESSION, performance sacrificielle de Jacques Delcuvellerie avec Sofia LEBOUTTE (actrice de Trash).
Projection du film de Paul PAQUAY : GRPV (genre télévision) au Festival de Riccione TTVV, festival italien consacré aux arts vivants.
Ecriture de DIEU par Frédéric NEIGE dans le cadre des Scènes Blanches - travaux d'auteurs de Temporalia, sous la direction de Jean-Marie PIEMME, en collaboration avec le Théâtre Varia. C'est dans celui-ci qu'une première lecture publique du texte est dirigée par Francine LANDRAIN avec 12 comédiens et un guitariste.
Ce texte fulgurant et inclassable est excessivement groupovien à plus d'un titre. Ce qui ne manque pas d'étonner de la part d'un artiste n'ayant rejoint le Groupov que depuis 1991. Mais il est vrai, après avoir aussi vu KONIEC (genre théâtre) et assité ou participé aux créations qui ont suivi : LULU/LOVE/LIFE et TRASH (a lonely prayer) et après avoir lu de près la LETTRE A CELLE QUI ÉCRIT LULU/LOVE/LIFE - CINQ CONDITIONS POUR TRAVAILLER DANS LA VÉRITÉ. Si l"on prend par exemple, les petites citations mises en épigraphe de chacune des 5 conditions, elle trouvent écho dans ce texte.
- On a raison de se révolter (Mao TSE TOUNG). Ceci habite toute la pièce sous une forme presque sauvage, les derniers mots du texte proclament en majuscules :
HERE AND NOW
SISTERS AND BROTHERS
BE OUTLAW
On notera aussi l'expression "ICI/MAINTENANT" (HIC ET NUNC), precription basique du collectif depuis toujours
- Un jour nous aurons à rendre compte de notre mort prématurée. (Antonin ARTAUD). Outre les assassinats, suicides, résurrections qui se succèdent, le mouvement 4 s'intitule : "LE MONDE BRÛLE".... et c'est tout ! Aucun autre mot ni indication.
- Laisse le possible à ceux qui l'aiment. (Georges BATAILLE)
Le texte de Frédéric, à la différence de la quasi-totalité des écritures récentes, est a priori impossible à monter. Non seulement sur le plan matériel et financier, mais aussi par les enigmes incessantes que véhiculent les rôles et les didascalies. Comment fait-on parler et jouer le Bébé ? Les "temps morts" indiqués par l'expression "Silence World" ? Les personnages baptisés Queue n°1, n°2, n°3 ? ou les Protégées de l'Univers ? La mégalomanie blasphmatoire du titre lui-même : DIEU n'invite pas à l'optimisme sur la possibilité de trouver des producteurs pour ce type d'écriture. Il y a indéniablement une part (mais une part seulement) d'Écriture Automatique dans la pièce. Sa mise en scène devrait-elle procéder de même pour dégager des solutions scéniques ? Faut-il réserver également une part d'invention Ici/Maintenant lors des représentations ? S'exprimer dans un champ au-delà du "possible" n'est plus fréquent. Pourtant cela a tenté d'autres auteurs jadis (Oskar PANIZZA) et cela tentera encore Frédéric NEIGE quand il voudra mettre en scène Pasteur Ephraïm Magnus de Hans Henny JAHNN.
Arrêtons ici cette illustration "illustrée", mais les deux dernières épigraphes:
- La première figure de l’espoir est la crainte, la première apparition du nouveau, l’effroi. (Heiner MÜLLER)
- L’homme déchiffre sa sentence avec ses plaies. (Franz KAFKA)
pourraient toutes deux servir également d'épigraphes à l'ensemble de son poème dramatique.
Nous nous étendons un peu sur le sujet, parce que d'une part, dans les années suivantes, déjà un peu dépassés par l'ampleur du projet RWANDA 94, le Groupov ne pouvait trouver place ni moyens pour la réalisation de ce texte et d'autre part Frédéric est reparti en France, puis dans sa deuxième patrie, le Vietnam, où il est décédé en 2011.
Deux remarques encore :
- Le texte, composé de 33 "séquences", les présente dans l'ordre inversé de cette numérotation. C'est la 33ème qui ouvre l'oeuvre.
- Voici, pour rêver un peu, comme Frédéric NEIGE a nommé ceux qui peuplent sa scène imaginaire.
DRAMATIS PERSONÆ
Sainte
Les Protégées de l'Univers
L'Homme à la queue brisée
Celui qui n'a pas treize ans
Le rédempteur
100 ans
Les Paranoïdes : Queue N°1, Queue N°2, Queue N°3
Ben l'Affreuse
Sycophante femelle
Le Bébé
Talking-Totems : Crachent Musique Alive
DIEU est le huitième ouvrage pulbié par les Editions LANSMAN, dans la Collection " Tirages Légers", liée à Temporalia.
Mireille BAILLY reçoit l’Eve de la meilleure actrice, notamment pour son interprétation dans L’ANNONCE FAITE À MARIE et dans TRASH (a lonely prayer).
Francine LANDRAIN est nominée pour le Prix triennal de littérature dramatique pour son texte LULU/LOVE/LIFE.
Présentation au Théâtre de la Place (Liège) de LA GRANDE IMPRÉCATION DEVANT LES MURS DE LA VILLE de Tankred Dorst, mise en scène de Jacques DELCUVELLERIE, deuxième étape sur le chemin de LA MÈRE de Brecht (la première étant le travail en 3 versions sur le Lehrstück LA DÉCISION à l'INSAS). Outre le fait que la pièce comporte un personnage féminin central (présente d'un bout à l'autre, avec un long monologue final) et que l'ensemble du Tryptique VÉRITÉ est porté avant tout par des femmes remarquablement fortes, l'oeuvre de Dorst présente dramaturgiquement un côté para-épique avec beaucoup de théâtre dans le théâtre, pantomines, rôle essentiel de la musique et des songs etc., qui en fait un remarquable outil de travail dans notre training en vue de LA MÈRE . A noter : Scénographie et affiche : Johan DAENEN (déjà rencontré en 1987 pour l'affiche de KONIEC et l'invention du sigle du GROUPOV : La Mouette). Désormais, Johan deviendra un membre très actif du Groupov et réalisera presque tous les espaces ultérieurs de nos créations, jusqu'à la fin. Costumière : Greta GOIRIS, ancienne étudiante de Johan DAENEN, qui assumera cette fonction jusqu'à FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS inclus (2010).
La Grande Imprécation, vue par Jacques Delcuvellerie, nous plonge dans une très belle évocation de ce que peut charrier le théâtre lorsqu’il revient à son rôle essentiel : émouvoir, susciter l’interrogation, éveiller la conscience. […] Les comédiens enfin ondulent avec beaucoup d’astuce entre l’humour distancié, parfois très pédagogique, de Dorst, et l’émotion désespérée de notre humaine condition. […] Une fois de plus, Jacques Delcuvellerie prouve qu’il est actuellement l’un de nos metteurs en scène le plus perturbant.
Christelle Prouvost in Le Soir, 24/04/1993
Parallèlement à l’achèvement du Triptyque Vérité, Jacques DELCUVELLERIE entame ses premières recherches en vue d’une création hors du champ théâtral, insérée dans la nature : AU PIED DU LIT DE L’AGONISANT, LES ENFANTS JOUENT. Esquissé, mais assez précisément, en 1992, ce projet a connu différentes interprétations par la suite, mais n’a jamais été mis en chantier. Il rejoint, à certains égards, un autre ancien projet, celui du BUNKER CATHÉDRALE, c’est-à-dire d’un lieu préservé même des retombées d’un conflit nucléaire et/ou désastre écologique total et qui serait à la fois un sanctuaire de traces mais aussi une œuvre en soi. Rêve d’interactions possibles avec d’éventuels explorateurs/visiteurs, terrestres ou non.
Naturellement, cette intitulé AU PIED DU LIT DE L’AGONISANT, LES ENFANTS JOUENT, s'il se réfère ici à un projet concret de création, peut aussi être lu comme la simple description d’une assignation de fait de toute pratique artistique actuelle de qui que ce soit, sans même en avoir conscience : des enfants en pleine activité ludique, tandis que le Sapiens agonise. C’est-à-dire selon nous : s’autodétruit.
Le GROUPOV et Jacques DELCUVELLERIE sont invités en résidence permanente au Théâtre de la Place (Liège).
Au sein du Conservatoire de Liège, avec l'appui indéfectible de Max PARFONDRY, Jacques DELCUVELLERIE crée un Studio Expérimental de pédagogie de l'acteur, assisté de Nathalie MAUGER et Pietro VARRASSO. Limité à 11 participants, situé hors de l'école dans les bâtiments en ruines d'un ancien hôpital (le Val d'Or), mais avec un espace vide occulté, un plancher pour danseurs impeccable, un lieu de travail parfait. Les étudiants se soumettent aux obligations légales du Conservatoire (cours du matin) mais passent les après-midi, soirées (et parfois les nuits) au Studio, selon un programme et des règles strictes complètement autonomes (sur le Studio : cf. Para-théâtre).
Reprise de TRASH (a lonely prayer) à la Rose des Vents (Villeneuve-d’Ascq) et au Théâtre de la Place (Liège). A cette occasion, édition du premier numéro des CAHIERS GROUPOV en co-édition avec la Rose des Vents, on y trouve le texte intégral de la pièce et le récit des étapes et des méthodes de son accouchement.
Marie-France Collard est invitée par Luc de MAEESCHALCK au Jeudi Littéraire du Musée Charlier autour du thème L'écriture ? Quel engagement ?. Un extrait de TRASH (a lonely prayer) est lu par Sofia LEBOUTTE.
Création de PENTHY TWO
Dans la perspective de la création de PENTHY TWO, Jacques DELCUVELLERIE et Francine LANDRAIN organisent un DÉCALAGE en duo de plusieurs jours et de plusieurs nuits dans une cage. Celle-ci est posée sur le plancher du Studio Expérimental au Val d'Or, complètement occulté, en sorte d'y perdre la notion du temps. Ils y sont enfermés avec le struct nécessaire pour vivrre et travailler, livres, de quoi écrire, lampes... Ils dépendent de l'extérieur pour leur approvisionnement selon des horaires expressément irréguliers. Les bases de la future pièce et de ses collaborateurs s'inventent là.
Soirées Groupov au Théâtre de la Place (Liège), dont la mise en scène de Jacques Delcuvellerie du texte DIEU de Frédéric NEIGE, la diffusion des films SUICIDE de Frédéric NEIGE et GRPV (genre théâtre) de Paul PAQUAY ; concert de ALL IS PRETTY.
Création au Théâtre de la Place (Liège) des ANNÉES FLÉAUX de Norman Spinrad (Gallimard, Folio SF), receuil de trois nouvelles. C'est sur celle intitulée CHRONIQUE DE L'ÂGE DU FLÉAU qu'a porté l'adaptation et mise en scène de Frédéric NEIGE (Groupov). Extrapolation apocalyptique d'un fléau très présent au début des années 80 : le SIDA. Avec une rare violence et une ironie au vitriol, Spinrad y dépeint une planète TERRE ravagée, un dépistage policier systématique et une répression militaire impitoyable (camps de concentration). La rapacité insatiable de l'industrie capitaliste pharmaceutique l'entraîne dans une "logique criminelle" de type mafieux. Au milieu des charniers, l'amour seraot-il la seule thérapie salvatirce ?
L'auteur, Américain vivant alors à Paris et célèbre dans le monde entier pour sa contribution au renouveau du genre Science-Fiction, assiste en personne à la création et y témoigne de sa vive satisfaction.
La mise en scène de Frédéric NEIGE, d'un dépouillement total est entièrement basée sur la performance dramatique.
Dans la distribution, figurent plusieurs actrices issues du Studio Expérimental du Conservatoire de Liège
A l'invitation de Frie LEYSEN et dans le cadre de la 1ère édition du KunstenFestivaldesArts, création de PENTHY TWO (Francine LANDRAIN / Jacques DELCUVELLERIE), au Théâtre Royal Flamand/KVS. Conçu comme un long solo pour Francine Landrain (PENTHY), elle y est entourée de présences groupoviennes, anciennes et nouvelles, avant tout Thierry DEVILLERS.
Première collaboration avec Fred OP DE BEECK comme directeur technique, qui occupera par la suite cette fonction au GROUPOV, jusqu'eb 2019.
Au KunstenFestivaldesArts, « Penthy Two » par le Groupov. La guerre a été créée pour… un spectacle qui fera date
Rugueux, véritablement audacieux, Penthy Two est un spectacle débordant d’intelligence, qui fait jaillir sur fond de musique rock la langue émouvante, étonnante de Kleist, qui prend le risque de dérouter, peut-être de dégoûter certaines personnes, de faire entendre en tous cas les vérités que la société enterre redoutablement.
Christelle Prouvost In Le Soir, 09/05/1994
Les étudiants du Studio Expérimental au CRL présentent 2 pièces de William Butler YEATS inspirées du NÔ et du KYOGEN , mise en scène Jacques DELCUVELLERIE, L'UNIQUE JALOUSIE D'EMER et LE CHAT ET LA LUNE. En juin, Nathalie MAUGER et Pietro VARASSO montent chacun une version différente d'ARLEQUIN POLI PAR L'AMOUR, première pièce connue de Marivaux. Tous ces travaux vont conduire à un important prolongement public pendant la saison 94-95.
Organisation d'une nouvelle CLAIRIÈRE, dans les Fagnes et en forêt, pour les étudiants ayant participé à l'expérience pédagogique du STUDIO au Conservatoire de Liège. Guides de l'expérience : Nathalie MAUGER, Frédéric NEIGE, Pietro VARASSO.
Marie-France COLLARD finalise le film JOURNAL D'UN DÉCALAGE, LA CLAIRIÈRE.
Le Théâtre Varia (Bruxelles) invite le GROUPOV durant un mois. D'abord pour une série de représentations de LA GRANDE IMPRÉCATION DEVANT LES MURS DE LA VILLE, de Tankred Dorst, mise en scène Jacques DELCUVELLERIE, ensuite, pour plusieurs événements parallèles dont la présentation de PASTEUR EPHRAÏM MAGNUS de Hans Henny JAHNN, mise en scène de Frédéric NEIGE ; et une NUIT DU GROUPOV, chaque de ses membres présentant : ou performance, ou installation, ou lecture, ou vidéo, ou mise en scène... Divers travaux aléatoires avec le public, dont un breakfast partagé à l'aube.
A l'initiative de Michel KACENELENBOGEN et de Patricia IDE, les étudiants issus du Studio Expérimental du Conservatoire, ouvrent, sous la direction artistique de Jacques DELCUVELLERIE, la 1ère saison d'une nouvelle scène bruxelloise : le théâtre LE PUBLIC. Michel
KACENELENBOGEN ayant assisté aux présentations des travaux du Studio décide de faire confiance à cette jeune équipe. Dans une mis en scène de Nathalie MAUGER se donnent en alternance pendant deux mois (9/11 au 31/12) : ARLEQUIN POLI PAR L'AMOUR et LA DOUBLE INCONSTANCE DE MARIVAUX.
Jacques DELCUVELLERIE et Marie-France COLLARD qui ont été violemment émus et révoltés par le génocide au Rwanda ainsi que par son traitement médiatique, échangent intensément sur le sujet.
A noter ici : en prologue à l’installation “La machine de vision”, présentée lors de la Nuit du Groupov, Marie-France COLLARD propose aux spectateurs l’article du Monde Diplomatique “Un génocide sans images - Blancs filment Noirs” - septembre 94 ainsi qu’un agrandissement de la photo “La honte de faire ce métier" de Jean-Michel Turpin.
Edition de RECYCLING, CD reprenant certaines musiques composées par Denis POUSSEUR pour le GROUPOV.
LA MÈRE, 3ème volet du Triptyque Vérité. Groupov, Centre Expérimental de Culture Active
Un spectacle qui devrait être inscrit au répertoire du théâtre belge et international, avec les deux autres volets du Projet Vérité, L’annonce faite à Marie et Trash. Parce que ce Projet Vérité est l’un des cadeaux les plus bouleversants que le théâtre nous ait offert ces dernières années.
Christelle Prouvost, in Le Soir
Présentation au Théâtre de la Place (Liège) de LA MÈRE de Bertolt Brecht, troisième volet du Triptyque Vérité. Musique de Hanns Eisler, mise en scène de Jacques DELCUVELLERIE.
Parce qu’il est l’emblème et le meilleur exemple d’un théâtre qui décide de sortir de sa bulle, de faire de son désir d’agir une réalité. […] Un spectacle émouvant parce qu’en complète intelligence avec l’auteur, parce que porté collectivement par une troupe généreuse d’un bout à l’autre, qui devrait être montré au plus grand nombre et inscrit au répertoire.
Christelle Prouvost, in Le Soir, 29/12/1995
Ce Brecht de maturité monté par Delcuvellerie, à la source de sa ferveur, éblouit et enthousiasme.
Claire Diez, in La Libre Belgique, 03/04/1995
Le travail réalisé par la troupe liégeoise du Groupov et son metteur en scène Jacques Delcuvellerie à propos de La Mère de Brecht est exemplaire tant pour sa rigueur esthétique que pour les liens qu’il tisse entre l’actualité et l’histoire. […] Le spectacle garde son impact du début à la fin. Il est ponctué des repères d’images puissantes et le public ne peut que conserver en mémoire ce final de foule mitraillée qui se relève, repart, s’écroule et renaît, synthèse de l’appel de Brecht, du metteur en scène et du Groupov à cette solidarité sans laquelle le monde de demain n’aura guère de chance de survivre.
Michel Voiturier, in Le Courrier de l’Escaut, 13/04/1995
Ces représentations de LA MÈRE, où pour la première fois nous abordions au théâtre (et non à l'opéra) la "Grande Forme" (vaste distribution, orchestre "live", plateau et scénographie très larges, etc.), n'ont été possibles que par une très longue préparation. Tant sur le plan du style, du sens, que sur celui des difficultés techniques. En effet, le Théâtre de la Place n'a pas du tout consenti à allonger le temps de répétitions à la mesure de l'oeuvre. Les répétitions au Berliner Ensemble pouvaient durer parfois un an... Nous disposions de 7 semaines seulement, mais nous avions obtenu que ce soit pour tous dès le premier jour (y compris les petits rôles), afin de ne former qu'une seule équipe d'un bout à l'autre. Par ailleurs, finalement, le metteur en scène put disposer de 2 semaines supplémentaires avant la première répétition d'ensemble pour travailler avec la seule Anne-Marie LOOP pour le fardeau exceptionnel de jouer Pélagie VLASSOVA, la Mère, laquelle est présente sur scène de la première à la dernière minute du spectacle (3 heures).
Sachant de longue date ces conditions drastiques, outre toute la préparation artistique et dramaturgique relatée brièvement ici et bien sûr toute la plongée studieuse dans l'ensemble de l'oeuvre brechtienne, une équipe de base pluridisciplinaire se réunit régulièrement pendant toute l'année précédente chez le metteur en scène afin de définir les options essentielles dans tous les domaines et un plan de tâches à accomplir. C'est ainsi que nous avons organisé grâce à Max PARFONDRY un atelier de chants brechtiens selon les principes mêmes du Berliner Ensemble, dirigé par Dirk VONDRAN, un professeur de Leipzig. Une équipe du Groupov a mené une enquête sur deux mises en scène différentes de La Mère au Berliner Ensemble et à la Schaubünne de Berlin. Jacques DELCUVELLERIE a rencontré Manfred Wekwerth, qui avait, entre autres, réalisé le film La Mère dans la mise en scène même de Brecht – film visionné et analysé avec toute l’équipe. Ce qui a conduit à l’option d’une tentative générale de suivre les solutions de Brecht, et de même que la décision (rare mais chaque fois essentielle) de ne pouvoir lui rester fidèle qu’en nous en écartant un peu à certains endroits précis. Se rendre capable de « copier » ou de transformer, soulevait chaque fois des questions d’option et des exigences concrètes. Cela permit, par exemple, à Greta Goiris d'avoir déjà largement avancé dans les costumes et elle put procéder à des essayages partiels le 1er jour de répétion. Entre autres. Naturellement, tout ceci fut bénévole (un scandale selon Brecht...) et les frais incontournables (voyages, documentation, etc.), à charge du seul Groupov. Nous pûmes aussi suppléer à bien des manques grâce à un important effectif de stagiaires, dévoués, efficaces, remarquables, employés dans tous les domaines : recherche des accessoires, élaboration des plannings, etc.
On ne détaillera pas ici le processus de travail suivi dans cette phase finale, mais qu'il ne fut pas tout à fait ordinaire peut se deviner à une singularité. Dès le début, Jacques DELCUVELLERIE proposa la réalisation d'un journal hebodmadaire interne (mais également distribué au personnel administratif et technique du théâtre, ce qui les sensibilisait directement sur le travail en cours dans leurs murs).
Cette gazette photocopiée, très fournie et illustrée de dessins (Daniel HICTER) et de photos, intitulée simplement LA MÈRE, comportait des articles et des documents de toutes sortes, en liaison avec le projet, Brecht, la Russie de 1905 à 1917, etc. Plus important, il s'ouvrait souvent par une communication écrite, et parfois détaillée du metteur en scène sur l'état du travail, les difficultés en cours ou à venir, les chemins proposés pour les surmonter.
Réunis en un seul dossier de belle facture, ce sont ces exemplaires du journal qui constituèrent le programme mis en vente pour les spectateurs lors des représentations. (l'intégrale de ce programme, 7 numéros du journal, est consultable dans la rubrique Spectacles de ce site. Dans le N°1, par exemple, la petite note de Jacques DELCUVELLERIE : "Deux remarques sur le travail de l'acteur dans LA MÈRE," donne une indication très parlante de ce que le journal pouvait apporter, en dehors des répétitions).
GROUPOV, CENTRE EXPERIMENTAL DE CULTURE ACTIVE.
Accords de Spontin : les membres du Conseil d'Administration du Groupov se retrouvent pour plusieurs jours afin de déterminer les nouvelles orientations du travail depuis l'achèvement du Triptyque Vérité.
Le déroulement de celui-ci s'étant étalé sur plusieurs années, Jacques DELCUVELLERIE exprime le désir que le Triptyque puisse être à nouveau représenté, mais cette fois de manière groupée. A noter que ce désir, plusieurs fois réitéré dans les années suivantes, et soutenu par l'ensemble de l'asbl, ne trouvera jamais les moyens de sa réalisation, les co-producteurs n'y étant pas favorables. Ces débats ont donc un enjeu interne mais ils visent aussi à définir les termes par lesquels la mission du Groupov sera actée dans son prochain contrat-programme avec le Ministère de la Culture.
Afin d'être assuré que notre collectif n'y sera pas restreint aux seuls devoirs et aux seules possibilités d'une compagnie théâtrale productrice de spectacles et que sa part de recherches et d'exploration de territoires inconnus sera bien reconnue et garantie, le Conseil d'Administration décide d'intituler le GROUPOV : CENTRE EXPÉRIMENTAL DE CULTURE ACTIVE.
À ce moment déjà et jusqu'à aujourd'hui, la CULTURE ACTIVE a toujours été entendue entre nous dans un double sens. Elle recouvre aussi bien, la recherche de formes d'expressions artistiques qui modifient, perturbent ou renouvellent la distinction traditionnelle des rôles de l'artiste (actif) et du public, du spectateur ou du consommateur (passif), c'est le champ où l'on peut regrouper sommairement nos différentes pratiques para-théâtrales ; que des formes d'interventions plus directes et à caractère politique (animations, formations, ateliers, etc.).
Ces précisions nouvelles qui seront effectivement adoptées dans la formulation du contrat-programme, n'excluent évidemment pas qu'une large part de nos moyens soit toujours consacrée à la création dramatique. Et le contrat accepte également que notre démarche puisse se développer dans d'autres disciplines : écriture, films, musique, etc.
Ce que ce contrat-programme va reconnaître officiellement ne fait que consacrer une réalité existante et c'est bien ainsi qu'une partie de l'audience du Groupov et certains observateurs professionnels de la vie artistique le perçoivent.
Réunion de philosophes, musiciens, acteurs, auteurs, metteurs en scène, plasticiens, vidéastes, le Groupov offre sans doute l’une des plus belles, des plus audacieuses, plus chamboulantes démarches artistiques que compte notre pays. Rare collectif, existant toujours depuis sa création, le Groupov aime volontiers voir ses membres échanger leurs rôles, passer du jeu à la mise en scène, de l’écriture à la vidéo mais accorde aussi de l’importance à la transmission de l’expérience, à la pédagogie, aux aventures à l’extérieur, dans les autres théâtres.
[…] En quatorze ans d’existence, le Groupov aura livré des moments aussi exceptionnels que « The show must go on », « Comment ça se passe », « Koniec (genre théâtre) », « L’Annonce faite à Marie », « Trash », « La grande imprécation devant les murs de la ville ».
Christelle Prouvost, in Le Soir, 09/05/1994
La planète Groupov
[…]. Un « groupuscule » dont on ne se lasse pas de suivre les spectacles richement aboutis et les expériences hors du commun. […] approfondir le portrait à facettes multiples de l’homme et de son groupe surprenant. Surprenant ? Oui, parce qu’on ne le trouve jamais là où on s’était résolu à l’attendre. Le Groupov est un O.T.N.I., un objet théâtral non identifié qui fouille les poubelles de l’Histoire et les sacs à main de la vie, les rêves inaccessibles et les morts possibles, inlassablement, sans se scléroser. […] Ne sont-ils pas tour à tour metteur en scène, acteur, écrivain, professeur ? […] En résumé, on a là une furieuse famille de professionnels en recherche – deux termes trop souvent antinomiques – exigeants, parentés et inclassables !
Sabrina Weldman, in Art & Culture, novembre 1994
Ouverture d'une 2ème session du Studio Expérimental du Conservatoire (1995-1996), Jacques DELCUVELLERIE y est assisté de Pietro VARASSO. A noter : la participation d'un étudiant africain à peine arrivé de DAKAR : Younouss DIALLO, qui jouera plus tard un rôle très actif dans plusieurs créations du Groupov, parfois entreprises à sa propre initiative. Également présente : Jeanne DANDOY, qui, à côté de sa carrière personnelle d'actrice, deviendra par la suite un membre très engagé du Groupov, à l'origine de plusieurs créations produites ou soutenues par le collectf.
Cette nouvelle session du Studiio Expérimental commence très abruptement par un long Atelier HIC et NUNC (Ici/Maintenant) dont un stagiaire assistant, Laurent BEAUFILS, sera le témoin et dont il gardera des traces qui figureront dans le deuxième Cahier Groupov : LE JARDINIER (... et avec lui la vie d'un homme) (cf 1997)
Reprise à la Balsamine (Bruxelles) des ANNÉES FLÉAUX de Norman SPINRAD, mise en scène Frédéric NEIGE.
Jacques DELCUVELLERIE et Marie-France COLLARD commencent à définir le projet qui s'impose progressivement à eux après le Triptyque Vérité. Il porte à ce moment-là un nom de code qu'il ne gardera pas : RWANDA. LA CHEVAUCHÉE FURIEUSE.
Le projet RWANDA 94 entre en chantier
Un nouveau chantier de création s'ouvre sur le sujet du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994. A cette date, les deux initiateurs du projet ne savent pas comment ils pourront rencontrer et traiter une réalité si énorme, si monstrueuse et de surcroît, si proche. C'est-à-dire dont tous les effets et toutes les conséquences se déroulent au moment même où nous y travaillons.
Les seules certitudes de départ, et elles ne varieront pas, peuvent se résumer ainsi :
* Nous savons que, quelques soient nos efforts et le talent collectif investi, et même en dépassant nos propres capacités initiales, le résultat du processus en cours ne sera jamais qu'une tentative. Nous avons pleinement conscience de l'insuffisance des ressources de l'intelligence et des limites des facultés créatrices à "rendre compte" pleinement d'un phénomène comme le génocide. Mais loin d'en être découragés, nous tenons néanmoins cette tentative comme un devoir impératif. Cependant, nous pressentons déjà que s'affronter à une telle réalité nous contraindra à transgresser certaines limites des codes ordinaires de la représentation. A ce moment, nous ne savons absolument pas à quels endroits, ni de quelle manière. Mais, d'ores et déjà, le terme de "spectacle" pour parler de ce futur "objet scénique" nous paraît une simple commodité d'usage et une réduction simplificatrice. Il est presque impossible de l'éviter dans la communication, mais, entre nous, il sera toujours question du projet même dans sa dernière phase. Il est donc ici employé avec des guillemets.
* Le "spectacle" sera entièrement dédié aux morts, ils doivent en être l'inspiration et la figure principale. Les morts reviennent hanter les vivants afin d'obtenir justice et réparation. Le "spectacle" ne sera donc pas seulement de deuil et de déploration, les morts exigeront aussi de savoir pourquoi ils ont été tués.
* Le "spectacle" s'interdira toute toute représentation dramatique "réaliste" (massacres, tortures, viols, etc.) du génocide.
* Le "spectacle" étant initié et créé par des Occidentaux, nous veillerons avec le plus grand soin à ne jamais parler à la place des Rwandais. Le dispositif d'élaboration du spectacle doit être pensé et organisé à partir de cette préoccupation. Par ailleurs, nous voulons aussi balayer devant notre propre porte, c'est-à-dire la mise en évidence de la responsabilité collective des Européens et des instances occidentales.
* Le processus de gestation du "spectacle" doit trouver son chemin entre deux impératifs contradictoires. Il est entrepris dans un sentiment d'urgence, comme d'une tâche dont la nécessité est immédiate. En même temps, il doit à tout prix éviter de se comporter comme la plupart des journalistes des grands média en ont donné le triste exemple pendant le génocide : à partir d'a priori non vérifiés (luttes tribales), sans connaissance du terrain et sans aucune enquête historique sérieuse, se cantonant servilement au point de vue exclusif de leurs divers gouvernements. Il nous fallait donc y consacrer un temps suffisant (et non mesurable à ce moment) dans un processus de connaissance directe (notamment au Rwanda) et indirecte (lectures, conférences, rencontres).
* La question des média et du rôle de l'information devait être rencontrée frontalement dans l'objet scénique final.
Pendant les années 96/97, Marie-France COLLARD et Jacques DELCUVELLERIE travaillent intensément à se documenter, avant de réunirn en janvier 98, un groupe dramaturgique de travail permanent. Certaines rencontres importantes ont déjà lieu, dont celle de Tito RUTERAMARA en mai 1996.
Travail sur une Clairière de type différent à Mirwart (Ardennes belges). Il s'agit de nouvelles voies issues des travaux des guides préparatoires à la Clairière 1, direction artistique : Olivier GOURMET.
Pour simplifier l'évolution complexe des expériences CLAIRIÈRES depuis 1993 sans rentrer dans tous les essais et débats qui l'ont accompagnée, quelques repères essentiels :
* La CLAIRIÈRE initiale, de type 1 (qu'on devrait en fait appeler : le Chemin de la Clairière) gardera globalement sa structure jusqu'aux années 2000
* Une CLAIRIÈRE dite "didactique" a été réalisée une seule fois (voir année 1998), puis abandonnée comme inadéquate à son objet : former et préparer de nouveaux "guides". Ceci répondait à une double nécessité : l'une, pratique, de pouvoir remplacer d'anciens guides quand ceux-ci n'étaient pas disponibles en raison de leurs propres engagements artistiques ; l'autre, plus fondamentale, de permettre à des participants qui en avaient manifesté les qualités potentielles, de passer à un nouveau stade d'expérience vécue en assumant cette fonction artistique et humaine complexe : guide. En fait, cette transmission s'est bien effectuée au fil des années, mais par une voie beaucoup plus archaïque et non par un bref passage dans une sorte de "stage" didactique. Ainsi, ont été "guides" de CLAIRIÈRE de type 1 (après Olivier GOURMET, Frédéric NEIGE, Nathalie MAUGER et Pietro VARASSO), Mathias SIMONS, Nathanaël HARCQ, Stéphane FAUVILLE, Benoït LUPORSI, Manu FABRE. À noter que dans les années ultérieures, les CLAIRIÈRES accueilleront des participants ne se considérant pas eux-mêmes comme "artistes", voire tout-à-fait extérieurs aux professions de la la culture.
* Une CLAIRIÈRE de type 2, intitulée : Marche Vers La Mer, sera mise en chantier à 2 reprises (voir 1997-1998), à chaque fois dans la région française des Landes. Conçue comme une expérience purement solitaire et pour des "guides" déjà expérimentés, mais pratiquée simultanément par plusieurs "marcheurs" isolés, qui ne devaient se rejoindre finalement, pour une 2ème étape de travail, collectif, qu'une fois arrivés et s'étant retrouvés sur le rivage de l'Atlantique. Dans la phase préalable de traversée solitaire des Landes, chaque marcheur devait accomplir un certain nombre d'actes dont il avait convenu avec Jacques DELCUVELLERIE auparavant, mais chaque marcheur pouvait décider librement du moment où il les accomplissait et pouvait aussi en modifier les modalités en fonction des circonstances. La 1ère expérience fut tentée par Olivier GOURMET, la 2ème par Pietro VARASSO. Ces deux premières expérimentations étant relativement risquées, Laurence GAY résidait à proximité de cette zone et restait joignable pour toute intervention d'urgence, l'usage du portable étant évidemment proscrit en dehors de cette extrémité.
Nous ne pûmes jamais finaliser cette forme, dont ces deux expériences laissaient penser qu'elle serait remarquable, du fait de la sur-occupation du Groupov, dans la phase de création du spectacle RWANDA 94, puis de sa tournée internationale. Les premières idées échangées avec Pietro et Olivier sur ce qui pourrait se célébrer ou s’accomplir collectivement au bord de l’océan laissaient entrevoir un travail où, comme dans les autres types de Clairières, les échanges interpersonnels dialogués seraient exclus mais où le corps et la voix seraient pleinement sollicités dans le rapport aux éléments naturels environnants (eau, sable, vent, ciel, nuit, étoiles, etc.) ou à produire (feu, masque, matières organiques, couleurs…). La voix surtout semblait devoir tenir un rôle essentiel.
Soirée performance à la mémoire d’Arlette DUPONT, qui ne fut pas seulement la très remarquable professeure d'Histoire de Théâtre de Jacques DELCUVELLERIE à l'INSAS, puis de presque tous les membres fondateurs comme nouveaux du Groupov au Conservatoire de Liège, mais aussi leur initiatrice à "un art de vivre". Jacques DELCUVELLERIE créera plus tard : IN PRAISE OF ARLETTE DUPONT (2009), durée : 3 heures dont plus d'une heure et demie de musique. Cette oeuvre sera présentée comme le prologue de la future création FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS.
Reprise de LA MÈRE au Théâtre National (Bruxelles) et en France (La Rose des Vents de Villeneuve d'Ascq - mais en fait les représentations eurent lieu à l'Atelier Lyrique de Tourcoing - et au Cargo à Grenoble).
A l'occasion des représentations de Grenoble, la distribution enregistre dans le studio son du Cargo, un certain nombre de chants du spectacle dont il sera tiré une cassette.
Le Groupov tient ici à saluer la mémoire de Roger CARACACHE (décédé en 2011), alors directeur du Cargo et du Centre Dramatique National des Alpes. Nous ne parlerons pas de toutes ses actions comme grand médiateur culturel, mais sur le chemin de notre parcours, ce fut une rencontre extrêmement fructueuse, témoignant d'une grande sensibilité, d'un sens du risque peu fréquent et d'une remarquable et discrète efficacité. Ayant assisté à une représentation de TRASH(a lonely prayer) à la Rose des Vents, il nous exprima son vif désir de programmer cette création au CARGO. Malheureusement, ce projet ne put avoir de suite, car nous étions sur le chemin de LA MÈRE et plusieurs artistes de Trash y participaient. Il renouvela son invitation pour cette nouvelle production, si différente et beaucoup plus coûteuse. Dans le même temps, nous ayant longuement écoutés sur le projet RWANDA 94, il organisa plusieurs rencontres avec Bernard Faivre d'Arcier et lui-même, en vue d'une éventuelle programmation de notre travail au Festival d'Avignon. Ce qui, après de grandes hésitations politiques, eut finalement lieu.
Pour la première fois : décision de trouver à Liège un local, bureau, salle de travail. Laurence GAY assure désormais la gestion financière et administrative des activités du GROUPOV.
Avec l'asbl Latitudes Production, Marie-France COLLARD commence un projet de long-métrage documentaire titré "OUVRIÈRES DU MONDE", voulant mettre en évidence cette "horreur économique" orchestrée par les multinatinonales qui planifient sur l'échiquier mondial la recherche du profit maximum, broyant ainsi la vie d'ouvriers et d'ouvrières tant dans les pays du Nord que du Sud. Au centre du film : la vie de femmes ouvrières travaillant dans le secteur textile pour une même multinationale, en Occident et dans les pays dits du "Tiers-Monde".
1er voyage au Rwanda - 1er dossier dramaturgique : RWANDA - LA CHEVAUCHÉE FURIEUSE
Cette année est très riche en événements de différentes natures. Nous ne les rapportons pas exactement dans leur chronologie mais en les regroupant en deux chapitres distincts. Le 1er concerne tout ce qui s'entreprend dans le chantier du Projet RWANDA 94, le 2ème mentionne toutes les autres activités.
I. CHANTIER : RWANDA - LA CHEVAUCHÉE FURIEUSE
L'intense travail de recherches documentaires se poursuit sur tous les terrains (histoires, ethnologie, témoignages, littérature, films documentaires, archives télévisuelles, etc.).
C'est Jacques DELCUVELLERIE, cette année-là, qui va y consacrer le plus de temps et d'énergie en vue d'un rapport à l'ensemble du Groupov. De son côté, Marie-France COLLARD va entreprendre un long voyage en immersion dans la réalité du génocide, à Bruxelles, puis au Rwanda.
a) Immersion dans la réalité du génocide
Des débuts du projet jusqu'à nos jours, c'est Marie-France COLLARD qui entretiendra la relation la plus directe et la plus continue du Groupov à la réalité rwandaise. Elle y nouera des liens avec les personnalités les plus diverses, du sommet de l'Etat jusqu'aux rescapés de villages éloignés ou les survivants des collines de Bisesero. Cela avant, pendant et après la création du spectacle (mars-avril 2000). Elle poursuivra cette tâche de laison dans les années suivantes et fut, avec Philippe Taszman, en 2004, la cheville ouvrière de notre tournée au Rwanda même pour la 10ème commémoration. Le film qu'elle tourna sur place à cette occasion : RWANDA. A TRAVERS NOUS L'HUMANITE... approfondit encotre certaines de ces relations et sa connaissance de la situation des rescapés à cette époque.
Ce long processus d'immersion a commencé pour elle par la rencontre en cette année 1997 d'acteurs de la coopération, ayant une expérience récente et pratique du Rwanda, par sa participation ensuite aux activités organisées au moment de la commémoration du génocide : la journée préparée par Solidarité Internationale : Experts à la barre - l'autre tribunal abordant des questions comme le financement des armes du génocide, l'implication de l'Eglise Catholique, le silence et les tergiversations de l'ONU, les non-dits de de la politique belge et française... Puis il y aura, le 7 avril, la Marche aux Flambeaux, de la Place Royale à la Place Poelaert, suivie de la veillée au Centre Culturel d'Auderghem, préparées par l'organisation rwandaise des rescapés IBUKA - SOUVIENS-TOI. Nous sommes à peine 3 ans après les massacres. Le choc bouleversant de ces journées et les rencontres décisives (comme avec Frère Damascène Ndayambaje), les témoignages, les films, les révélations des experts, la marche aux flambeaux, les chants, elle les a relatés dans le texte "Carnet de travail - Notes de voyage" (un extrait est publié dans l'Alternatives Théâtrales 67/68). Ces premières expériences l'affecteront profondément que c'est dans un état de maladie (au sens non figuré) qu'elle écrira le premier texte du Groupov sur le sujet : LES COLLINES DU SILENCE.
Ce texte sera d'abord lu par Francine LANDRAIN dans le cadre d'une soirée : ÉCRITURES FEMININES au Cirque Divers (Liège), une 2ème lecture en est donnée par Janine PATRICK à La Chartreuse en Avignon, Marie-France Collard y assiste, de retour, la veille, du Rwanda.
Après des repérages et un tournage aux Philippines en juin 1997, dans une zone franche d'exportation, pour la réalisation de son film OUVRIÈRES DU MONDE et la rencontre d'une autre réalité des habitants d'un pays du Tiers-Monde soumis aux diktats financiers des multinatinales, du 4 au 20 juillet, elle découvre ce Rwanda où se lisent encore partout les traces du génocide (murs criblés de balles, bâtiments incendiés, églises en ruines devenues lieux de massacre où sont maintenant exposés les restes de victimes, d'autres sites de tueries de masse aux cadavres momifiés...). Le pays entier se trouve dans un état de dénuement extrême.
Elle va se partager entre deux activités. D'une part hébergée à Kigali, dans la quartier de Kimisagara, par la représentante d'une petite ONG belge, Médecine pour le Tiers Monde, qui développe un parrainage d'enfants rwandais, elle se joint aux travaux manuels du chantier que celle-ci dirige dans une communauté rurale, Runda, sur la route de Gitarama. Avec d'autres personnes venues de Belgique pour une "brigade", elle y côtoie et apprend à connaître les veuves et les très rares hommes rescapés du village, extrêmement pauvres. D'autre part, elle visite différents sites génocidaires, fait de nombreuses rencontres, écoute, écoute., écoute.. Différents rendez-vous sont également organisés avec des représentants officiels du FPR, d'African Rigths, de l'Université de Butare. Ses notes de voyage, soigneusement tenues, figurent dans le 1er dossier dramaturgique. "Rwanda. La Chevauchée Furieuse"
b) Dossier dramaturgique, "RWANDA. LA CHEVAUCHÉE FURIEUSE"
Ce document de 170 pages (avec une vaste bibliographie et des annexes), achevé en octobre 1997, sera envoyé à l'ensemble des participants potentiels - proches ou lointains - co-producteurs déjà pressentis ou à venir.
Il a pour sommaire :
- Note d'intention : Jacques Delcuvellerie.
Introduction.
1. Il nous fallait d'abord savoir et comprendre.
2. De quel point de vue oser parler, oser créer ?
3. Quelles dramaturgies de référence ?
Quelle dramaturgie en gestation ?
4. Quel processus ? Quelles méthodes ?
- Cahier de travail. Extraits. Marie-France Collard
- Repères chronologiques
- Prologue ou l'épreuve du fantôme in Le fantôme ou le théâtre qui doute
Monique Borie, Editions Acte Sud / Académie Expérimentale des Théâtres, Collection "Le temps du théâtre"
- Bibliographie
- Le texte "Prologue ou l'épreuve du fantôme" (extrait de "Le fantôme ou le théâtre qui doute"de Monique Borie) est inséré dans ce dossier comme une référence dramaturgique stimulante de grande qualité pour la mise en chantier d'une oeuvre qui entendait mettre les morts, donc les spectres, au centre même de sa création.
- Les repères chronologiques sont empruntés à un ouvrage qui a joué un rôle décisif pour le Groupov au début de ce chantier : "Rwanda. Histoire d'un génocide" de Colette Braeckman (Fayard 1996). Cette grande journaliste inspirera à Jacques Delcuvellerie un des personnages de la future création : Colette Bagimont.
- Les extraits du Cahier de Travail de Marie-France Collard commencent en février 1997 (rencontre avec des coopérants d'ONG rentrant du Rwanda), traversent les événements évoqués précédemment : commémoration de Bruxelles, sa maladie, l'écriture des COLLINES DU SILENCE, le voyage au Rwanda et le compte-rendu très détaillé de (presque) toutes les rencontres et témoignages, ses tâches, son analyse, ses impressions, ses émotions. Le lendemain de son retour, elle part directement en Avignon pour écouter la lecture de son texte par Janine Patrick.
- La Note d'intention de Jacques Delcuvellerie pose toutes les questions de base en 4 chapitres, en traçant des ouvertures. Une très grande partie de ce qui s'y expose, tans sur le plan historique, ethnologique, politique que sur le plan artistique, se retrouvera effectivement mis en oeuvre dans la création finale.
A titre d'exemple, un des points de vue structurants de l'oeuvre (celui résumé plus tard dans la formule : à l'usage des vivants) :
"(...)
b) A partir du cas concret, transcender sa singularité. Notre but n'a jamais été de produire un documentaire théâtral sur le Rwanda. Nous voudrions de ce cas singulier, mais précisément et concrètement traité dans sa singularité même, créer un objet dramatique et poétique propre à éclairer et réveiller des contradictions beaucoup plus larges. "Les Perses" d'Eschyle traitent d'une guerre qui ne nous concerne plus en rien, et dont la plupart des spectateurs n'ont du reste que la plus vague idée, mais il ne semble pas que la pièce ait fini de nous raconter quelque chose. Sans doute ne sommes-nous pas Eschyle, et peut-être même, pour la création dramatique à partir de faits historiques, le temps d'une écriture aussi transparente est-il révolu pour longtemps. Mais on n'écrit certes pas la même pièce à travailler dans ce souci et cette ambition, qu'à opérer un collage de témoignages.
Un des aspects de notre travail par lequel nous tentons cet élargissement ou cette "transcendance" du thème, c'est de donner à entendre à tout moment que cette "sauvagerie" ne nous est pas étrangère. Non seulement nous, Européens, avons créé les conditions de cette horreur, non seulement nos dirigeants ont protégé et soutenu les criminels, comme ils ont facilité le crime (le mandat puis l'évacuation des casques bleus), mais en nous-mêmes et ici-même, en Europe, existent toujours les potentialités de massacres impitoyables.
La question centrale sur ce point est celle du racisme. C'est là, à notre sens, le "point aveugle" de notre civilisation. Au Rwanda, où nous l'avons importé, aucune des puissances tutélaires n'a jamais remis en question l'ethno-populisme du régime, aucun des ravalements "démocratiques" de façade imposés de l'extérieur n'a remis en cause ce fondement inique et révoltant. Ce n'est pas un hasard. Aujourd'hui encore, sur notre propre histoire européenne, il est mal reçu d'avancer qu'Hitler n'est pas tombé du ciel et que, outre les conditions socio-économiques propres à son épanouissement, une bonne partie de l'opinion publique était idéologiquement prédisposée à son discours. Une des bases de cette prédisposition, mais non la moindre, étant le racisme et l'antisémitisme. Ceci n'a pas disparu.
Nous ne croyons pas à la romance dominante où 40-45 est "la der des der". Nous voyons dans le coeur et l'esprit des hommes d'ici et - contrairement à tout ce qui se dit- en particulier dans la jeunesse, des signes que ces potentialités sont toujours bien vivantes et que des circonstances idéologiques, économiques et politiques précises -et qui n'ont rien d'improbable- peuvent précipiter. Qui a passé des vacances ou, mieux encore, travaillé en Yougoslavie (et nous voulons dire de manière suivie et répétée), dans les années 1960-1980, aurait eu bien du mal à prophétiser l'ampleur des carnages des années 1990. Et à ceux qui invoqueraient les "haines séculaires" balkaniques, faut-il rappeler qu'en matière de haines aussi bien séculaires que récentes, l'Europe entière est abondamment pourvue, sans parler de sa haine bien partagée des "étrangers", qui donne -dans des régions autrefois nazies ou collaboratrices- des scores électoraux hallucinants au néo-fascisme: Autriche, Italie, Croatie, Sud de la France, Flandre, etc..(...)"
Bien d'autres options de base sont prises et étayées dans cette Note d'intention, depuis les choix musicaux jusqu'aux différents groupes de travail à constituer, et sur la dynamique et le mode de fonctionnement entre ces groupes et le "maître d'oeuvre" ou architecte central de la gestation, Jacques DELCUVELLERIE, assisté dans cette tâche par MAthias SIMONS.
Si, au total du travail fourni dans le chantier RWANDA de 1997, l'essentiel des analyses, des choix artistiques et de la méthodologie se retrouveront bien dans la création finale, il cependant noter deux exceptions importantes :
- Le titre LA CHEVAUCHÉE FURIEUSE sera plus tard abandonné à la suite de remarques pertinentes des "anges gardiens" rwandais qui veillaient sur notre travail. Au-delà de ces critiques, il est significatif d'un approfondissement et d'une clarification de la nature et des objectifs de cette création, que nous soyions passés d'un titre poétique, voire lyrique tel que RWANDA. LA CHEVAUCHÉE FURIEUSE à celui qui deviendra définitif : RWANDA 94. UNE TENTATIVE DE RÉPARATION SYMBOLIQUE ENVERS LES MORTS À L'ÉGARD DES VIVANTS.
- Pendant très longtemps, l'idée de base de la scénographie était celle d'un espace évoquant de manière stylisée et modifiable un vaste studio de télévision incluant une partie du public sur scène, et démultiplier par des écrans dans la salle. Ceci fût abandonné pour plusieurs raisons. La principale étant que cela situait tout sur le terrain des medias. Or, si notre révolte initiale conduisait bien à ce que ceux-ci soit sérieusement mis en question dans la future création, c'est bien l'autre sujet de cette révolte fondatrice : le sort fait aux morts qui devait primer sur touts les autres aspects de l'oeuvre. Par ailleurs, il s'avéra également que la forme du débat télévisé se révélait absolument impropre à exposer réellement les tenants et les aboutissants du processus génocidaire. On passa donc d'un espace apparenté à un studio à un dispositif beaucoup plus simple, à la fois plus antique et plus épique : ce grand mur fait de la terre rouge du Rwanda où l'on pouvait lire comme l'empreinte de corps et qui s'érige selon le mot de Georges BANU : en indéfectible assise du spectacle : la destruction des Tutsi s'adosse à lui comme jadis celle des Atrides. Mais, comme il l'observe également ce Mur n'a rien de patrimonial ni de grec. Il révèle ou permet l'accès au plateau de tous les éléments convoqués dans ce vaste procès : fantômes électroniques, hyènes, émission télévisée, etc.
Ce dossier dramaturgique RWANDA. LA CHEVAUCHÉE FURIEUSE, d'abord envoyé à chacun pour lecture, puis ré-exposé par Marie-France COLLARD et Jacques DELCUVELLERIE par oral en réunion et ensuite questionné et débattu par tous, le chantier s'ouvre véritablement, des tâches concrètes vont en découler immédiatement. Cette création entre donc désormais en recherche de co-producteurs.
c) Les défis de la production.
Si un tel projet est simplement inimaginable aujourd'hui en Fédération Wallonie Bruxelles, il était déjà très difficile en ces années-là d'en réunir les conditions.
1) la future création serait manifestement un spectacle de longue durée et de grande envergure (acteurs, musiciens, vidéaste, etc.)
2) le fait de l'entreprendre avec des Rwandais dont plusieurs résidaient au Rwanda même, les voyages du Groupov sur place, les séjours des Africains ici, tout cela serait difficile à organiser et très coûteux.
3) le temps de gestation (conception, écriture, composition, réalisation images, mise en scène) restait relativement indéfini. La date de création d'abord envisagée pour 1999, dut être repoussée, l'incertitude d'un aboutissement effectif pouvait être redouté... Notamment du fait des inhabituels processus mis en oeuvre. Par exemple : plusieurs auteurs-écrivains devant travailler à la même oeuvre, au départ : Marie-France COLLARD, Jacques DELCUVELLERIE, Yolande MUGAGASANA, Jean-Marie PIEMME, par la suite : Mathias SIMMONS et, en partie, Dorcy RUGAMBA et Tharcisse KALISA RUGANO. Sans compter le défi de l'imbrication de tous ces groupes de travail et de ces divers moyens d'expression en un seul ensemble cohérent et accompli.
4) Tout cela requérant de grandes salles, dont les directeurs craignaient de ne pouvoir les remplir avec un sujet aussi peu attrayant qu'un génocide ayant ravagé un petit pays africain...
Quand nous en arrivâmes à la création (en 2000), certains croyaient si peu au succès public de l'entreprise qu'ils obligèrent le Groupov à présenter le spectacle en 2 moitiés réparties sur 2 jours plutôt qu'une seule représentation par soir.
5) Enfin et surtout le Groupov refusa très longtemps d'accepter de rentrer dans un cadre budgétaire impératif. C'est-à-dire celui où les producteurs imposent un montant consenti, qui ne pourra plus varier, et où il faut faire "rentrer" tout ce qui pourrait s'inventer, et sinon supprimer les causes du dépassement. Le Groupov s'engagera sur une espèce d'enveloppe globale, mais pouvant être ajustée selon des nécessités ou des modifications artistiques imprévues au départ.
Tout cela étant extrêmement risqué de part et d'autre. Aucun de nos co-producteurs n'avait jamais financé un projet demandant 3 ans d'accouchement (et qui allaient devenir 4!) et dont le budget final n'était pas réellement fixé. Et du côté du Groupov, nous avions en vue d'importantes dépenses extérieures au projet et devenues incontournables (comme celles de la location d'un bureau et d'un expace de travail) et nous ne disposions que d'une seule collaboratrice administrative à temps partiel, Laurence GAY, sans expérience de production importante. Les initiateurs du projet allaient donc devoir, en sus du chantier artistique, assurer toutes ces démarches diplomatiques et ces négociations financières...
Comme sur d'autres terrains explorés par le Groupov, il se trouva, au fur et à mesure des tâches, des personnes-ressources qui viennent soudain apporter une aide précieuse et inattendue, telles ici, que Claude Fafchamps en 1997/1998 ou encore, nous avons déjà mentionné son rôle important et imprévu, c'est en novembre 1997, qu'a lieu la première rencontre à Paris entre Roger CARACACHE (Centre Dramatique National des Alpes - Grenoble), Marie-France COLLARD et Jacques DELCUVELLERIE à Paris à propos du projet Rwanda.
En décembre 1997 : première rencontre dans le cadre du festival “Voix de femmes” à Liège avec Yolande MUKAGASANA, dont le livre LA MORT NE VEUT PAS DE MOI vient d’être publié. Un concert de Florida UWERA, accompagnée de Jean-Marie MUYANGO a lieu durant la même soirée.
2. AUTRES ACTIONS GROUPOV EN 1997.
Dans le courant de cette année 1997, le Groupov trouve, loue et occupe le lieu de travail dont il était en recherche. Ce sera : rue Bois-L'Évêque 26-28 à Liège. Cette maison, très proche de la gare et de l'autoroute, comprend un assez grand bureau, une petite salle d'archives et de documentation pouvant servir de salle de réunion, une kitchenette et un local occultable assez vaste pour y tenir des répétitions de moyenne envergure, voire d'y accueilllir des publics, conformément à la loi, de moins de 50 spectateurs. C'est ainsi, que, notamment, il sera employé pour les représentation de la partie LULU de UBULULUSTEIN. Ce lieu est géré par Laurence GAY, aidé plus tard par Claude FAFCHAMPS.
Jacques DELCUVELLERIE propose en co-production avec le Théâtre de la Place (Liège) UBULULUSTEIN (OU LE METTEUR EN SCÈNE EN PÉDAGOGUE), trois travaux issus du STUDIO du Conservatoire de Liège. CONVERSATION CHEZ LES STEIN À PROPOS DE MONSIEUR GOETHE ABSENT de Peter HACKS, LULU de WEDEKIND et UBU ROI d'Alfred JARRY.
Le caractère pédagogique de ces représentations se marque notamment par le fait qu'elles illustrent la capacité de nos ex-étudiants à se distinguer dans des dramaturgies complètement différentes.
- UBU (en fait UBU ROI) d'Alfred JARRY, fondateur de la pataphysique, est mis en scène comme un spectacle forain, avec une scène minuscule mais cernée d'un demi-cercle de gradins en bois pour les spectateurs, le jeu des acteurs relève du style farcesque, de la pantomine et du théâtre de marionnettes.
- CONVERSATION CHEZ LES STEIN À PROPOS DE MONSIEUR GOETHE ABSENT de Peter HACKS est une écriture contemporaine de style para-épique, monologue virtuose pour une comédienne.
- LULU est un montage de fragments de la pièce expressioniste de WEDEKIND. Intégralité du prologue, scènes qui évoquent les séductions fatales que LULU exerce sur hommes et femmes, et final nocturne, sordide et tragique avec le suicide de la Comtesse von GESCHWITZ et l'assassinat de LULU par Jack l'Éventreur.
La triple création du Groupov […] est bien de celles qui bouleversent et interrogent. Autant par sa forme que par les questions abordées, l’apparence et le mensonge sont les acteurs centraux. Le théâtre se révèle dans la plénitude de son jeu ; le monde y trahit le ridicule sporadique de sa puissance.
« Ubu » […] Dans une ambiance foraine qui agite la conscience politique, la mise en scène de Jacques Delcuvellerie ose rebondir comme un match de catch et se clore, après un passage de résumé un peu plus âpre, par la douceur d’une comédie musicale…
A elle seule – et sans armes –, Sabine Weisshaar nous emmène dans un voyage tout aussi luxuriant, aux paysages plus que troublants. « Conversation chez les Stein à propos de Monsieur Goethe absent » […] Avec une maîtrise extrême des mots, des nuances et du rythme, la comédienne donne naissance à un véritable dialogue, où l’on se tait pourtant. […] La violence du texte développe toute la richesse de son fiel. Vertige des sentiments face à ce qui n’a l’air de rien.
Laurent Ancion, in Le Soir, 11/12/1997
Monstres : corps organisé qui présente une conformation insolite, être allégorique auquel on donne soit des formes étranges, soit des inclinations malfaisantes, chose dont on s’effraye, personne cruelle, dénaturée… : le père Ubu du Groupov est tout cela à la fois, la fascination en plus. […] C’est à la fois terrrrible et énaûrme, mais on n’y rit gras qu’en apparence, c’est une finesse barbare que Jacques Delcuvellerie a su trouver sous l’épaisse couche de fard.
S.J.
A l'occasion des représentations d'UBULULUSTEIN, publication du deuxième numéro des CAHIERS GROUPOV qui traite de la formation de l'acteur et s'intitule LE JARDINIER (... et avec lui la vie d'un homme).
Reprise à l'Ancre (Charleroi) des ANNEES FLEAUX de Norman Spinrad, mise en scène Frédéric NEIGE.
Printemps 1997 : Clairière de type 2 : MARCHE VERS LA MER, première expérimentation par Olivier GOURMET dans la région française des Landes. Le principe de travail était une marche de trois jours et deux nuits, en solitaire, avec équipement nécessaire, le chemin se terminait par l'arrivée à l'océan. Davantage de détails ici
Juillet 1997: Clairière de type 1 sur le site forestier de Devantave (Direction artistique : Jacques DELCUVELLERIE, guides: Olivier GOURMET, Pietro VARASSO, Mathias SIMMONS, Frédéric NEIGE, intendance : François Sikivie). A noter dans les participants, trois membres du Groupe O de Grenoble. L'un d'entre eux, Manu FABRE, manifestera pendant cette expérience toutes les qualités requises d'un futur guide.
Au milieu des années 80, une étudiante française s'inscrit au Conservatoire de Liège. Très vite remarquée comme une personnalité artistique d'exception, Sophie LE GARROY fréquente assidûment les membres du Groupov et se fit dans l'école un chemin particulier, notamment en participant activement à un atelier Hic/Nunc dirigé par Jacques Delcuvellerie (1985). Elle s'inventa ensuite d'autres expériences, toujours sous sa direction, puis décida d'interrompre ses études et retourna à Grenoble où elle fonda son propre collectif qu'elle intitula... Le Groupe O. Sous son impulsion, cette équipe produisit une série d'événements et/ou de spectacles dans des lieux non-théâtraux et travaillant dans une modification permanente du rôle du spectateur. Ce qui apparenta nettement certaines de ces expériences à des formes mises en oeuvre par le Groupov dans ses débuts : repas partagés et perturbés avec les spectateurs, location d'acteurs, ambiguïté d'acte réel ou de simulation dans ce qui se passe, etc. Bien sûr il ne s'agissait pas d'emprunts mais plutôt une appropriation originale par un collectif explorant les mêmes limites. Cette similarité de questionnement explique la décision de Sophie LE GARROY d'inviter 3 membres du Groupe O à cette clairière du Groupov de 1997.
Notre compte-rendu de la fin de l'année 1997 montre bien qu'en dépit du grand investissement du Groupov dans le projet RWANDA. LA CHEVAUCHÉE FURIEUSE, d'autres activités pluridisciplinaires (théâtre, films, édition) ou para-théâtrales (Clairières dans les Landes) sont impulsées. Cette diversité de préoccupations (pédagogie, documentaire sur la mondialisation et les multinationales du textile, art comportemental dans la nature) qui correspond bien au nouvel intitulé du Groupov : Centre Expérimental de Culture Active, est à ce moment acceptée par les pouvoirs de tutelle et perçue favorablement par une part significative de la critique.
Nous croyons devoir introduire le compte-rendu de 1998 par un extrait d'un article paru en décembre 1997 :
- L'attention portée au Groupov porte bien sur sa démarche et pas seulement ses créations scéniques.
- La revue qui édite cet article : Art et Culture est un organe officiel de la Communauté Française. Outre les envois qu'elle en fait, elle la met à disposition dans ses lieux de réception en Belgique même, comme à l'étranger (maisons de représentations diplomatiques). Nous voulons souligner par cette citation l'écart existant entre cet état d'esprit de l'époque et celui prévalant aujourd'hui, où tout ce qui pourrait relever de "l'expérimental" paraît d'avance rebutant, vaniteux et disqualifié et où sont pris en compte au 1er chef par le Ministère de la Culture et son administration les chiffres des fréquentations (payantes) dans le cadre d'un cantonnement strict de chacun dans sa discipline de référence et l'observation rigoureuse des termes d'un formulaire de contrat-programme standardisé.
"La maison Groupov
Le Groupov a de nombreuses qualités. Je ne parle pas des qualités artistiques qui font qu’un artiste perdure. Sous la conduite de Jacques Delcuvellerie, le Groupov est persévérant. […]
Qualité encore, le Groupov est surprenant. Il n’est jamais là où on le croit ! Au long des années 80, on l’avait connu collectif iconoclaste qui mettait en question les codes de la représentation théâtrale et le texte dramatique, jouant avec l’improvisation, la nudité et les déchets de notre civilisation. En 90, il estime que l’époque exige une approche différente mais s’affirme toujours aussi politisé. L’angle de vision change […] A l’aube du deuxième millénaire, Jacques Delcuvellerie a prouvé son talent à mettre en scène, et en bouche, le répertoire. Il peut récidiver, il préfère changer d’aiguillages. Pas pour nous narguer, mais afin d’aller au-devant de ses propres urgences. Voilà qui le différencie de tant de ses contemporains !
Son activité théâtrale est une quête – un exorcisme également – qu’il orchestre tel un rituel avec sa tribu. Le Groupov ignore la demi-mesure : metteur en scène et acteurs semblent y jouer leur vie, leur vision du théâtre, leur être et leur pensée politique. Que l’acteur expérimente sur scène les fonctions corporelles ou qu’il fouille jusqu’au vestige de la parole christique ou érotique, chaque fois il va jusqu’au bout de lui-même.
Comment regardons-nous le monde ? Quelle est notre capacité d’engagement, ici et maintenant ? Et quelle est la forme théâtrale la plus à même d’éclairer cette démarche ? Pour y répondre depuis la fin du projet Vérité (1995), le Groupov a choisi deux directions, l’une théâtrale, l’autre para-théâtrale. En matière de théâtre, le collectif […] a décidé de s’éloigner du répertoire et de développer des créations d’actualité contemporaine. Ce volet est à l’ordre du jour avec le projet Rwanda dont l’aboutissement est prévu pour avril 99. Son objectif ? Réaliser un véritable travail d’auteur contemporain, à savoir ausculter l’Histoire présente comme l’ont fait Shakespeare, Peter Weiss, Adamov ou, plus près de nous, Bernard Chartreux. […]
Du côté para-théâtral, le Groupov a pris le chemin de la forêt. Qu’est-ce à dire ? Le collectif s’est institué en Centre Expérimental de Culture Active, une appellation empruntée à Grotowski. Expérimental pour souligner qu’il n’est pas seulement un groupe de production de spectacles […] Culture Active car l’idée est de proposer des formes qui touchent l’intelligence et la sensibilité des gens – au même titre que les œuvres d’art –, des formes dont la particularité cependant est d’être éphémères, non transportables… et inexistantes sans l’action des individus eux-mêmes : la forme s’élabore de connivence avec eux !
Le projet le plus avancé de ce grand projet intitulé « Au pied du lit de l’agonisant les enfants jouent » - projet qui comprend la nature, l’enfance et la mort – est le pôle nature. Il se nomme « Les Clairières » dont Jacques Delcuvellerie et Olivier Gourmet […] « Clairière »… Clairière des forêts dans lesquelles un guide pareil à un guide de montagne connaissant le terrain, pilote cinq jours et cinq nuits durant un groupe de quinze à vingt participants. Cette aventure ne ressemble pas à une aventure-survie mais à un voyage qui balance entre solitude et collectivité, expérience forte de la nature et introspection. Le parcours est ouvert à tous, on ne vous demande aucune compétence particulière au départ, seulement de faire appel à votre capacité de perception, d’imagination,… Libre à vous d’accomplir ou pas les travaux solitaires proposés, personne ne viendra vérifier ! Vous rentrerez chez vous avec ce que vous aurez semé… vous aurez vécu une expérience. Cette fois encore, la dimension rituelle, initiatique, du projet n’exclut pas sa portée politique. Politique puisque l’être humain y devient acteur plutôt que consommateur. Puisque la culture active entend toucher les gens afin d’éveiller en eux ce que la vie contemporaine a anesthésié. Oui, participer à une « Clairière » c’est se demander au bout du compte : est-ce que j’avais bien cinq sens éveillés auparavant ? Est-ce que j’avais déjà levé la tête ? Depuis combien de temps n’avais-je pas vraiment regardé le ciel, ou une feuille ? […] Le Groupov reste donc fidèle à son orientation initiale : la recherche. Une recherche qui demande du temps […]. Cette exigence est impossible à préserver dans un théâtre officiel où le directeur a une obligation de programmation. Un lieu de travail convenait mieux à ce collectif tantôt regroupé, tantôt disséminé dont le fondateur, Jacques Delcuvellerie, passe aux yeux des plus jeunes pour un institutionnel et à celui des responsables d’institutions pour un marginal ! Une position qui lui va bien même si elle lui coûte cher. Ce Français installé en Belgique francophone est en permanence décalé !"
Sabrina Weldman, in Art & Culture, décembre 1997
Le chantier RWANDA s'intensifie - Réalisation de trois types de CLAIRIÈRES
1. RÉALISATION DE 3 TYPES DE CLAIRIÈRES
La Clairière Didactique
La décision d’organiser plusieurs Clairières de type I sur l’année à entraîné la proposition de former de nouveaux “guides” tout en explorant un type de Clairière plus proche de la nature dans un gîte de fortune sans confort (ni cuisine, ni commodités). L’intention est de confronter les futurs guides à des conditions plus précaires en même temps qu’à une forme beaucoup plus ouverte que les “Clairières I", une forme où ils doivent beaucoup inventer eux-mêmes les propositions et les “solutions”.
Historique des activités
Les 13/14 janvier 1998 : repérages d’un nouveau site et d’un gîte de base dans une des régions les plus boisées de Belgique: La réserve Naturelle de la Croix Scaille et les forêts Domaniales de Château Regnault. Les guides - Olivier GOURMET, Nathalie MAUGER et Pietro VARASSO, trouvent, selon leur dire, "le gîte idéal dans un site idéal" : la Ferme JACOB, appartenant à la commune de Gedinne : une bâtisse en vieilles pierres, généralement louée à des mouvements de jeunesse, située en bordure d’une immense clairière et sur un site protégé d’environ 30 km de rayon, totalement inhabité où la chasse est interdite et la flore extrêmement diversifiée. Le site est superbe mais sans aucune des commodités modernes, même pas l’eau courante. Elle est composée de 8 pièces sans l’ombre d’un seul meuble. Pas d’électricité, pas de sanitaires, pas de cuisine. Chauffage et cuisine au bois. A quelques mètres, une ancienne étable peut faire office de lieu de travail. Une pompe à main fournit de l’eau de pluie.
Le 15 janvier 1998 : réunion avec les participants à la Clairière Didactique, présentation de la nouvelle forme.
Le 18 mai 1998 : réunion des nouveaux guides Clairière I, distribution du matériel didactique.
Le 29 juin 1998 : réunion avec les participants à la Clairière Didactique, derniers détails d’organisation, présentation de la structure de la semaine.
Du 5 au 11 juillet 1998 : La Clairière Didactique a lieu réunissant 7 participants - Vincent CAHAY, Pierre CLEMENT, Rosario MARMOL PEREZ Manu FABRE, Anne GRAND'HENRY, Stéphane FAUVILLE, Nathanaël HARCQ. - sur le site de la Ferme JACOB.
L'intendance est assurée par François SIKIVIE et Xavier FAUVILLE.
Comme signalé dans le résumé sur les Clairières de l'année 1997, cette expérience "didactique" ne fût pas réitérée, la transmission s'opérant par d'autres voies. En effet, les conditions de travail très rudes que s'imposaient cette clairière l'apparentaient quelque peu à une opération "survie", d'où il résultait pour les participants que la part du "faire" l'emportait de beaucoup sur celle, si essentielle dans toutes les Clairières, de "se-laisser-faire". Beaucoup trop de yang, pas assez de yin.
Les Clairières de type 2: Marche Vers la Mer.
Après une concertation approfondie avec Jacques DELCUVELLERIE, Olivier GOURMET avait ouvert le chemin de cette exploration nouvelle dans le site des Landes françaises, par une marche de 3 jours/3 nuits vers la mer.
Cette première exploration, soigneusement consignée par écrit par Olivier, puis évaluée et discutée avec Jacques DELCUVELLERIE fût ensuite communiquée aux autres guides. Sur cette base, une nouvelle exploration a été effectuée par Pietro Varrasso : du 5 au 9 mai 1998.
L’expérience a été analysée par Pietro Varrasso et Jacques Delcuvellerie. En concordance et en contraste avec celle d’Olivier Gourmet, elle devait permmetre l’année suivante de passer à l’essai de la structure complète avec 5 à 7 participants : marche solitaire “en travail” jusqu’à la mer, attente et “travail collectif” sur le rivage.
Comme signalé en 1997, ceci ne pût se finaliser, la croissance et l'intensification du chantier RWANDA requérant toutes les forces vives du Groupov en 1999.
Les Clairières de type 1
Deux Clairières de type 1 sont organisées l'été 1998 en Ardennes, à Bagimont.
Direction artistique: Olivier Gourmet.
Première clairière du 30 août 1998 au samedi 5 septembre 1998
Deuxième clairière du 6 septembre au samedi 12 septembre 1998
A noter encore, comme événement extérieur à nos deux chantiers principaux, la reprise de la partie UBU de UBULULUSTEIN, du 17 au 31 décembre au Théâtre de Poche, Bruxelles.
2. INTENSIFICATION DU CHANTIER RWANDA ET DEUX VOYAGES SUR PLACE.
A partir de 1998 et jusqu'à sa création en mars-avril 2000, le chantier RWANDA connaîtra un tel développement qu'il devient impossible d'en rendre compte ici in extenso. Nous invitons ceux qui voudraient se faire une idée plus précise et synthétique de la gestation de cette création à se reporter au texte RWANDA 94. UNE TENTATIVE. Écrit et publié en 2006, il bénéficie d'un recul suffisant par rapport à cette période pour que tous les éléments, principes et méthodes mis en oeuvre soient clairement exposés, avec exemples concrets.
De nombreux extraits de carnets de travail, d'analyse, ou témoignages se trouvent aussi dans le numéro 67-68 d'Alternatives Théâtrales : Rwanda 94. Le théâtre face au génocide. Groupov. Récit d'une création.
Pour la "ligne du temps" que nous suivons ici, nous avons choisi d'ouvrir une chronique sélective des événements du WORK IN PROGRESS qui traverse ces trois années (1998/1999/2000) et dont les étapes les plus marquantes furent "évaluées" en "collines". Le Rwanda étant dit le pays aux mille collines, il y eut donc 3 moments : Journée 200 Collines - le 30 juin 1998 ; Journée 500 Collines - le 30 septembre 1998 ; Week-end 700 Collines - les 29 et 30 novembre 1998, le sommet des 1.000 collines devant être atteint le jour de la création même du spectacle, celle-ci étant initialement prévue pour avril 1999.
3. CHRONOLOGIE DU WORK-IN-PROGRESS VERS LES 1.000 COLLINES
Nous ne rappelons pas ici toutes les prémisses du chantier (performance "La Machine de vision" de Marie-France COLLARD, performance "Obsession" de Jacques DELCUVELLERIE; rencontre d'ONG, de Tito RUTAREMARA, Frère Jean-Damascène, Yolande MUKAGASANA, ni, bien sûr, le 1er voyage au Rwanda de Marie-France COLLARD, son "Carnet de Travail", la Note d'intention de Jacques DELCUVELLERIE, etc.).
Nous commençons à la période dite "d'incubation" pour le groupe dramaturgique réunissant les artistes, acteurs, écrivains collaborant à la création ainsi que des observateurs amicaux (comme des témoins du travail en cours) : rencontre avec des rescapés, exposés de scientifiques,, de journalistes, "spécialistes" de l'Afrique des Grands Lacs et ayant écrit sur le génocide, voyages au Rwanda.
Le 30 janvier 1998 : première journée de travail du comité dramaturgique réunissant : Marie-France COLLARD, Johan DAENEN, Sauro DE MICHELE, Jacques DELCUVELLERIE, Stéphane FAUVILLE, Greta GOIRIS, Olivier GOURMET, Daniel HICTER, Francine LANDRAIN, Sofia LEBOUTTE, Garrett LIST, Max PARFONDRY, Jean-Marie PIEMME, François SIKIVIE, Mathias SIMONS.
Résumé des motifs du projet, "questions-réponses" et discussion sur le dossier distribué à tous, RWANDA. LA CHEVAUCHÉE FURIEUSE. NOTE D'INTENTION", premières esquisses et croquis de structures pour le décor, d'après un travail sur PISCATOR.
Le 17 février 1998 : réunion d’organisation du voyage d’avril au Rwanda avec Solidarité Internationale.
Le 21 février 1998 : groupe dramaturgique : Visionnement du film de Luc de HEUSCH sur les prolégomènes du génocide : UNE RÉPUBLIQUE DEVENUE FOLLE RWANDA(1894-1994). et du documentaire d'Anna VAN DER WEE basé sur le témoignage Els DE TEMMERMAN, une journaliste flamande présente au moment des événements - LES MORTS NE SONT PAS MORTS.
L'après-midi, rencontre avec deux rescapés : Yolande MUKAGASANA, auteur du livre LA MORT NE VEUT PAS DE MOI et Pacifique KABALISA, ancien responsable à Kigali du bureau d'African Rights, rencontré à ce titre par Marie-France lors de son séjour au Rwanda. Tous deux continueront à contribuer au projet et Yolande finira par incarner son propre rôle dans le futur spectacle
Le 11 mars 1998 : groupe dramaturgique : - rencontre avec Colette BRAECKMAN - grand reporter au journal Le Soir et correspondante pour le Monde Diplomatique, auteur du livre RWANDA. HISTOIRE D'UN GENOCIDE, de retour d’un dernier voyage au Rwanda. Questions relatives à l'implication des Etats français et belges dans les périodes de préparation, d'exécution et d'après génocide. Interrogations sur les affrontements géo-stratégiques dans la région et sur la situation actuelle.
- Présentation par Jacques DELCUVELLERIE de la première structure du spectacle qui comprend une description des différents dispositifs : scénique, technique, musical.
Le premier projet de structure du spectacle :
1. La survivante et les Morts
Le monologue de la rescapée ets tel qu'il est présenté dans la note d'intention d'octobre 1997,avec, vers la fin de son récit, le Choeur, représentant les morts du génocide, dispersés dans le public : ils chuchotent à leur tour des fragments de leur histoire, amplifiant ainsi un million de fois le récit de la survivante.
La suite du spectacle épousera la forme du plateau d’une grande émission télévisée du genre « La Marche du Siècle » avec présentatrice-vedette, panel d’invités, spectateurs faisant partie du dispositif, caméras, projecteurs, écrans T.V. et grand écran. L’émission se déroule en direct.
2. Mwaramutse.
Première partie de l’émission en direct. Elle expose les événements majeurs qui ont troublé la vie quotidienne, économique et politique, de milliards d’individus depuis plusieurs semaines et dont la manifestation la plus tangible est l’apparition de « fantômes » électroniques perturbant régulièrement les émissions télévisées de toute la planète. Ces « fantômes électroniques » ont été identifiés comme étant Rwandais, et, presque avec certitude, tous sont des victimes du génocide de 1994. À travers l’évolution des messages, d’abord énigmatiques, factuels, puis, pour certains nettement plus revendicatifs, bien qu’encore métaphoriques, il apparaît que ces morts ne trouvent pas la paix. Certains voient dans ces messages une demande parfois formulée plus clairement par l’un des « fantômes électroniques » d’une information complète sur les causes et le processus du génocide : pourquoi ? pourquoi est-ce arrivé ?
3. L’agora du démon.
Cette partie représente le second temps de télévision où l’émission sur le Rwanda (histoire, structure sociale, évangélisation, colonisation, indépendance, république, guerre, génocide…) commence véritablement. Ni le contenu, ni les formes n’en sont encore détaillés. Tout au plus en sont évoqués les matériaux et les partenaires : le plateau T.V., le studio-off, le Choeur des Morts, la Scène de l’imaginaire, l’orchestre et les chanteurs, les « fantômes électroniques », le public. Où l’on se rend compte que la forme citationnelle « hyperréaliste » de l’émission T.V. connaîtra de nombreuses perturbations.
4. Épilogue.
Plusieurs hypothèses sont en discussion, de l’épisode raciste dans une discothèque disco en Europe à la liste des portraits des responsables étrangers ou rwandais toujours en liberté, ou non jugés actuellement…
Le 18 mars 1998 : groupe dramaturgique : Rencontre avec Tite MUGREFYA, psychologue, qui a travaillé, après le génocide, avec le Centre National du Traumatisme au Rwanda. Exposé sur les conséquences psychiques du génocide et les diverses formes de traumatismes rencontrées aujourd’hui, chez les enfants ou les adultes, dont une forme « d’errance » qui conduit certaines personnes à travers le pays, quittant leur maison un matin, en disant : « Je vais chez Tante… » puis oubliant qui elles sont et où elles vont…
Le 20 mars 1998 : Marie-France COLLARD rencontre Gasana N’DOBA personnalité importante et indépendante réfugiée en Belgique, professeur de Littérature africiaine comparée, rentré depuis au Rwanda, expert reconnu par les institutions internationales en matière de défense des droits de l'Homme. Gasana N'DOBA continuera à accompagner le projet et même d'y jouer le rôle télévisé de Monsieur KAMALI dans Mwaramutse. Dès cette première rencontre, il attire notre attention sur le titre, qui n'est peut-être pas judicieux, car, fait-il remarquer, le mouvement extrémiste hutu à toujours cherché à parer ses plus sordides entreprises de désignations lyriques. Ainsi, en 1959, les premiers pogroms ont été appelés "Muyaga", ce qui signifie un vent terrible, une tempête. De notre côté, nous trouvions également que le terme "chevauchée" pour un pays qui n'a jamais connu le cheval n'était pas non plus très adapté. Nous décidons d'abandonner l'intitulé LA CHEVAUCHEE FURIEUSE, mais aucun titre définitif n'est encore adopté.
Le 21 mars 1998 : groupe dramaturgique : Rencontre avec Jean-Pierre CHRETIEN - directeur de recherche au CNRS - présentation de sa position développée dans le livre LE DEFI DE L'ETHNISME. Écoute de différents enregistrements de la radio génocidaire RTLM - dont les messages en français du liégeois Georges RUGGIU. Discussion autour d'un autre livre publié sous la direction de Jean-Pierre CHRETIEN : LES MEDIAS DU GÉNOCIDE .
Le 26 mars 1998 : groupe dramaturgique : Rencontre avec Luc de HEUSCH - ethnologue et cinéaste - présentation et projection de son film 16mm, RWANDA, aujourd'hui introuvable, sur l'ancienne société rwandaise, illustrant l'ouvrage classique de Jean-Jacques MAQUET : LE SYSTEME DES RELATIONS SOCIALES DANS LE RWANDA ANCIEN. Commentaires et débats sur l'organisation de l'état et de l'économie dans les régions centrales du Royaume, mise en lumière de certaines limites et simplifications dangereuses de l'anthropologie fonctionnaliste de l'époque (les années cinquante).
Du 3 avril 1998 au 23 avril 1998 : voyage au Rwanda du premier Groupe composé de : Jacques DELCUVELLERIE (auteur, metteur en scène/maître d’oeuvre), Greta GOIRIS (Costumière), Francine LANDRAIN (auteur/comédienne), Garrett LIST (compositeur et chef d’orchestre), François SIKIVIE (comédien), sous la conduite de Marie-France COLLARD (auteur/réalisatrice) et la collaboration de Martine RAYMACKERS, de Médecine pour le Tiers-Monde à Kigali. (Laurence GAY les rejoint un peu plus tard). Certains membres du groupe repartiront quelques jours avant les autres pour des raisons professionnelles.
Ce voyage, comme le suivant, sera organisé de façon à rendre sensible le génocide et à approcher sa genèse à travers la rencontre de témoins, qui, chacun à sa manière, l'éclaire par son parcours personnel et ses compétences professionnelles : histoire du Rwanda et de la colonie, mise en place de l'ethnisme, insurrection de 1959, le rôle de l'Église, de la Belgique et de la France, les deux républiques, les réfugiés, la préparation du génocide, la guerre de 1990, etc.
Le programme comprend : visite de sites génocidaires : N'tarama, Nyamata, Murambi ou Bisesero, le Musée National de Butare, l'Université Nationale, l'IRST et ses chercheurs, les enquêteurs d'African Rights, Avocats sans frontières, les procès des génocidaires, rencontre des membres du FPR et de l'APR, un député MDR, les habitants et rescapés des collines de Runda, le projet de parrainage de Médecine pour le Tiers-Monde, l'école et les élèves de Kigese, l'Asoferwa, Ibuka, le Centre National du Traumatisme, un camp de solidarité ou un camp pour enfants génocidaires. À chaque fois, nous rencontrerons : Tito RUTAREMARA, Frère Jean-Damascène, Privat RUTAZIBWA, Gamaliel MBONIMANA, Denis POLISI ou Charles MURIGANDE, Antoine MUGESERA, le Docteur KARANGWA, Bernadette KANZAHIRE, Casilde, Modeste, Marie, François, Martine, Emmanuel.
Brefs extraits du compte rendu de voyage.
Le 5 avril 1998 : Visite de la commune de Runda (préfecture de Gitarama), où notre hôtesse, Martine, dirige un projet de coopération avec les femmes. Rencontre pendant près de 3 heures avec une trentaine de veuves et quelques vieillards, survivants du génocide. Sans doute le choc principal de tout notre voyage. Plus de la moitié de l'entretien, consiste à essayer de faire comprendre que nous ne sommes pas nos grand-parents et que nous désapprouvons la politique de l'Etat belge avant, pendant, après le génocide,... Après 2 heures tout va déjà un peu mieux, mais au moment de se séparer une femme nous lance: «Quand vous aurez fait votre spectacle, envoyez-nous une cassette, que nous voyions si vous avez tenu vos promesses". Nous assistons à la bousculade quotidienne devant la prison (800 personnes) où les familles doivent nourrir les détenus (parfois plusieurs heures de marche pour y arriver). L'ancien cachot communal (ivresse, rixes) pouvait contenir à peine deux ou trois individus... Le crime exceptionnel a tout bouleversé.
Le 6 avril 1998 : Découverte de la nouvelle brochure d'African Rights sur le massacre et la résistance dans les collines de Bisesero (plus ou moins 50.000 morts).
C'est cet endroit qui a été choisi pour la journée officielle de commémoration cette année. Le texte est bouleversant, nous décidons avec Garrett d'en faire une composante verbale et musicale du spectacle.
Le 7 avril 1998 : Journée de commémoration Nationale à Bisesero (préfecture de Kibuye) au bord du lac Kivu. La «route» traverse des régions dangereuses où les infiltrés assassinent chaque semaine, mais elle est évidemment très bien gardée en ce jour d'exception. Notre bus a un moment suivi la voiture présidentielle et son escorte avec blindés. La colline choisie recevra un monument, une sorte de chemin de croix abrupt avec plusieurs énormes ossuaires, certains cadavres ne sont pas encore complètement décomposés, on ramassait encore des crânes le matin même, odeur effroyable, chaleur de plomb. Discours officiels... Diverses interventions plus ou moins lamentables de la «communauté internationale», le président Bizimungu leur met sous le nez quelques rescapés mutilés... Atmosphère ultra-tendue dans le bus de retour, on se moque de nous en kinyarwanda... Sous la pluie torrentielle, dans la nuit, la route, dérapages, embourbements et précipices font complètement oublier les rebelles.
Le 10 avril 1998 : Visite du site génocidaire de Murambi (plus ou moins 30.000 morts, là, en une journée). Tous n'ont pas encore été retrouvés, la plupart sont dans des fosses communes. Le site lui-même tient en plusieurs centaines de corps blanchâtres (la chaux), décharnés mais aux gestes et expressions parfaitement lisibles, étalés sur le sol ou sur des claies de bois : hommes, femmes, bébés pèle-mêle. Nous passons de salle en salle de cette école non terminée...Il n'y a rien à dire. Rien. C'était en zone Turquoise, on nous montre l'endroit entre deux bâtiments où ces militaires étaient cantonnés, l'endroit où était planté le drapeau français, les traces de leur feu de joie, c'est là qu'ils arrosaient de bière le succès de leurs opérations.
Retour, la nuit est tombée. Plus tard nous apprendrons qu'une heure après notre passage les rebelles ont mitraillé un bus sur cette route et la voiture du préfet (chauffeur tué).
Jacques DELCUVELLERIE
Le 14 mai 1998 : le groupe dramaturgique se réunit une dizaine d'heures pour écouter et questionner ceux qui reviennent du Rwanda. Un plan de travail est mis au point, il comprend différentes étapes où l'évolution du travail sera proposé à un public choisi. Nous l'appelons : "Plan Mille Collines". Des groupes de travail sont constitués en vue d'un premier moment : La journée 200 Collines
Le 12 juin 1998 : un nouveau document "Description succincte du dispositif dramatique du projet Rwanda" est disponible. Il reprend et détaille les éléments connus du futur spectacle à cette date : de la composition de l'orchestre à la structure du prologue, de l'émission T.V., etc. Ce document complète et corrige le premier projet du spectacle présenté au groupe dramaturgique le 11 mars 1998.
Mai, juin 1998 : durant cette période les groupes écriture (Marie-France COLLARD, Francine LANDRAIN, Jean-Marie PIEMME), scénographie, costumes (Johan DAENEN, Greta GOIRIS), musique (Garrett LIST), image (Marie-france COLLARD) se réunissent, seuls, puis avec Jacques DELCUVELLERIE et Mathias SIMONS.
Vision des éléments d'archives rassemblés jusqu'ici, et principalement la série quasiment complète des journaux télévisés de la période d'avril à juillet 1994 des chaînes francophones, belges et françaises, ainsi que des émission spéciales de la BBC, de la RTBF et de FR3.
Rencontre avec Carole KAREMERA, actrice rwandaise vivant en Belgique qui nous a écrit pour nous demander de participer au projet. Elle rejoint le groupe dramaturgique.
Le 30 juin 1998 : Journée 200 Collines
Première d’une série d’étapes jusqu’à la création, elle a réuni une quinzaine de participants représentant tous les secteurs d’activité liés au projet, y compris la direction technique. Préparée comme un événement en soi, même s’il est réservé aux membres de l’équipe et quelques témoins, cette journée propose une perception concrète et sensible de ce qui s’accouche ou s’avorte.
- Structure : lecture commentée du texte "Description succinte du dispositif scénique".
- Scénographie : présentation de 4 maquettes, qui résolvent, chacune de façon différente la contradiction suivante : comment concevoir un dispositif simple et élégant, quand il faut y intégrer acteurs, choeur, émission TV (plateau et technique), des écrans, orchestre, chanteurs, la zone des “scènes imaginaires”, etc .
- Vidéo : exposé de l’état des recherches et de la collecte de documents auprès des différentes sources: télévisions du monde, archives de journalistes amis, archives rwandaises : nous disposons des listings complets de ce qui existe sur le Rwanda depuis 1994 à la RTBF, à RTL, FR2, FR3, en partie TF1
Présentation ensuite d’un montage d’images réalisé à titre indicatif de ce qui pourrait être fait à partir de ce stock actuel.
Ce montage de trente minutes comprend :
- L’épisode N’Dera, l’hôpital psychiatrique où les paras belges évacuent leurs ressortissants blancs et abandonnent les malades et les réfugiés au massacre, où l'on voit les réfugiés supplier les paras de les emmener, car, disent-ils "ils sont là, ils sont armés, ils nous atendent". Images de ce qui reste de l’hôpital en septembre 1994, les masssacres ont commencé alors que les paras avaient à peine le dos tourné, restent trois ou quatre survivants ( source : Jean-Pierre MARTIN, RTL-TVI).
- Montage d’une série d’images du génocide, composé d’après de multiples sources. Cadavres, églises, barrages Interhahamwe, noyés ligotés dans la Nyabarango, charniers, etc. Le montage dure 9 minutes, il comprend à peu près tout ce qui a pu être trouvé, y compris des images d'amateur.
- Interverview de Jean-Christophe MITTERRAND à un journaliste de la BBC, où il répond "Bullshit" à la question : "L'allégation est : cette machine à tuer n'aurait pu être créée si vous et votre père n'aviez donné à ce gouvernement de tels encouragements" et déclaration de Willy CLAES demandant l'évacuation de la Minuar, où le cynisme le dispute au grotesque...
- Jean CARBONARE, président de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme, sur le plateau du J.T. de F2, de retour du Rwanda en janvier 1993, suite à une commission d'enquête. La préparation du génocide y est décrite très clairement, plus d'un an à l'avance. Il supplie qu'on l'écoute, les larmes aux yeux :"Vous aussi, Monsieur Masure, vous pouvez faire quelque chose"
- Séquences du Journal Télévisé de France 2, tournées par Philippe BOISSERIE, pendant l'opération TURQUOISE où l'on voit les rescapés de Bisesero quitter leur refuge après le passage des soldats français.
- Écriture : présentation du plan d'écriture actuel et des réponses à des questions déjà résolues :
- Quand se passe l'émission ?
Le plus près possible du génocide, automne-hiver 1994, cela pourrait être à Noël. On parle du génocide, pas de ce qui s'est passé après. Donc on arrête après le début de la mission Turquoise, plus exactement après la prise de Kigali par le FPR, en juillet 1994, qui marquera la fin active du génocide. (2)
- Qui sont les morts, quelle est leur demande exacte, quels sont les moyens dont ils disposent ?
Si les morts réclament justice, leur demande ne se limite pas à seulement punir les assassins (même si c'est légitime) : leur volonté est que le monde s'interroge et qu'à l'avenir, on puisse réellement dire : "Plus jamais ça".
Les morts sont comme des fantômes, tout ne leur est pas possible, ils peuvent provoquer certaines choses (comme les fantômes qui font craquer les maisons, déplacent les objets, etc.) et par là obliger les personnes qui sont sur le plateau à préciser ou modifier leur discours.
Le Choeur est composé aussi de morts, le choryphée fait partie du choeur.
Le Choeur n'est pas visible des gens sur le plateau, il est plutôt le complice du spectateur ; en quelque sorte, il nous représente, tout en gardant son particularisme rwandais. Il n'intervient pas en direct dans l'émission, mais en aparté pour le spectateur, il fait des commentaires sur ce qu'il entend ou ce qu'il n'entend pas. Cependant, il a le pouvoir d'arrêter la retransmission de l'émission, d'éteindre le son et de parler pendant que l'émission continue, pour rectifier ou compléter ce qui a été dit. C'est lui aussi qui est porteur d'une parole plus quotidienne : par l'expérience de chacun d'eux, il peut raconter des tranches de vie personnelle, en liaison avec l'histoire collective. (Le Choeur représente une collectivité, mais les mort sont des individus, avec leur propre histoire).
Les morts qui perturbent les ondes ne sont pas ceux du Choeur, du moins pas tous, et si l'émission est perturbée en direct, ce ne seront pas les morts du Choeur qui la perturberont.
L'espert rwandais sur le plateau est le relais intuitif des morts.
La rescapée de la première scène sera elle aussi sur le plateau de l'émission télévisée.
On revient au "théâtre-théâtre" dans la partie traitant de l'histoire, avec l'intervention des marionnettes, la musique pouvant structurer cette partie.
Quelques scènes imaginaires sont proposées :
- Tableau représentant les premières rencontres entre les Blancs et les Rwandais, fin 19ème (Le Comte Von GÖTZEN et RWABUGIRI).
- Scène avec les trois évêques qui ont marqué de manière forte l'histoire du Rwanda : LAVIGERIE, fondateur des Pères Blancs en Afrique ; Léon CLASSE, arrivé comme simple prêtre en 1907, nommé vicaire apostolique en 1922, devenu un "véritable monument national", conseiller de la tutelle belge, meurt en 1945 ; André PERRAUDIN, vicaire apostolique de 1956 à 1959, année où il est nommé évêque, il sera un des artisans de la "révolution" de 1959 et du changement d'alliance de la tutelle belge qui choisit la cause ethniste hutu.
- Scène de mesurage anthropométrique afin de déterminer l'ethnie : tableaux aboutissant à l'instauration du livret d'identité ethnique.
- Scène de destitution de MUSINGA, avec intronisation de son fils MUTARA : la porte est ouverte à l'évangélisation de masse (conversatione entre Mgr CLASSE et l'administrateur belge VOISIN).
- Scène entre Mgr PERRAUDIN et son secrétaire personnel, Grégoire KAYIBANDA, qui deviendra la Premier Président de la République Rwandaise : sur les revendications de la "majorité" hutu.
- Scène entre le Colonel LOGIEST et Mgr. PERRAUDIN, ils justifient ce qu'ils ont fait.
Musique :
- Interprétation par 5 musiciens de deux compositions : l'ouverture-prélude du spectacle, et un autre morceau sans attribution précise. Le compositeur a travaillé à partir d'un thème traditionnel rwandais, repéré sur le C.D. d'un maître de l'Inanga (cithare) et chanteur jadis à la cour royale : RUJINDIRI.
- Cantate de Bisesero : cette composition - texte et musique - devrait clore le spectacle. Elle évoque un haut lieu et un moment particulièrement poignant du drarme de 1994. Contrairement à l'image des moutons à l'abattoir qu'évoquent souvent les histoires de génocide, il s'agit de la rrésistance d'environ 50.000 Tutsi dans la préfecture de Kibuye, pendant trois mois. Un millier seulement ont survécu. African Rights a publié une brochure remarquable sur cet épisode, avec de très nombreux témoignages. A la fin, une liste fragmentaire des victimes identifiées : nom, âge, sexe, profession, sur trente pages de quatre colonnes d'écriture minuscule et serrée...
Autres tâches de création en cours actuellement : contacts de Garrett LIST avec Jean-Marie MUYANGO, chanteur-compositeur rwandais vivant en Belgique ; écriture de Bisesero par Mathias SIMONS et Jacques DELCUVELLERIE, pour proposition à Garrett LIST d'ici fin août. ; essai d'écriture par Jean-Marie PIEMME autour du livre du Colonel LOGIEST ; écriture et tournage des messages des "fantômes électroniques" par Marie-France COLLARD avec Tharcisse KALISA ; composition du Choeur des Morts par "auditions" et rencontres dans le groupe de Tharcisse KALISA (durant le deuxième voyage au Rwanda).
Du 17 juillet au 2 août 1998 : Voyage du deuxième groupe au Rwanda : Mathias SIMONS, Max PARFONDRY, Sofia LEBOUTTE, sous la conduite de Marie-France Collard. Max Parfondry a écrit un compte-rendu détaillé de ce voyage dont on peut lire des extraits dans le numéro d'Alternatives Théâtrales 67-68. Rwanda 94. Le théâtre face au génocide. Groupov. Récit d'une création.
Quelques extraits du compte rendu du 2ème voyage.
Dimanche 9 août : Première rencontre avec Tharcisse Kalisa
On remonte toute la route “ Kadhafi ” (avec la mosquée en perspective) jusqu’au Collège Saint André. Tharcisse est un des rares hommes de théâtre africain à disposer d’une salle permanente ; une belle et grande salle genre paroissial, avec un plateau de belle taille, un dispositif d’éclairage modeste mais suffisant, une capacité de public de trois cents à quatre cents places. On la découvre au bout d’un chemin, à l’intérieur même du vaste domaine du Collège (750 étudiants, mais moitié moins que ce qu’il a pu héberger dans le passé),(…) Le Recteur du Collège, le Père Jean Chrysostome fait partie du comité d’accueil qui est d’une grande cordialité. Quant à l’accueil de Tharcisse, il est tout simplement princier, c’est un patriarche au milieu de sa troupe ; beaucoup l’appellent “ grand-père ”, signe de respect ; il fait passer d’emblée un courant de puissante sympathie.
Dans la salle, on s’affaire, sous la conduite de Jeanne, collaboratrice directe de Tharcisse, manifestement cheville ouvrière de la troupe. C’est un jour réservé aux femmes (chaque jour se succèdent aux répétitions des groupes d’hommes, de femmes ou des groupes mixtes qui travaillent sur des répertoires de danses, de chants, de poèmes ou de textes différents).
Le groupe de 12 à 15 actrices est disparate tant en âge qu’en qualité. Certaines en sont au début de leur apprentissage et donnent à l’ensemble un aspect quelque peu amateur. Les physiques sont extrêmement différents (impossible d’y distinguer Hutu, Tutsi ou Twa). On remarque cependant d’emblée deux jeunes filles qui porte leur art à un haut niveau ; or la danse qui s’effectue demande un engagement et une implication physiques très aigus. (…)
Sur les premiers sièges de la salle, un groupe de femmes plus âgées et d’hommes d’âge mûr soutient les chants, rythme des mains ou bat le tambour. On y décèle aussi deux femmes aux voix d’une très grande qualité. Souvent, pendant l’exercice, Jeanne, impériale, vient à l’avant indiquer et soutenir le mouvement, le rythme, le chant .
Lundi 20 août Nouvelle rencontre avec Tharcisse KALISA
D'autres séances de travail ont été consacrées à l'interprétation de textes, en français et en kinyarwanda. D'autres encore nous ont permis d'entendre des chants - chants traditionnels ou créations contemporaines notamment sur le génocide ou sur le spectacle des conséquences du génocide - en solo ou en groupe ; certains d'une très haute qualité et d'une grande force d'émotion. D'autres enfin, ont été consacrées à la répétition des textes d'intervention filmés, de ceux que nous appelons dans le spectacle "les fantômes électroniques".
Ainsi au fil des jours, avons nous pu nous faire une représentation concrète des qualités de la troupe et constituer in fine avec Tharcisse une première proposition sur la constitution d'un groupe de 7 ou 8 personnes représentatives de l'ensemble de la société (Hutus, Tutsis et Twas) et polyvalentes dans leurs possibilités de jeu (chanteurs, danseurs, interprêtes).
Mardi 21 août
Dès le matin, nous sortons de Kigali pour retrouver les pistes de terre rouge en direction de N'tarama et de Nyamata, deux hauts lieux du génocide. Nous sommes angoissés de ce que nous allons trouver: nous avons lu les récits du groupe précédent. La route est longue bien que moins de cinquante kilomètres nous séparent de ces deux villes, mais ici encore, les routes sont défoncées, nous devons souvent prendre des routes de traverse pour éviter des ornières extraordinairement profondes creusées par l'orage de la veille. Ici encore la longue lithanie des gens porteurs de bidons, de fagots, d'objets rudimentaires. Ici encore, des petits champs remués à la houe antique, les maisons minuscules en terre séchée et la phrase lancinante de Tharcisse : "Que nous a laissé le colonisateur ?" En dehors de Kigali et des grands axes, point de salut, point d'électricité, point de distribution d'eau, la misère à tous les détours du sentier.
Nous dépassons N'tamara pour aller directement à Nyamata car nous espérons pouvoir pousser jusqu'à Gitagata qui abrite un centre d'enfants génocidaires. Nous nous arrêtons néanmoins à l'église de Nyamata.
L'esplanade qui la précède est jolie avec son bel arbre solitaire. Un vieux gardien nous introduit et très vite c'est le choc par degrés. D'abord l'église vide, éclairée par des rais lumineux qui proviennent du toit de tôles criblées d'éclats de grenades ; les autels défoncés, les murs encore marqués de larges tâches de sang et cette statue d'une vierge de Lourdes couverte de boue rouge et de sang séché. Le gardien nous indique la crypte et avant même de descendre l'escalier, l'odeur de la mort prend à la gorge. Sur des étagères, les crânes et les os sont soigneusement rangés par centaines et au pied du deuxième escalier, le corps momifié d'une femme - la soeur nous dit-on de l'entrepreneur qui a construit la crypte - à genoux, les mains décharnées toujours liées derrière le dos, un peu penchée comme appuyée sur le bambou qu'on lui a introduit dans le corps pour la faire expirer lentement... Une agonie qui n'en finit pas. Au dehors, une douzaine de caveaux ont été alignés et c'est le même spectacle, la même odeur prenante ; de longues étagères couvertes d'ossements.
Max PARFONDRY
Du 2 au 29 août, tournage des "Fantômes électroniques" de Mwaramutse par Marie-France COLLARD, à Kigali, avec Tharcisse KALISA et ses acteurs.
Le 22 août 1998 : groupe d'écriture : lecture des 74 pages de L'agora du démon, deux propositions de déroulement d'une émission T.V.. Ecrits par Jean-Marie PIEMME et Marie-France COLLARD, ils représentent une sorte de synopsis détaillé, de "déroulant" des événements et nullement encore la pièce elle-même.
Au terme de cette journée de traval, Jacques DELCUVELLERIE propose de considérer ces deux textes comme la base de l'écriture définitive de cette partie et de les remettre ensemble dans une perspective d'écriture différente. Non plus la continuité réaliste d'une émission T.V., mais une suite de séquences, de "tableaux" comme dans les grandes fables épiques de BRECHT, ou WEISS, composés chacun comme une unité de sens aussi bien qu'une unité dramatique, presque jouables séparément, seuls, mais dont la convention pour l'ensemble de ces "unités" resterait bien celle d'une émission de T.V. en direct. Il propose également de laisser reposer cette matière pour l'instant. Sa "remise en forme" dans la perspective évoquée plus haut pourrait se faire, peut-être, plus facilement, et avec de nouvelles idées, en changeant provisoirement de terrain.
Proposition : écrire pour le 30 septembre un "morceau achevé" que ce soit une petite séquence tirée de cet ensemble, ou une chanson, ou un tableau de scènes imaginaires.
Août 1998 : Mathias SIMONS et Jacques DELCUVELLERIE procèdent à la mise en forme versifiée de la "Cantate de Bisesero" : vers blancs, simples, concrets. Le texte achevé implique des voix "parlées-rythmées" du choeur, le choryphée les chanterus rwandais, et l'orchestre.
Le texte est communiqué à Garrett LIST pour la composition musicale.
Sur la Cantate de Bisesero
Alors que la Cantate clôt aujourd'hui le spectacle, elle a été la première réalisation achevée du Work in Progress. Ce n'est sans doute pas fortuit. Elle constitue le pendant "épique" indispensable au récit de la rescapée.
Sa gestation a suivi un processus typique de la construction collective de RWANDA 94. Lors du voyage d'avril 1998, nous découvons, à l'occasion de la commémoration nationale qui aura lieu à Bisesero, un résumé de la brochure d'African Rights. Cette enquête exceptionnelle laisse largement la parole aux survivants mais ordonne déjà ces témoignages en une architecture narrative presque antique. Je donne le texte à lire à Garrett LIST en lui proposant une sorte de cantate. Nous nous rendons ensuite à la commémoration à Bisesero. Les impressions sont extrêmement fortes : splendeur du paysage, beaué du lac si proche et affreusement hors de portée des assiégés, montagne de crânes et d"os, corps à moitié pourris, discours officiels... De retour en Belgique, j'explique le projet à Mathias SIMONS, tente de lui communiquer nos sensations et lui confie la brochure, complète cette fois, pour en tirer un résumé déjà versifié. Sur base d'un plan arrêté ensemble, Mathias résume et versifie toute la chronique entre un coryphée et des "témoins". il propose aussi le "refrain", le chorus récurrent. Je retravaille l'ensemble et ajoute au chorus la répétition en deux fois dix fois le nom de la colline : Muyira. dans la version finale, le chorus est parfois inversé. Nous revoyons le tout ensemble avant de le donner à Garrett LIST. Celui-ci invente pour le refrain un "ritornello" sur le mode baroque.
Interrogé par un journaliste qui lui demandait ce qu'il pensait de la Cantate, si éloignée de la musique rwandaise, Tharcisse KALISA a répondu : "Nos morts n'ont pas eu de sépulture. La Cantate leur a offert la plus magnifique, et cela tout Rwandais peut le sentir".
Jacques DELCUVELLERIE
Du 14 au 19 septembre 1998 : "Bagimont I" : semaine de travail pour les auteurs à Bagimont, Ardennes : Remise en cause de la structure du spactacle, du moins pour ce qui concerne L'agora du démon : le dispositif du plateau-télé en direct apparaît comme peu théâtral : il ne permet aucun changement de lieu, aucune évolution temporelle des personnages. Pour éviter cela, pourquoi ne pas plutôt accompagner Bee Bee Bee dans la préparation de son émission ? On garderait la première partie Mwaramutse où est annoncée la grande émission en réponse aux interventions des morts, mais on ne montrera pas, on en suivra plutôt la préparation les deux ou trois jours précédant le jour « J »,par exemple dans un grand hôtel. La, Bee Bee Bee aurait réuni les différents intervenants, pourrait les rencontrer séparément, changer de lieu : bar, salle de rédaction, chambre…
Durant cette semaine, des scènes sont écrites et proposées : Mwaramutse (Jacques Delcuvellerie) ; La Complainte du Colon, La vieille Maman et la Justice, Les Coopérants (Marie-France Collard) ; Façon de Fabriquer et les scènes imaginaires : Père et Fils, Les Larmes du Général Dallaire, Le Secret de Dieu (Jean-Marie Piemme)
Les 29 et 30 septembre 1998 : Week-end 500 Collines
Le 29 septembre : réunion de production au siège du Groupov : étaient présents : Gérard DENIAUX (directeur financier) et Bernard FAIVRE D'ARCIER, directeur du Festival d'Avignon, Christopher CRIMES (Mulhouse), Didier THIBAULT (Villeneuve d'Ascq), Roger CARACACHE (Grenoble), Marianne HICTER (Wallonie-Bruxelles, Paris), Jean-Loui COLINET (Théâtre de la Place, Liège) et le Groupov.
Le 30 septembre : Pour un public proche, les membres du Groupov et les producteurs potentiels présents la veille : présentation de la structure de la dramaturgie avec épilogue ; interpétation musicale (violons, violoncelle, clavier) des préludes 1 et 2 ; présentation de plusieurs maquettes de décor, le choix commence à se dessiner ; lecture de la Cantate à plusieurs voix, avec musique ; lecture de fragments de texte : Mwaramutse, Père et Fils, La Complainte du Colon ; vision des images : les messages des fantômes électroniques, filmés au Rwanda, version non-soutitrée et sous-titrée, montage muet des images du génocide.
Le 30 novembre 1998 : Week-end 700 Collines : Présentation devant un public choisi de la Cantate de Bisesero dans son intégralité, avec chanteurs et musiciens.
Décembre 1998 : assemblage progressif et définitif des différents métériaux de la création ; mise en chantier des constructions et fabrication de tout ce qui peut être entrepris pour les décors et les costumes ; création de la séquence d'images d'actualité perturbées par les fantômes électroniques.
Représentations publiques du Work In Progress de RWANDA 94 - Liège et Festival d'Avignon
Chronologie du Work In Progress, suite.
Janvier 1999 : Répétitions au Théâtre de la Place, essai d'une continuité de matériaux disponibles, les scènes Les Audiences du Colonel Logiest et La Complainte du Colon sont abandonnées en cours de travail.
Tharcisse KALISA RUGANO nous rejoint de Kigali pour assister aux représentations.
Du 28 au 30 janvier 1999 :
REPRÉSENTATIONS PUBLIQUES du WORK IN PROGESS du spectacle RWANDA 94
Trois soirées en prélude à une création : RWANDA. LA CHEVAUCHÉE FURIEUSE
(N.B. Bien que ce titre nous parut disqualifié, ces trois soirées étaient déjà programmées sous cet intitulé. Et nous n'en avions pas d'autre)
Prélude 1
Témoignage de Yolade MUKAGASANA, rescapée.
Entrée du Choeur des Morts (par des acteurs blancs)
Mwaramutse ( émission T.V. - lecture, avec projection de la séquence des fantômes électroniques)
Père et Fils
Facon de Fabriquer (lecture, avec projection d'images du généocide)
La Cantate de Bisesero
Du 15 au 18 février : "Bagimont II" : semaine de travail pour les auteurs, intégration des critiques et de l'expérience publique de janvier.
Adoption des différentes réformes importantes : la conférence du metteur en scène, réduction de Mwaramutse, le personnage de BEE BEE BEE :
- Ambiguité rencontrée face au personnage "télévision" : peut-on en effet arriver à déconstruire le discours des media tout en utilisant l'émission de BEE BEE BEE comme lieu de réparation ? Ce que nous pensions possible, un défi à relever nous apparaît aujourd'hui moins évident, risqué, peu théâtral ou du mauvais théâtre, inopérant quant au passage d'informations, introduisant de nouvelles confusions.
- Nous rencontrons une autre difficulté : cette réparation doit également avoir lieu dans le champ du savoir et implique de fournir au spectateur des informations dans les domaines historique, sociologique, politique : comment le faire de manière simple et non didactique ?
La présence de Jacques DELCUVELLERIE sur scène, à une table, commentant les parties présentées et expliquant la structure du spectacle a suscité en janvier beaucoup de réactions positives parmi les spectateurs. Elle produit un effet de réel intéressant, rappelle la position de Yolande Mukagasana, propose une ouverture, un relâchement des tensions émotives et introduit une distance, fait appel à la raison.
Pourquoi ne pas introduire une conférence, une conférence faite par Jacques DELCUVELLERIE à laquelle assisterait Mme BEE BEE BEE où il tenterait de répondre à la complexité des questions posées : Hutu et Tutsi, qu'est-ce que cela veut dire ? Cette conférence aurait l'avantage de ne pas simplifier et présenterait la mise en place de l'ethnisme à travers l'histoire du Rwanda, de la colonisation à 1959, puis de 1959 à 1994. Après le choc provoqué par le témoignage de Yolande, elle répond également à une attente des spectateurs.
- Par ailleurs, le personnage de BEE BEE BEE doit être affiné : pourquoi ne pas l'orienter vers une "Sainte Jeanne des Media", suivre avec elle le chemin qu'elle entreprend dans sa prise de conscience, dans la connaissance du génocide et donc ne plus nécessairement "coller" à l'émission proprement dite ? Ainsi, les scènes imaginaires, jusqu'ici conçues comme des tableaux venant s'immiscer dans le récit, sans véritable lien organique avec lui, sinon celui des informations à donner, deviendraient les visions de BEE BEE BEE, un peu comme les visions de Simone Machard ?
Mars 1999 : mise en chantier de nouveaux textes dont :
- "Les Hyènes" : sont désignés ainsi ceux qui n'ont pas manié la machette, mais dont les discours, la pensée reviennent à permettre le génocide, puis après qu'il ait eu lieu, à le nier, l'excuser, à en dissoudre la réalité et les responsabilités. Parmi les figures possibles ; l'homme commun, le diplomate français, le journaliste africain.
- "Au Bar de l'Hôtel Intercontinental" : avec introduction par Jean-Marie PIEMME du personnage de Jacob et de sa rencontre avec BEE BEE BEE.
Le 28 mars 1999 : comité dramaturgique, présentation de la structure pour le Festival d'Avignon. Le Festival en effet, après avoir renoncé à son invitation la réitère, rencontre avec Bernard FAIVRE D'ARCIER.
Le 7 avril 1999 : présentation publique de La Cantate de Bisesero au Centre Culturel d'Auderghem, dans le cadre de la 5ème commémoration du génocide des Tutsi et autres crimes contre l"humanité commis au Rwanda en 1994.
- Réactions du public rwandais sur la présence des récitants blancs et de la musique occidentale pour témoigner de "leur" histoire : choqués dans un premier temps (à nouveau, ils parlent à notre place), ils concluent : oui, c'est bien que des blancs portent ces témoignages, parlent en "je", ainsi notre histoire devient aussi la leur.
Ce retour du public rwandais nous fera conserver cette distribution pour la pièce, alors qu'au départ nous pensions confier le rôle des récitants dans la Cantate aux acteurs rwandais. Placée en fin de spectacle, la cantate tend à atteindre une portée plus universelle.
- Première rencontre avec Dorcy RUGAMBA, rescapé du génocide, qui demande à faire partie du projet.
Avril 1999 : construction du décor de la création RWANDA 94 dans les ateliers du Théâtre National.
Du 12 au 20 avril 1999 : semaine de travail, réunions individuelles, aboutissement de la structure du Work in Progress , avec une nouvelle scène, portée par le Choeur des Morts : La Litanie des Questions, écrite par Marie-France COLLARD, avec Dorcy RUGAMBA et Jean-Marie MUYANGO.
Nous ne pouvons pas prétendre à l'exhaustivité. Pour rendre compte de la complexité du sujet abordé, le Choeur des Morts sera chargé de poser des questions, car il doute de la sincérité et de la capacité de BEE BEE BEE à apporter tous les éclaircissements nécessaires et à poser des accusations précises et nominales. Cette partie sera entièrement musicale, les questions prendront la forme de : "Dira-t'elle... Parlera-t'elle...", marquant la méfiance du Choeur par rapport aux media.
Sur La Litanie des Questions : un deuil à partager.
Lors de chaque voyage au Rwanda, j'ai été marquée par la volonté des rescapés de rechercher dans tout le pays les restes des personnes disparues afin de les inhumer "dignement". Cette volonté existe encore à ce jour, sept ans après le génocide. Des fosses communes sont régulièrement ouvertes, les corps exhumés. Au-delà d'un travail de deuil nécessaire pour lequel la présence de la dépouille est une composante indispensable, ces cérémonies funéraires, bien souvent collectives, témoignent, me semble-t-il, de ce désir intuitif de rendre les victimes à l'humanité dont les criminels ont voulu les exclure. Nommés, traqués, tués, dépecés comme de vulgaires animaux, les dépouilles ont été abandonnées aux intempéries et aux carnassiers.
"Nous n'avons pas eu de funérailles comme il est de coutume
Nous avons été dépecés et jetés dans les fosses communes
Nos cadavres jetés à travers le pays
Chiens et vautours les dévorèrent
Puis ils laissèrent les os exposés au soleil"
Quant il a été question d'écrire une chanson pour la Litanie des Questions, nous nous sommes inspirés de ce sentiment pour écrire, avec Dorcy RUGAMBA et Jean-Marie MUYANGO, la chanson et les couplets correspondants. Au Rwanda, une cérémonie de deuil dure huit jours, le huitième jour, le deuil est levé, les vivants reprennent le cours de leur vie, les morts sont honorés. Fonctionnant un peu comme métonymie du spectacle, cette partie pose des questions et accuse : le deuil ne pourrait être complet sans justice, sans vérité dévoilée. Cela doit se faire sans concession aucune : dans le monde des vivants, les morts n'ont plus rien à perdre : ce sont eux qui nous parlent.
S'adressant à BEE BEE BEE, nous enjoignant de nous méfier de "ces appareils qui propagent l'information", les morts nous font visiter l'histoire du Rwanda à reculons. Ils accusent, en premier lieu, les medias, RTLM, la radio génocidaire qui a aiguisé les haines et appelé au meurtre. Les faits sont précis, des noms prononcés, des complicités mises en lumière. Derrière l'actualité atroce de 1994, la responsabilité de l'ONU et des occidentaux est systématiquement dénoncée. Chaque mort lance sa question, en liaison ou non avec la précédente.
Ils nous conduisent de 1994 à 1959, puis plus tôt encore, dans la période de la colonisation qui a engendré l'ethnisme, ils nous parlent du Rwanda Précolonial, disent des choses qui pour nous sont parfois incompréhensibles - un peu comme les messages des fantômes électroniques - ils pointent notre ignorance de leur culture, de leur passé. À chaque refrain, ils appellent à la vigilance envers les media. En dernier lieu, ils reviennent au génocide pour accuser une institution particulière : l'Église, pourtant omniprésente, a failli dans ce rôle de régulation sociale. " Voilà l'enseignement d'une Égliset héocrate". Les morts s'adressent à l'humanité toute entière : "Qu'attendez-vous ? Nous attendons de vous, réparation. Nous ne sommes pas en paix" et si la veillée au Rwanda dure huit jours, pour la Litanie des Questions, il y aura sept couplets, sept refrains, le huitième sera la pièce dans son intégralité.
D'ne manière générale, les morts nous surveillaient, comme dans Mwaramutse, ils nous avaient commandé la pièce. Les rescapés - ces morts-vivants, ceux dont les paroles, les impressions, les critiques ont été pour nous essentiels durant tout le travail d'élaboration jusqu'à la création - devaient approuver, se sentir représentés par ce que nous disions. Nous avons éprouvé bien souvent leur fermeté, leur intransigeance, profondément ancrée dans leur souffrance, car, nous disaient-ils parfois, nous non plus, nous n'avons plus grand chose à perdre, ayant déjà perdu pour la plupart la plupart des membres de notre famille. Ils étaient nos anges gardiens, ils nous soufflaient la route à suivre. Si, comme dit le proverbe rwandais, "Des vaches ne peuvent vivre ensemble sans se frotter les cornes", à travers quelques années de longue fréquentation réciproque, nous avons été bien sûr confrontés à l'altérité. Sur certains sujets, imperceptiblement, nous sentions que, issus de cultures différentes, nous ne pouvions tout à fait nous comprendre. Nous avions cependant une oeuvre à produire ensemble. Et c'était plus que cela, c'était un deuil à partager, à faire partager à chaque représentation. Et cette exigence nous réunissait.
Marie-France COLLARD
Les 12 et 13 mai 1999 : tournage réalisé par Marie-France COLLARD au Théâtre de la Place de la séquence "fauc-duplex" avec Butare et Monsieur KAMALI, joué par Gasana N'DOBA pour Mwaramutse.
Le 21 mai 1999 : réunion autour d'Avignon, proposition de la structure du Work in progress, vision des images "faux-duplex", présentation de Dorcy RUGAMBA, rescapé du génocide, fils de Cyprien RUGAMBA, qui rejoint l'équipe en tant que membre du Choeur des Morts et collaborateur à l'écriture. Il présente le texe qui sera le sien pour le Tutti I et qui relate, à travers la voix de son frère cadet, l'assassinat des membres de sa famille : son père, sa mère, ses frères et soeurs, le 7 avril 1994.
Le 5 juin 1999 : présentation d'extraits du Work in Progress dans le cadre de l'Assemblée Générale de Médecins Sans Frontières Belgique, à la salle de la Madeleine à Bruxelles : monologue de la rescapée, intervention du Choeur des Morts avec les récitants de la Cantate, et, pour la première fois, avec Dorcy RUGAMBA, Jean-Marie MUYANGO interprète Mutunge, nous jouons intégralement La Cantate de Bisesero.
Début juillet 1999 : répétitions pour Avignon, finalisation des textes et musiques. Au cours des répétitions, le Choeur des Morts (composé de Carole KAREMERA, Dorcy RUGAMBA, Tharcisse KALISA RUGANO) et Jean-Marie MUYANGO mettent au point la séquence "culture rwandaise", appelée à ce moment La Danse des Morts.
Les 21, 24 et 26 juillet 1999 :
FESTIVAL D'AVIGNON : Présentation du WORK IN PROGRESS : RWANDA 1994
Nouvel état du Work in Progress (5 heures de matériaux) présenté au Gymnase d'Aubanel. Ces présentations sont commentées sur scène par Jacques DELCUVELLERIE qui explique la structure du spectacle, les parties présentées, celles encore à écrire.
RWANDA 1994 : STRUCTURE DU WORK IN PROGRESS
Prélude 1
Première partie : ITSEMBABWOKO : témoignage de la rescapée ;
TUTTI 1 - MUTUNGE, Choeur des Morts
Deuxième partie : MWARAMUTSE 1995 : émission T.V. ;
TUTTI 2 - LA LITANIE DES QUESTIONS
ENTR'ACTE
Prélude 2
Troisième partie : UBWOKO :
AU BAR DE L'HÔTEL INTERCONTINENTAL
AU COEUR DE L'ETHNISME (conférence de Jacques DELCUVELLERIE)
COMITE DE RÉDACTION (encore à écrire)
LES HYÈNES
LA DANSE DES MORTS
LES TROIS VISIONS DE BEE BEE BEE
SUR LES PENTES DU GOLGOTHA
LES LARMES DU GÉNÉRAL LAMER
PÈRE ET FILS
FACON DE FABRIQUER
BEE BEE BEE RENONCE
Quatrième partie : LA CANTATE DE BISESERO
Extraits de presse :
Rwanda 94, un spectacle hors norme tant par sa durée (cinq heures et demi… qui n’en paraissent pas la moitié) que par son propos et sa forme, mêlant fiction et réel, acteurs professionnels ou non pour traiter du Rwanda et du génocide qui l’a ensanglanté.
Didier Méreuze in La Croix, 26/07/1999
D’ores et déjà, Rwanda 94 s’impose en exemple d’un théâtre de la conscience contemporaine. Portée par un haut courage dialectique, raffinée dans l’exigence philosophique, combattante enfin, cette œuvre extrêmement pensée qui ne vise pas d’emblée les affects en redonnant la parole à des défunts lointains si vite oubliés, participe à la meilleure intelligence d’un monde qui pue la mort. Là s’arrête la fonction du théâtre. Lorsqu’il y parvient à ce point, il peut s’estimer sauvé.
Jean-Pierre Léonardini in L’Humanité, 28/07/1999
Du 23 au 26 octobre 1999 : Bagimont III - chez Olivier Gourmet, à Mirwart.
Intégration des critiques et de l'expérience d'Avignon. Adoption des différentes réformes : importance et prépondérance du Choeur rwandais ; clarification du personnage de BEE BEE BEE ; problème de longueur.
Ce qui ne va pas, ce qui change :
- La durée du spectacle en Avignon, alors que certaines scènes n'étaient qu'indiquées laisse présager une longueur de plus ou moins 7 heures (hors entr'acte). Cela ne nous semble pas tenable dans le cadre des structures qui nous accueillent : la longueur est donc un réel problème auquel il faudra remédier en raccourcissant parotut où c'est possible (Le Monologue de la resccapée, Mwaramutsee, La Litanie des Questions, la Conférence).
- Beaucoup de discussions sur la perception du personnage de BEE BEE BEE par les spectateurs : qui est-elle au juste ? Quelle est son évolution ? On ne sent pas suffisamment son engagement, ni qu'elle est ébranlée par ce qu'elle entend. Proposition est faite d'écrire un passage pour la fin de la scène Mwaramutse où, en gros plan sur l'écran, BEE BEE BEE affirme plus clairement sa volonté d'oeuvrer à la recherche de la "vérité".
-Les visions telles qu'elles sont suggérées ne semblent pas être l'expression de son propre imaginaire, elles apparaissent presque comme prétexte aux auteurs pour faire parler des personnages qui ont été importants dans l'histoire du Rwanda.
- Par contre, le Choeur des Morts peut très bien, lui, envoyer ces visions à BEE BEE BEE. Depuis le début, depuis Mwaramutse ils la guident, la mettent en garde, l'observent, lui envoient remarques et doutes. Les visions deviennent l'interprétation par le Choeur des Morts de certaines périodes de l'histoire de leur pays, des instances qui ont été déterminantes, qui ont une lourde responsabilité dans la genèse du génocide ou qui ont gardé un silence complice, n'intervenant pas lors de l'extermination des Tutsi.
Les RWandais devront, ici, jouer directement des rôles et certains personnages seront représentés par des marionnettes (référence au Bread abd Puppet de Peter Schuman)
- L'idiée d'écrire une scène "comité de rédaction" est abandonnée. Après la Conférence, le Choeur des Morts interviendra pour la "compléter" et questionner les responsabilités rwandaises, en abordant plus directement la période du génocide et les mécanismes de la machine génocidaire. Avec ces denriers changements, le Choeur des Morts prend de plus en plus d'importance et devient prépondérant.
- Les trois monologues des Hyènes, à nouveau face public, après preque 45 minutes de conférence, fonctionnent mal. Une solution doit être trouvée. En tout cas, ils seront plus directement adressés à BEE BEE BEE. Chaque hyène tente de la séduire par son discours et terminera son intervention par un quatrain chanté, invitant la présentatrice à chanter avec elle. A la fin de la scène, les trois hyènes chantent ensemble ce quatrain pendant que derrière eux, l'écran s'ouvre sur des images d'archives Noir et Blanc de joueurs de tambours rwandais, de danses traditionnelles. Le choeur s'installe sous l'écran avec des tambours et reprend le rythmne des Anciens.
- Ce qui manque encore : Nous avons jusqu'ici privilégié l'analyse des différents mécanismes qui amènent une société - et cette société particulière - à permettre au sadisme de chacun de s'exprimer en toute impunité. Reste pourtant encore à interroger cetee "part d'obscurité" qui conduit celui - ou celle - qui accepte de tuer son voisin, la femme de son frère ou son propre enfant et à le faire avec raffinement, cruauté, plaisir. Jacques DELCUVELLERIE propose d'introduire cette question à partir de l'histoire de Jacob et de sa famille, non pas le génocide des Juifs tel qu'il a été perpétré par les nazis, mais cette hsitoire d'après génocide, où la haine, toujours bien présente, conduit un village polonais, Kielce, à massacrer, deux ans après leur libération, des rescapés des camps d'extermination nazis. Le personnage de Jacob devient plus nécessaire.
Sur la place des images. " Maudits soient les yeux qui se ferment alors qu'ils doivent rester ouverts"
Au fur et à mesure de l'avancementt du travail, la place de la télévision devenait de moins en moins évidente : il n'était plus question de faire une "grande émission genre plateau télévisé", tant le dispositif était peu théâtral et nous pouvions encore moins recourir à la prédominance du grand écran ; le cinéma ne pouvait, ici, à nouveau, prendre la place du théâtre, de la présence en chair et en os de ceux qui font le théâtre, de leur fragilité, en particulier celle de la rescapée, qui chaque soir, revit le cauchemar qu'elle raconte. L'archaïsme du théâtre en faisait le moyen le plus adéquat pour parler du génocide à ceux qui l'avait si mal reçu par le biais de l'image et du son, l'image, plate et en deux dimensions, telle qu'aujourd'hui la télévision la fabrique. La pièce en elle-même, dans sa globalité, dans sa durée - aussi bien le temps que nous nous étions donné pour l'élaborer que la durée du spectacle lui-même - devenait une critique des media qui, toujours veulent faire "court", simplifient, fragmentent, décontextualisent.
Déconstruire le discours des media et en démontrer l'indigence ne pouvait devenir notre sujet principal : les media devaient être là, dénoncés et critiqués, mais comme un enjeu secondaire et si certains encore en Avignon y ont vu un écho des thèses de Bourdieu, cela ne pouvait devenir notre thème principal.
La télévision est présente dans un premier temps pour installer la fiction : les visages en très gros plan, qui apparaissent en noir et blanc, occupent la plus grande superficie possible de l'écran et parlent dans une langue inconnue, ces visages des "fantômes électroniques" écrasent la banalité et la vulgarité du quotidien de la T.V. C'est Mwaramutse et les premiers pas de BEE BEE BEE dans la prise de conscience. Mais tout de suite après, les media - et BEE BEE BEE elle-même - sont invectivés par le Choeur des Morts, sceptiques quant à leur capacité à parvenir à une réelle "réparation".
"Ecoutez-les, soyez vigilants,
Regardez-les, mais méfiez-vous,
Ces appareils qui propagent l'information
Ce sont eux qui infectent les coeurs
Et souillent les esprits."
Les images, après cela, seront utilisées avec parcimonie. leur seconde apparition sera celle du J.T. de Bruno MASURE sur France 2, où, un an avant le géncoide, les larmes au bord des yeux, Jean CARBONARE met le monde en garde, trahissant tout à coup le code de fausse imaprtialité du J.T. Bien sûr, on peut voir dans cette séquence une indicatio, de ce que pourrait être la "bonne" télévision ; mais, en fait, c'est surtout la démonstration implacable de son inopérance : quel effet à eu ce moment télévisuel passant à une heure de grande écoute sur la prévention du génocide ? Perdu dans le flux incessant d'informations diverses, partielles, parcellaires, contradictoires, il a tout au plus marqué la mémoire de quelques uns...
Finalement, les images seront utilisées dans leur fonction première : celle de document d'archvies, venant authentifier une réalité. Leur utilisation, toujours en dialogue avec ceux et celles qui sont sur scène, induit également une réflexion sur l'usage habituel qu'en fait la télévision. Trois séquences : le J.T. de Bruno MASURE, présenté par BEE BEE BEE à Jacob, témoigne du fait que : "oui, un an avant, le monde savait et on n'a rien fait" ; les images en négatif de quelques traces de l'ancienne culture rwandaise : danses, musique, images muettes des ancêtres auxquels répond le Choeur des Morts dans Amararo et les images du génocide lui-même, le peu qu'il y en a, qui sont le sujet même de la discussion dans Façon de Fabriquer entre BEE BEE BEE et Monsieur UER. Ces dernières, qui, dans un J.T. seraient utilisées avant tout pour susciter l'émotion choc, nous les donnons à voir après 4 heures où, peut-être après l'ébranlement profond suscité par le témoignage de la rescapée, le génocide commence à être apprivoiser par le spectateur. Elles sont là pour nous rappelr : voilà ce dont on parle. Elles fourniront éventuellement une référence concrète à ce que la Cantate de Bisesero énonce "noblement". Le montage de ces images nous raconte une chose complémentaire : il indique le passage de la vie à la mort, l'agonie, la décomposition de la chair, l'herbe qui repousse autour des os, il montre les lois naturelles du cycle de la vie, celles de l'être humain, celles de l'animal. L'abandon des corps dans cette nature - ces corps des morts de La Litanie des Questions qui souffrent de n'avoir pas été inhumés - disent aussi l'opposition nature-culture, ils suggèrent ce qui a été éradiqués dans l'imaginaire de ce peuple d'Afrique Centrale pour permettre cette transgression extrême. La dernière image sera celle d'un livre ouvert, d'un livre qui appartient au patrimoine francophone, oublié lui aussi dans l'herbe, il clôt la séquence, ceux qui ont l'oeil alerte peuvent y dechiffrer cette phrase de Chantecler "Maudits soient les yeux qui se ferment quand ils doivent rester ouverts..."
Marie-France COLLARD
Octobre à décembre 1999 : écriture définitive des différentes scènes, insertion de Si c'est un Homme, réécriture de toute la scène des Hyènes en chanson, travail pour raccourcir Mawaramuts, La Litanie des Question, constitution du Choeur des Morts, avec, pour des raisons de budget, seulement trois acteurs en provenance du Rwanda : Jeanne KAYITESI, Augustin MAJYAMBERE, Tharcisse KALISA RUGANO. Les autres morts du Choeur des Morts sont : Carole KAREMERA, MASSAMBA (fils de SENTORE), Dorcy RUGAMBA.
La production et l'administration générale du GROUPOV sont désormais confiées à Philippe TASZMAN, rejoint bientôt par Françoise FIOCCHI et Aurélie MOLLE.
Création de RWANDA 94. Une tentative de réparation symbolique envers les morts à l'usage des vivants. Début de la tournée internationale.
Chronologie du Work in Progress de RWANDA 94, suite.
Janvier 2000 : Recherche d'images d'archives sur les danses et les tambours rwandais, montage et remontage des séquences raccourcies.
Février- Mars 2000 : Début des répétitions.
Chaque semaine durant les répétitions un journal intitulé IGICANIRO est édité pour l'équipe de création.
IGICANIRO
Littéralement ce mot signifie en kinyarwanda le lieu prévu pour accueillir un feu entretenu (feu de camp, de veille...)
Dans le Rwanda précolonial brûlait à la cour royale un "feu sacré" qui symbolisait la flamme de la tradition et la continuité du Rwanda comme état nation. Ce feu était entretenu depuis le règne de Ruganzu NDOLI vers le 15ème siècle (selon l'historien Alexis KAGAME) et il s'est éteint avec le règne de Mutara RUDAHIGWA dans les années 40, marquant ainsi symboliquement la fin du respect des traditions ancestrales.
Le mot s'utilise également pour décrire le feu entretenu pour un temps déterminé. Par exemple, pour le cas qui nous intéresse, lors d'un deuil qui, au Rwanda dure 8 jours. Les amis et proches du défunt se réunissent pour veiller 24 heures sur 24. Ils allument alors un feu de veille qui s'appelle aussi Igicaniro.
Igicaniro se dit également pour d'autres feux : le feu de veillée d'armes par exemple.
Dorcy RUGAMBA
Ce jounral, qui connaîtra sept numéros, accompagne le travail et se situe sur le même terrain : le génocide de 1994, ses causes, ses protagonistes, ses langages. Le premier numéro reprend les compte rendus des voyages des deux groupes, les repères chronologiques de l'histoire du Rwanda et des rubriques qui reviendront de manière récurrente : Les Inédits (scènes écrites, ne faisant pas partie du spectacle) ; Le Coin des Hyènes (réservé aux discours qui ont contribué à créer la haine et la division au Rwanda, à ceux qui les justifient) ; Il s'agit de développer deux arts : l'art dramatique et l'art du spectateur (Brecht) (présentant des textes chosis par Francine LAINDRAIN sur les traditions théâtrales dont nous sommes issus) ; des textes ou poèmes permettant d'approcher la culture rwandaise ; Le Chemin du Sens, lettre de Jacques DELCUVELLERIE qui tente de communiquer la vision dramaturgique de l'oeuvre aboutie, telle qu'elle se présente à ce jour aux yeux de ses principaux concepteurs.
Durant les répétitions, les marionnettes sont créées pour les trois visions.
BEE BEE BEE arrête son émission, mais on ne dit pas pourquoi : est-ce de la censure directe ou est-ce elle qui renonce ? La question reste ouverte.
Fin Mars - début avril 2000 :
CRÉATION DE RWANDA 94. UNE TENTATIVE DE RÉPARATION SYMBOLIQUE ENVERS LES MORTS À L'USAGE DES VIVANTS
du 20 au 25 mars au Théâtre de la Place (Liège) et du 31 mars au 7 avril au Théâtre National (Bruxelles).
RWANDA 1994 - STRUCTURE POUR LA CRÉATION
Prélude 1
Première partie : ITSEMBABWOKO : "La mort ne veut pas de moi " (Yolande Mukagasana)
MUTUNGE, Choeur des Morts
Deuxième partie : MWARAMUTSE
Troisième partie : LA LITANIE DES QUESTIONS
ENTR'ACTE
Prélude 2
Quatrième partie : UBWOKO :
NÉCESSITÉ DU SAVOIR
UBWOKO (conférence de Jacques DELCUVELLERIE)
NAHO SE BENE WACU (Et les gens de chez nous ?)
SI C'EST UN HOMME
VOULEZ-VOUS CHANTER AVEC MOI ? (Les hyènes)
LES TROIS VISIONS DE BEE BEE BEE
SUR LES PENTES DU GOLGOTHA
LES LARMES DU GÉNÉRAL
PÈRE ET FILS
FACON DE FABRIQUER
À TRAVERS NOUS L'HUMANITÉ
Cinquième partie : LA CANTATE DE BISESERO
Début de la tournée internationale : à la Rose des Vents de Villeneuve d'Ascq, au Théâtre de la Butte à Cherbourg (petite forme), à Marseille dans le cadre du Congrès de l'Institut International du Théâtre (sous l'égide de l'Unesco Projet Utopie 2000), à la Biennale de Bonn, au Festival des Francophonies à Limoges, au Channel à Calais (petite forme).
La "petite forme"(trois heures quart), réduction du spectacle à trois grands moments, avec orchestre, était destiné à répondre positivement à l'invitation de scènes trop exigües. Elle fut abandonnée après mars 2001.
Le spectacle RWANDA 94 reçoit le Prix OCE, le Prix du théâtre de la Communauté française et le Prix de la recherche (Prix Michèle FABIEN) de la SACD.
Marie-France COLLARD termine la réalisation du documentaire OUVRIÈRES DU MONDE sur la mondialisation dans le textile (à travers les fermetures des usines Levi's en Belgique et en France et la recherche de sous-traitants en Turquie, Indonésie, Philippines).
Création de SWEET de Jeanne DANDOY, mise en scène de Francine LANDRAIN, au Théâtre les Tanneurs (Bruxelles) et au Théâtre de la Place (Liège).
Organisation de deux Clairières en forêt d'Ardennes.
Poursuite de la tournée de RWANDA 94
Mise en chantier d’ANATHÈME
RWANDA 94 reçoit le Prix de l'Académie Québécoise du Théâtre.
Il est présenté en France : au Théâtre d’Angoulême/Scène Nationale, au Théâtre de Sartrouville/Centre Dramatique National, au Nouveau Théâtre d’Angers/Centre Dramatique National, à La Roche sur Yon/Scène Nationale, à Cavaillon/Scène Nationale, à Amiens/Scène Nationale et à Paris/Rencontres de la Villette.
Également repris en Belgique : à Louvain-la-Neuve au Théâtre Jean Vilar et à Bruxelles au Théâtre National de la Communauté Wallonie-Bruxelles/ Halles de Schaerbeek.
Il est enfin accueilli au Mittelfest à Udine, Italie).
Après d’être produit à La Manufacture (Avignon OFF), DISCOURS SUR LE COLONIALISME poursuit sa très large tournée, au Bénin : à Cotonou et Porto Novo au Festival International de Théâtre du Bénin (FITHEB) et à Nouméa en Nouvelle Calédonie.
Mise en chantier d'ANATHÈME, réunissant les mêmes artistes du Groupov qui ont porté la réalisation de Rwanda 94 : Marie-France COLLARD, Garrett LIST, Johan DAENEN, Jean-Pierre URBANO, etc. Il sera basé uniquement sur des textes bibliques où Dieu perpètre lui-même, ou ordonne formellement l'extermination de masse d’êtres humains.
Le spectacle/performance JANE de Jeanne DANDOY (avec Jeanne DANDOY, Michèle VEGAIRGINSKY et Alain WOUTERS) est présenté à La Manufacture (Avignon Off). Cette création constitue l'expérience-limite la plus poussée que le GROUPOV ait réalisée dans sa relation au spectateur. Dans cette espèce de peep-show à la Paris-Texas, avec un environnement très construit, nécessitant deux autres acteurs et une salle d'attente, par un processus de réservation et avec des demandes optionnelles, JANE n'accueillait qu'un visiteur à la fois. La totalité d'une session épuisante, pouvait donc durer toute une nuit.
OUVRIÈRES DU MONDE obtient le Prix du Public dans le cadre du 11ème Festival du Film de Femmes à Cologne (Allemagne).
Le film est invité au DocPoint - Helsinki Documentary Film Festival (Finlande) ; au Trade-Fair Film Festival (Oxfam Film Festival) à Hong-Kong ; au FIGRA, Festival International du Film de Grand Reportage et du Document d'actualité, au Touquet (France) ; au Buenos Aires IV Festival de Cine independante (Argentine) ; au 25ème Festival de Cinéma de Douarnenez (France) ; au Festival du Cinéma d’Attac, Bruxelles (Belgique) ; au One world film festival, à Bratislava (Slovaquie) ; dans le cadre de « Résonnances », 2ème rencontre de Ciné Citoyen à Bobigny (France) ; au One World - International Human Rights Film Festival à Prague (Tchéquie) , au 7th Suwon Human Rights Film Festival (Corée du Sud) ; dans le cadre de la tournée de l’International Human Rights Film and Video Festival in Latin America and Caribe.
ANATHÈME est présenté sous la forme d'une première étape de travail
RWANDA 94 (une tentative de réparation symbolique envers les morts à l’usage des vivants) est présenté au Rwanda même.
Après quatre années de tournée à travers le monde, le spectacle RWANDA 94 (une tentative de réparation symbolique envers les morts à l’usage des vivants) est enfin présenté au Rwanda même en avril, à Kigali, Butare et sur les collines de Bisesero, à l’invitation des autorités rwandaises, dans le cadre de la dixième Commémoration du génocide. Un énorme travail est accompli sur place par Marie-France COLLARD et Philippe TASZMAN, notamment, en amont de l’arrivée du spectacle, afin de s’assurer que des rescapé(e)s des collines, simples paysan(ne)s, puissent y accéder. A cette occasion, Marie-France COLLARD tourne le documentaire RWANDA. À travers nous, l’humanité... Celui-ci montre la réception du spectacle par les Rwandais eux-mêmes, et en même temps expose la situation des rescapés, dix ans à peine après le génocide.
Tournée de RWANDA 94 en Italie, à Palerme, Turin, Rome, Milan et Reggio Emilia dans le cadre du projet Italy for Rwanda initié par Antonio CALBI.
Le spectacle reçoit le prix de l’Association nationale des Critiques Italiens pour le meilleur spectacle étranger de la saison.
A la suite des travaux de l’Atelier de recherches initié par l’équipe d’ANATHÈME, le Groupov organise une représentation unique, conçue comme la Première esquisse avant la version complète du futur spectacle, juxtaposant actions scéniques, oratorio biblique, grandes projections picturales. Présentation à un public choisi et à des collaborateurs de Jan Fabre, artiste référent du prochain Festival d'Avignon, qui marquent un vif intérêt pour le projet.
LES AFRIQUES, exposition d’art contemporain, conçue et réalisée par Laurrent JACOB/ Espace 251 Nord (Liège) etsprésentée dans le cadre de Lille 2004 capitale européenne de la Culture, accueille le travail vidéo de plusieurs artistes, dont celui de Marie-France COLLARD pour RWANDA 94, dans une installation conçue par Jacques DELCUVELLERIE.
DISCOURS SUR LE COLONIALISME est présenté au Centre culturel français de Ouagadougou au Burkina Faso, à Butare et Kigali au Rwanda ainsi qu'en Martinique devant Aimé CÉSAIRE lui-même.
Jacques DELCUVELLERIE décide de changer complètement le travail de plateau sur ANATHEME dans une conception épurée et proche de la performance. Une nouvelle expérimentation est conduite avec des étudiants du Conservatoire de Liège, l’ensemble restant cependant de la même ampleur : une vingtaine d’acteurs, six récitants, trois choristes-chanteuses, deux musiciens.
Le résultat est présenté à la nouvelle équipe du Festival d'Avignon (Vincent BAUDRILLER et Hortense ARCHAMBAULT) qui confirme alors son invitation pour l'édition 2005.
OUVRIÈRES DU MONDE reçoit le Prix du Public - Festival International Dignité et travail (Gdansk, Pologne).
Le film est projeté au Festival Femmes en résistance au capitalisme à Arcueil (France), au Centre Culturel Français de l'Ile Maurice, dans le cadre du Mois du film documentaire et lors des Rencontres Ciné-travail, le travail au féminin, à Lyon, (France)
Enfin, très important, dans le cadre de la négociation de son contrat-programme avec le Ministère de la Culture, Jacques DELCUVELLERIE rédige le 1er septembre 2004, un plan de travail du Groupov pour la période 2005-2010. Dans ce document, est déjà largement inclus une présentation argumentée (6 pages) d'un prochain et vaste projet : FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS. Bien des points de cet argumentaire ont été révisés par la suite, mais le fait est que le premier volet de FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS : UN UOMO DI MENO sera effectivement créé en fin de cet exercice : 2010.
Réalisation du film RWANDA 94 – Création d’ANATHÈME
Dernières représentations de RWANDA 94 (une tentative de réparation symbolique envers les morts à l’usage des vivants) au Théâtre de la Place (Liège). A cette occasion, réalisation du film du même nom par Marie-France COLLARD et Patrick CZAPLINSKI. Le tournage bénéficie de véritables moyens professionnels de haute qualité. Le film jouera un grand rôle dans la poursuite du travail initié par la création du spectacle. Il sera diffusé, projeté et débattu à travers le monde. Et ceci continue encore à l’heure actuelle.
Jeanne DANDOY crée le spectacle L'AXE DU MAL également au Théâtre de la Place (Liège).
DISCOURS SUR LE COLONIALISME est présenté en France au Théâtre des Quartiers d’Ivry, à l’Association les Saisons au Théâtre de Givors ainsi qu’au Festival d’Avignon Off dans le cadre de Contre-Courant.
Création d'ANATHÈME au Festival In d’Avignon, au Cloître des Célestins. Une polémique fait rage sur la programmation de cette année, divisant violemment critiques et spectateurs. Anathème est pris dans la tempête.
Débat avec des metteurs en scène européens à l'affiche du Festival d'Avignon, animé par Georges Banu (avec Thomas OSTERMEIER, Roméo CASTELLUCI, Jacques DELCUVELLERIE, etc.) et consacré à "un visionnaire des formes nouvelles au théâtre", Antonin ARTAUD.
Toujours en Avignon, mais dans le Off cette fois, Jeanne DANDOY, Vincent HENNEBICQ, Fabrice MURGIA et Diogène NTARINDWA présentent leur création collective JE NE VEUX PLUS MANGER à la Manufacture/Scènes contemporaines.
LA MOUETTE de Tchékhov, mise en scène de Jacques DELCUVELLERIE, est créée en septembre comme spectacle d’ouverture de la première saison du nouveau directeur du Théâtre National (Bruxelles), Jean-Louis COLINET, en coproduction avec celui-ci. Le Groupov revendique ce spectacle où il opère un retour éclairant sur une œuvre qui a hanté le collectif dans ses débuts, et déjà réintroduite dans la création de KONIEC (genre théâtre).
Cette production tourne ensuite à Tournai, Mons, Maubeuge, Angers et Créteil. L’accueil du public et de la presse est extrêmement chaleureux.(cfr extraits d’articles dans la rubrique Spectacles).
JANE est présenté au Festival Émulation (Liège), avec Jeanne DANDOY, Michèle VEGAIRGINSKY et Gilbert LETAWE.
JAZ de Koffi KWABULE, mis en scène par Denis MPUNGA, avec Carole KAREMERA et Julie CHEMIN est présenté au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris.
RWANDA. A travers nous, l’humanité… film documentaire de Marie-France COLLARD est projeté en avant-première au Cinéma le Parc (Liège) et au Festival de Cinéma d’Attac (Bruxelles).
Son film OUVRIÈRES DU MONDE obtient le Prix du Meilleur Documentaire au Festival de Vidéo à Thème Social de Liège.
Exposition, du 25 octobre au 4 novembre, aux Halles de Schaerbeek, de « l’installation » ÉVOCATIONS créée par Marie-France COLLARD dans le cadre du Festival Voix de Femmes.
Carole URBANO renforce l'équipe bureau du Groupov.
LA MOUETTE meilleur spectacle aux Prix du Théâtre
FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS entre en chantier
Comme le titre l'indique, le cadre général de cette création se situe dans la perspective de la fin potentielle (et sans doute probable) du genre Homo Sapiens.
Ce projet ayant été conçu d'emblée comme une entreprise d'une ampleur exceptionnelle (ce qu'il sera effectivement... jusqu'à un certain point), mais aussi vécu et portécomme un eoeuvre ultime, il occupe dans cette chronologie GROUPOV une place plus importante que les créations antérieures. De fait, il a requis - entre 2007 et 2010 - une telle mobilisation de temps, d'énergie qu'il est impossible de faire autrement.
Les premières réunions de travail en résidence à la campagne sont caractérisées par :
* le nombre : une bonne vingtaine de participants.
* par la diversité. Membres du Groupov (artistes, techniciens, membres de l'équipe administrative) et extérieurs. Membres du Groupov ou extérieurs, les artistes invités reflètent bien la pluri-disciplinarité caractéristique du collectif depuis ses origines : écrivains, musiciens, plasticiens, acteurs, marionnettiste, metteurs en scène, performers, etc.
Entre juin et septembre 2007, trois dossiers différents de documents textuels extrêmement divers sont imprimés et distribués à tous les invités/participants. Soit à dessein de stimuler et d'ouvrir la réflexion et l'imagination dans les réunions, soit en regroupant a posteriori des textes qui y ont été amenés et mis en circulation.
* Le 1er recueil :
FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS
Documents Groupov
Mai 2007
proposé par Jacques DELCUVELLERIE (180 pages) était présenté ainsi :
"Cher Amis,
Les documents ci-joints ont été collectés dans la perspective de FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS (FTWTHS) ces dernières années. ils vous sont communiqués afin que nos échanges soinet plus fructueux, à partir d'un minimum d'informations déjà connues.
Il est esentiel de garder à l'esprit , en lisant cette documentation :
1) Que je ne suis pas du tout d'accord avec certaines positions adoptées par certaines auteurs et qu'elles sont en contradiction avec l'orientation générale du projet. Si, néanmoins, ces textes sont ici amenés, c'est parce que - à d'autres égards - cet auteur rejoint et stimule notre réflexion.
2) Que ces textes ne sont qu'une petite partie d'une documentation plus vaste. Il y a des livres à lire en entier et que l'on ne peut ici résumer.
3) Que ces textes ne remplissent pas tous la même fonction :
- Certains sont là pour rappeler comment FTWTHS s'inscrit dans un questionnement et des expériences du GROUPOV, de longue date, et que tous ne connaissent pas.
- D'autres, pour les informations objectives, scientifiques, qu'ils contiennent (ex. : Paccalet) et les réflexions qu'elles peuvent inspirer (ex. Bill Joy).
- D'autres enfin, pour une sorte de méditation- protestation "philosophique".
Autrement dit, ces textes sont là pour créer l'état d'esprit favorable à nos échanges. Ils ne sont pas maintenant, en aucun cas, les "tables de la loi".
Bonne lecture et à bientôt.
TABLE DES MATIÈRES.
Chapitre A
Plan travail GROUPOV 2005-2010..............................................P6
Texte saison 2007/2008 THÉÂTRE NATIONAL............................P13
Chapitre B
Textes de Référence
DE LA MALADIE UNE ARME
de Jacques DELCUVELLERIE...................................................P16
LA RÉSISTIBLE ASCENSION DU GLADIATEUR
de Jacques DELCUVELLERIE...................................................P25
Lectures conseillées ........................................................................P30
Chapitre C
Repères 1
GAME OVER de Jeanne DANDOY
Extrait du dossier de production...............................................P32
POURQUOI LE FUTUR N'A PAS BESOIN DE NOUS
de Bill JOY (Extraits)...............................................................P39
L'HUMANITÉ DISPARAÎTRA, BON DEBARRAS
d'Yves PACCALET (Extraits)......................................................P67
FRANKENSTEIN OU LES DÉLIRES DE LA RAISON
de Monette VACQUIN (Extraits)...............................................P81
BIENVENUE DANS LE DÉSERT DU RÉEL
de Slavoj ZIZEK (Extraits).........................................................P87
LE CONTRÔLE MILITAIRE DE LA PLANÈTE
de Samir AMIN.........................................................................P102
Repères 2
Invités possibles.........................................................................P108
Autres invités possibles...............................................................P114
A propos de Georges STEINER .................................................P115
Entretien avec Jacques TESTARD................................................P119
Notes sur la pensée de Pierre LEGENDRE...................................P121
A propos d'Alain BADIOU.........................................................P129
A propos d'Arundhati ROY.........................................................P133
Article de Jacques DUFRESNE : LA FAMILLE VIRTUELLE...............P144
Cinquante ans de Philosophie Française......................................P151
A propos d'Edouard DELRUELLE.................................................P159
Chapitre D
Un exemple de traitement métaphorique
TRASH(A LONELY PRAYER) (EXTRAITS)
de Marie-France COLLARD et Jacques DELCUVELLERIE........................P161
Chapitre E
Un exemple de processus singulier pour un objet singulier :
TRASH(A LONELY PRAYER)
de Marie-France COLLARD et Jacques DELCUVELLERIE
NOTE D'INTENTION, Marie-France Collard. MAi 1992.............P171
MATÉRIAUX POUR TRASH
Jacques DELCUVELLERIE en conversation avec Benoît VREUX.....P174
* Le 2ème recueil est intitulé :
FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS -
TEXTES DIVERS PRÉSENTÉS DURANT LES WEEK- END
DE JUIN ET SEPTEMBRE 2007
OU PROPOSÉS A LA SUITE
Il comprend queslques textes "littéraires" (Benjamin PÉRET, Dylan THOMAS, Heiner MÜLLER) ou politico-artistiques (entretien entre Heiner MÜLLER et Alexander KLUGE), mais surtout des textes scientifiques, ou de réflexion scientifique de très haut niveau. On retrouve les noms de Denis DUCLOS (CNRS) : L'autophagie, grande menace de la fin du siècle, Maurice CASSIER (CNRS): Bien privé, bien collectif et bien public à l'âge de la génomique, le documentaire La possibilité d'espérer, d'Alfonso CUARON explorant les différents thèmes du film Les fils de l'homme, rencontre de Slavoj ZIZEK, Naomi KLEIN, Tzvetan TODOROV, Fabrizio EVA, Saskia STASSEN, John GRAY, James LOVELOCK.
* Le 3ème recueil :
FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS
Documents Groupov
Septembre 2007
Il est de nature complètement différente. Il ne comporte pas de textes "extérieurs" à part quelques citations, mais témoigne du débat d'idées, aussi d'échanges de "sensations" entre certains membres du collectif. Et ceci est ici acté, non comme une transcription de discussions, mais sou la forme plus élaborée de lettres, voire de "lettre fictive" (Jean-Marie PIEMME).
Tout commence par un document de 25 pages rédigé par Jacques DELCUVELLERIE en avril 2007 à Valmadrera, au bord d u lac de Côme, Italie. Dans cette retraite, absolument seul (en tout cas sans aucune personne de sa connaissance à moins de 900 km), se trouvent dans le désordre des réflexions personnelles, des souvenirs "analysés", des propositions de travail, et beaucoup de notes de lecture où la figure de Pier Paolo PASOLINI tient une place grandissante. Suivent des lettres de Claude SCHMITZ (août 2007), David FAROULT (juillet 2007), Jean-Marie PIEMME (juin/juillet 2007), Armel ROUSSEL (septembre/octobre 2007). Ce ne sont en aucun cas des "réponses" aux notes de Jacques DELCUVELLERIE, mais plutôt un prolongement des réunions antérieures, avant celles de septembre.
A ce moment, ces réunions ont déjà entériné la proposition d'une sorte de tétralogie FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS et le projet se pense sur cette base. La thématique précise de chaque volet reste encore largement ouverte, mais en gros cela s'esquisse ainsi (avec les "noms de code" de l'époque) :
1) VITA MIA :
Évocation des événements (sur tous les plans) de la 2ème moitié du 20ème siècle et du début du 21ème, à travers la "biographie" d'un personnage né en 1946 et mourant (nécessairement) dans la première moitié du siècle suivant.
2) MARY/FRANKENSTEIN
À travers la figure du savant, de sa créature, mais aussi de la "tribu Shelley" tout ce qui tient aux utopies communautaires, à la nature, aux merveilles et à l'enfer liés aux sciences.
3) FTWTHS (planète/espèce/guerre...)
4) SINFONIA (beauté bouleversante des premières fois, le papillon ne vit qu'un jour) et des Adieux.
Un jour audacieux, totalement nouveau pour nous (peut-être pour tous ?) et qui ne sera pas gagné, structure ce processus d'accouchement.
Rayonnement continu
Participation de Marie-France COLLARD au séminaire Arts in the one world à CalArts (California Institute of the Arts, Los Angeles), elle y présente son film RWANDA. A travers nous, l'humanité... et participe au débat animé par Jean-Pierre Karegeye .
RESISTER N'EST PAS UN CRIME est projeté au Festival des Résistances (Foix) et au Festival de Cinéma de Douarnenez.
Jacques DELCUVELLERIE et Marie-France COLLARD participent à la rencontre La guerre - représentations et engagement artistique à l'Espace Culture de l'Université de Lille, avec projection d'extraits de RWANDA 94 et RWANDA. A travers nous, l'humanité...
La tournée de BLOODY NIGGERS ! continue. Le spectacle est présenté à Paris, au Rwanda, à Viroinval, à Tours, à Taverny, à Bruxelles, Anvers, …
Jeanne DANDOY crée son nouveau spectacle intitulé GAME OVER, mettant en scène certains états émotionnels, comportements, opinions manifestés par la génération actuelle. Soutenu par le GROUPOV, créé au Théâtre National (Bruxelles), ensuite en tournée à Mons et Tournai, reprise au Théâtre National en novembre 2008.
CARTE D'IDENTITE de Diogène NTARINDWA est repris à Bruxelles au Théâtre de Poche (Bruxelles) et présenté au Rwanda à Kigali, puis au Burkina Faso à Ougadougou et Bobo Dioulasso aux Récréatrales.
DISCOURS SUR LE COLONIALISME est présenté au Sénégal (Dakar, Luga, Kaolock, Thies) et repris à l'Atrium en Martinique dans le cadre des festivités autour de la naissance d'Aimé CÉSAIRE.
RWANDA. A travers nous, l’humanité… est présenté au Festival "Les Voix de la Liberté" à Louvain-la-Neuve, aux Jeudis du Festival des droits de l'Homme à Paris, à l'Afrika Film Festival (Leuven) ...
Projection du film RWANDA 94 à Kigali dans le cadre du colloque "Génocide au Rwanda et reconstruction des champs du savoir", participation de Marie-France COLLARD et de Philippe TASZMAN et intervention filmée de Jacques DELCUVELLERIE : LA POUSSIERE NE S'EN VA PAS D'ELLE-MÊME.
Projection de KONIEC (genre-théâtre), film de Michel JAKAR au Théâtre National (Bruxelles).
Reprise du spectacle LA MOUETTE au Théâtre National (Bruxelles).
Les réunions par groupes plus ou moins larges et les ateliers pratiques sur FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS se poursuivent. Jacques DELCUVELLERIE et Raven RUËLL définissent le premier volet, évocation de la biographie d'un homme (Jacques Delui) né en 1946 et mourant au début du XXIème siècle, croisée aux grandes contradictions politiques et artistiques de cette période.
La date de création prévue pour cette partie se rapprochant (2009) diverses opérations pratiques s'accélèrent. Par exemple : les propositions scénographiques très variées de Johan DAENEN ; l'audition de chanteurs haute-contre (ou contre-ténor) capables d'interpréter avec la plus grande pureté du répertoire (Miserere my maker est déjà prévu en ouverture du spectacle) et de jouer la comédie. Jacques DELCUVELLERIE et Raven RUËLL retiennent en audition Jean FÜRST, dont la présence sera plus tard très importante. Une espère de Décalage particulier a lieu entre Jacques DELCUVELLERIE et Raven RUËLL pendant une dizaine de jours en Toscane, mais à l'écart des lieux touristiques. Une part du décalage tenant au fait de vivre presque en couple (deux chambres contigües) mais au milieu d'étrangers totalement inconnus. Les journées et une partie des nuits sont occupées par le récit très détaillé et "sensible" de la vie du futur Jacques DELUI depuis les antécédents familiaux jusqu'à aujourd'hui en passant par l'enfance, les cauchemars, la mort violente des parents, les études, etc. Mais toujours reliée à une perception vécue des événements socio-politiques et artistiques du siècle. Ce soliloque est très peu interrompu, Raven prend note de tout. Pendant les rares pauses, Raven lit une volumineuse biographie de Pasolini en néerlandais, Geen Requiem de Luc DEVOLDERE (inédite en français). La gastronomie, en l'occurence toscane, joue le rôle que lui a toujours réservé le Groupov quelles que soient ses errances. Johan DAENEN s'invite à dîner un soir. On avance...
Le titre de ce premier volet devient UN UOMO DI MENO, c'est à dire : Un Homme en Moins. Accessoirement, ce titre rend un hommage discret à l'admirable inventeur de théâtre (et de films) qur fut Carmelo BENE et qui avait superbement intitulé sa version personnelle d'Hamlet : Un Amleto di meno... Mais dans le cadre du projet FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS, il renvoie bien sûr à la mise en rapport de la disparition de deux hommes : l'individu Jacques DELUI né en 1946 et dont la mort est nécessairement prochaine, et celle du genre auquel il appartient, ce SAPIENS qui en crée activement toutes les conditions.
Création d'IN PRAISE OF ARLETTE DUPONT, prologue à FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS
IN PRAISE OF ARLETTE DUPONT (création par Jacques DELCUVELLERIE) qu’il considère comme un prologue à Fare Thee Well Tovaritch Homo Sapiens (FTWTHS), au Festival de Liège et au Théâtre National (Bruxelles).
Performance sous forme de conférence musicale, le spectacle prend pour base une cassette audio d’1h30, conçue par Jacques DELCUVELLERIE à la demande d’Henri VAUME pour les funérailles d’Arlette DUPONT. À travers l’hommage et la reconnaissance de dette exprimée envers celle qui fut pour lui bien davantage qu’une remarquable de professeure d’Histoire du Théâtre, Jacques DELCUVELLERIE se retrouve, dans le partage des musiques qu’il relie à sa personnalité, à évoquer toutes les contradictions idéologiques et politiques, artistiques du siècle dernier et à l’échelle mondiale – les morceaux vont de Frank ZAPPA à Cathy BERBERIAN, de Albert AYLER à Frederic RZEWSKI (36 variations sur ¡El pueblo unido jamas sera vencido!), en passant par Ernst BUSCH ou Billie HOLIDAY…
Journée d'étude sur le spectacle RWANDA 94 au École Supérieure d’acteurs, Conservatoire Royal de Liège (ESACT). A l'issue de deux journées de projections de RWANDA 94 et RWANDA. A travers nous l'humanité..., rencontre et discussion avec des membres de l'équipe ayant participé au spectacle et à son élaboration : Marie-France COLLARD, Jacques DELCUVELLERIE, Françoise FIOCCHI, Garrett LIST, Frédéric OP DE BEECK, Mathias SIMONS, Philippe TASZMAN.
DISCOURS SUR LE COLONIALISME d’Aimé CÉSAIRE, par Younouss DIALLO, est joué au Théâtre international de Francfort.
RWANDA. A travers nous l'humanité..., est présenté dans des universités américaines : à l'Université de Columbia ainsi qu'à Mc Alester College à Minneapolis (département de français, programme de droits humains, Global Citizenship, African Studies, histoire et théâtre), débat à l'issue des projections avec Marie-France COLLARD et Philippe TASZMAN.
CARTE D'IDENTITE de Diogène NTARINDWA, est joué au Festival Vacances Théâtre (Stavelot), à la Manufacture (Avignon Off), à la Prison de la Santé (Paris).
En juillet, rencontre organisée par Alternatives théâtrales à l'occasion de ses trente ans au Théâtre des Doms à Avignon. Interventions de Jacques DELCUVELLERIE, Denis MARKEAU, Krzysztif WARLIKOWSKI, Stanislas NORDEY et Jan LAUWERS.
AMERIKA (reprise) de Claude SCHMITZ avec Jacques DELCUVELLERIE dans le rôle du père, au Festival Émulation Europe (Liège), aux Halles de Schaerbeek (Bruxelles), à la Filature (Mulhouse).
BLODDY NIGGERS! est repris au Théâtre National (Bruxelles), à l'Atrium de Fort de France (Martinique).
RESISTER N'EST PAS UN CRIME est projeté au festival Objectif Doc (Paris), au Festival des Droits de l'Homme (Paris) où il reçoit la "Mention spéciale du jury", au Mois du film documentaire (Belfort) avec RWANDA. A travers nous, l'humanité... et au Festival Intergalactique (Bretagne).
En novembre, Jacques DELCUVELLERIE reçoit à l’université de Liège un prix du Conseil Culturel Mondial pour l’ensemble de sa trajectoire artistique.
Journée d'étude consacrée au travail du Groupov à l'Université de Liège ; avec des interventions de Nancy DELHALLE, Georges BANU, Yannic MANCEL, Olivier NEVEUX, David FAROULT, Alain CHEVALIER, Nathanaël HARCQ, Françoise BLOCH, Francine LANDRAIN, Marie-France COLLARD, Vincent MINNE, Jeanne DANDOY ... et la projection du DVD (en chantier) Groupov, une trajectoire commenté par Jacques DELCUVELLERIE.
FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS poursuit ses travaux, mais la création du premier volet, UN UOMO DI MENO, annoncée au Théâtre National (Bruxelles), est annulée et reportée à la saison suivante. Jacques DELCUVELLERIE en reprend la gestation directe : conception, coordination des différents artistes contributeurs (musique, vidéos, scénographie), écriture, animation des ateliers, répétitions.
Création des deux premiers volets de FARE THEE WELL TOVARITCH HOMO SAPIENS : UN UOMO DI MENO et MARY MOTHER OF FRANKENSTEIN
Création de DIRTY WEEK-END
Dans le cadre du Festival de Liège, création du spectacle DIRTY WEEK-END, d'après le roman d'Helen Zahavi, mise en scène de Jacques DELCUVELLERIE.
QUE FAIRE ?, écriture collective ayant reçu le soutien du GROUPOV, mise en scène de Sébastien Foucoult et Julie Remacle, est créé au Festival de Liège et au Théâtre de l'Ancre (Charleroi), puis Viry-Châtillon (France).
Paris, intervention de Jacques DELCUVELLERIE au colloque sous la responsabilité de Georges Banu, Catherine Naugrette et Jean-Pierre Sarrazac "Le geste de témoigner : un dispositif pour le théâtre", Paris 3, Sorbonne-Nouvelle et Centre d'Etudes Théâtrales de Louvain-la-Neuve.
Dans le cadre du colloque "Génocide : la trans-mission des mémoires" organisé en mai 2011 par l'ACFAS à l'Université Bishop à Sherbrooke (Canada), intervention de Philippe TASZMAN et Providence RWAYITARE (productrice exécutive d'Umurage asbl au Rwanda) lors de la journée ayant pour thème "Les tiers porteurs de la mémoire : quelle transmission du génocide par les historiens, chercheurs, enseignants, journalistes, romanciers...?".
Dans le cadre du Festival Le Printemps de Beyrouth (Liban), rencontre à l'initiative de Philippe Mourrat, Christine Challas et Gisèle Khoury intitulée "Le théâtre, lieu de parole Politique?", et intervention de Philippe TASZMAN.
Intervention de Marie-France COLLARD et Jacques DELCUVELLERIE à l'Université de Lisbonne, dans le cadre du colloque "Repenser le théâtre / Témoigner l'Histoire / Convoquer les morts" et projection du documentaire RWANDA. A travers nous, l'humanité...
Intervention de Jacques DELCUVELLERIE au colloque Prospero à Tampere, Finlande, ayant pour thème "Utopia and critical Thinking in Creative Process".
Formation aux techniques de base de régie spectacle dispensée par Philippe TASZMAN à Kigali, en partenariat avec l'asbl UMURAGE.
Première présentation du film de Marie-France COLLARD BRUXELLES-KIGALI, tourné à l'occasion du procès en cour d'assise d'un dirigeant des milices Interahamwe Ephrem Nkezabera, au Festival Filmer à tout prix (Bruxelles) et diffusion sur Arte Belgique - RTBF.
Création du spectacle L'INDIGENE de Kroetz, coproduction Groupov, mise en scène de NATHALIE MAUGER, à la Balsamine (Bruxelles) et à l'Ancre (Charleroi).
Un work in progress du spectacle JE VOUS AI COMPRIS de Valérie GIMENEZ, Sinda GUESSAB et Samir GUESSAB, soutenu par l'ESACT (Liège) et le GROUPOV, est présenté au Festival Voix de Femmes (Liège) et au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris.
Reprises : Dirty Week-end et Uomo di Meno (Fare Thee Well Tovaritch Homo Sapiens)- Création de : Je vous ai compris
« Voici l'histoire de Bella qui se réveilla un matin et s'aperçut qu'elle n'en pouvait plus »
Christine Friedel, Théâtre du blog, 23/02/2011
------------------------------------------------------------------
Reprise du spectacle-événement du Groupov
mai|juin 2012, Théâtre de la Place (Liège)
Un Uomo Di Meno
(Fare Thee Well Tovaritch Homo Sapiens)
Ecriture et mise en scène de Jacques Delcuvellerie
Aventure humaine
Il y a des spectacles exceptionnels où l’on se dit que l’on ne reverra jamais rien de pareil. Un Uomo Di Meno en fait partie. Exceptionnel par sa longueur (sept heures), cette création de Jacques Delcuvellerie l’est aussi par la force de son propos, la variété des approches, l’alliance parfaite du sérieux et de l’humour. Au-delà d’une vision alarmante de notre futur, s’en dégage une formidable chaleur humaine.
Et cela fait un bien fou.
J.-M. Wynants, Le Soir, 24 mars 2010
Après Rwanda 94 et Anatheme, le Groupov s'est engagé dans une nouvelle aventure, en gestation de longue date : Un Uomo Di Meno (Fare Thee Well Tovaritch Homo Sapiens) / Un Homme de Moins (Adieu Camarade Homo Sapiens).
Dates
25.05.12 19h | 26.05.12 16h | 27.05.12 16h | 31.05.12 [1ère partie] 19h |
01.06.12 [2ème partie] 19h | 02.06.12 16h | 03.06.12 16h
Lieu
Manège de la Caserne Fonck 2 rue Ransonnet 4020 Liège
Durée du spectacle : environ 7 heures (6h30 et entracte)
Possibilité de voir le spectacle sur deux soirs
L’œuvre emprunte la forme perturbée d’une biographie, réelle et fantasmée, mettant en parallèle la fin (possible, probable) d’une espèce : l’homo sapiens, et celle d’un homme au soir de sa vie : Monsieur Jack Delui. "Sa tranche de vie, c’est la mienne, dit Jacques Delcuvellerie. C’est un « enfant de la libération » (1946) – une enfance hantée par deux guerres mondiales – et qui a l’impression qu’il va finir dans un moment où les facteurs économiques, écologiques, militaires d’une troisième guerre s’exacerbent". L’histoire commence au lendemain d’Auschwitz et d’Hiroshima, elle se suspend à la veille d’une crise où nous avons les moyens de faire bien pire… Le titre Un Uomo Di Meno est à entendre à deux niveaux : un homme, un être singulier va mourir ; une espèce d’homme, l’Homo Sapiens pourrait muter ou s’anéantir.
Comme protagonistes : deux Jack Delui (l’auteur/metteur en scène et un acteur en fauteuil roulant), le spectre angélique de Pasolini, une Nurse, à l’image des pin-up des années cinquante, des gens d’aujourd’hui, une profusion de fantômes, des anges encore, Hélène Weigel, Sade, la radio, un contre-ténor baroque, des photos de famille entre 3 guerres, des voix multiples (Bob Dylan,…), … Il ne s’agit pas ici de l’évocation nostalgique ou exaltée d’une tranche historique mais de mesurer l’écart vertigineux entre l’avenir que l’humanité aurait pu s’inventer dans ces circonstances et celui qu’elle se prépare effectivement.
Pour porter ce projet singulier, Jacques Delcuvellerie a invité l’équipe de création à vivre nuit et jour sur le plateau du théâtre. Sur la scène, la troupe des artistes et techniciens vit, mange, dort, rêve, répète, de façon continue. Ce lieu de leur séjour et de leur travail constitue la scénographie même du spectacle. C’est donc ici, dans tous les sens du terme, à un événement rare que le public est convié, tant par sa richesse, sa diversité, que par l’engagement exceptionnel de ses comédiens et techniciens. Cinq grands mouvements composent le spectacle, mais il est élaboré comme une œuvre unique, un chemin structuré.
Ambitieux et formidable spectacle de Jacques Delcuvellerie et du Groupov.
Sept heures souvent époustouflantes, on ne sent pas le temps passer.
Guy Duplat, La Libre Belgique, 24 mars 2010
Ecriture et mise en scène Jacques Delcuvellerie
Interprétation Patrick Bebi, Laurent Caron, Jacques Delcuvellerie, Jérôme de Falloise, Jean Fürst, Valentine Gérard, Francine Landrain, Mathilde Lefèvre, Sarah Testa, Anthony Thibault, Alexandre Trocki
Composition musicale et réalisation sonore Jean-Pierre Urbano
Vidéos et images dans le spectacle : Dramaturgie et réalisation Marie-France Collard assistée de Benoit Gillet / Documentaliste Jérôme Laffont / Montage Benoît Baudson et Benoit Gillet
Scénographie Johan Daenen assisté de Johanna Daenen / Scénographie d’équipement Fred Op de Beeck / Construction décor les ateliers du Théâtre National / Stagiaire décoration Stéphanie Denoiseux
Direction technique Fred Op De Beeck / Assistanat général Edith Bertholet
Création lumières Marc Defrise / Création costumes Greta Goiris assistée de Lies Maréchal / Réalisation costumes Nicole Moris et les ateliers couture du Théâtre National / Création maquillages et effets spéciaux Zaza da Fonseca
Répétiteurs chants Alberto Di Lena et Jean-Pierre Urbano
Régies : Son Jean-Pierre Urbano assisté de Matthew Higuet / Lumières Grégory Rivoux / Vidéo Benoit Gillet / Plateau José Bonga, Joachim Hesse, Pierre Piron, Yoris Van den Houte / Costumes Carine Donnay / Accessoires costumes Marie Guillon le Masne et Aude Ruyter / Maquillages Valentine Delbey / Accessoiriste Anne Marcq
Production et administration Philippe Taszman, Françoise Fiocchi, Aurélie Molle, Carole Urbano
Avec le soutien du Service général des arts de la Scène de la Fédération Wallonie-Bruxelles, du Ministère de la Région Wallonne, de la Province de Liège, de Théâtre & Publics et de la compagnie Arsenic
Remerciement aux équipes techniques du Théâtre de la Place (Liège), du Théâtre National (Bruxelles) et du Festival de Liège
Un Uomo Di Meno est une énorme machine à rêver, penser, jouir, comme seul le théâtre vivant peut le permettre : l’œuvre et son créateur méritent un immense respect et un énorme coup de chapeau. Respect face au culot de la pensée, à la beauté visuelle et musicale de l’ensemble, au boulot (y compris physique) accompli, à l’ambition encyclopédique du projet.
Coup de chapeau à son art de mettre en scène des acteurs qu’il faudrait tous citer,
tant il les fait jouer « juste » même dans leurs excès.
Christian Jade, Le Blog – RTBF, 25 mars 2010
Cinq mouvements pour un voyage
Il est apparu assez tardivement dans l’écriture d’Un Uomo di Meno, sans définition ni dessein a priori, que les cinq mouvements avaient chacun une teinte référentielle d’un grand genre ou forme artistique. Liturgie, roman, cinéma, théâtre « pur » et peinture viennent ainsi colorer cinq parties qui restent néanmoins fondamentalement théâtrales : Ici/Maintenant – La malédiction des fils – Un secret de famille – Anges (ou la gloire de la Weigel dans la chute) – L’effacement.
Talloze verwijzingen worden gestructureerd door liturgie, roman, film, theater en schilderkunst. Verwijzingen naar catasteofetheorieën van hedendaagse wetenschappers, naar Bob Dylan als kruisûnt tussen volksmuziek en avant-gardekunst, naar Pasolini en Brecht, naar het leven van de fictieve hoofdpersoon van het gebeuren, Jacques Delui. Imposant is het. Watje echter het meest verbluft, meer nog dan de grootsheid van het initiatief, meer dan zijn buitengewone duur, is de letterlijkheid van de voorstelling. Als Vlaming ben je immers vertrouwd met een theater dat de sporen draagt van de esthetiseringsgolf van de jaren tachtig. Dat liever oppert dan ontrouwt. Hier is alles direct leesbaar. Je snapt het doel van elk detail. [...] Alles zegt hij. Je vreest voor irritatie, voor een zedenles. Maar het wérkt…
Heleen Mercelis, Rekto/Verso 41, mei-juni 2010
------------------------------------------------------------------
Sortie du Coffret RWANDA 94 - Focus GROUPOV / THEÂTRE ET POLITIQUE à PARIS
BLACKIRD, un spectacle du Collectif IMPAKT, en co-production avec le GROUPOV, est présenté du 19 au 27 avril dans le cadre du FESTIVAL ÉMULATION, au Théâtre de la Place à Liège.
Le spectacle y reçoit le PRIX DU JURY & COUP DE CŒUR DES JEUNES.
BLACKIRD est une création collective de Jérôme de FALLOISE, Clara FLANDROY, Sarah LEFÈVRE, Wim LOTS, Fred OP DE BEECK, Raven RUËLL, Manu SAVINI, Anne-Sophie STERCK & Lara TOUSSAINT.
Auteur David HARROWER/ Traducteurs Zabou BREITMAN et Léa DRUCKER /
Le spectacle JE VOUS AI COMPRIS, de Valérie GIMENEZ, Sinda GUESSAB et Samir GUESSAB est présenté à La Manufacture, en Avignon, du 7 au 27 juillet, une production du GROUPOV.
avec Valérie GIMENEZ et Sinda GUESSAB / Illustrations live Samir GUESSAB / Regard extérieur Jacques DELCUVELLERIE / Répétiteur chants Alberto DI LENA: Costumes Annabelle LOCKS/ Régie MATTHEW HIGUET/Production Philippe TASZMAN et Carole URBANO/ Chargée de diffusion Edith BERTHOLET.
BRUXELLES-KIGALI, film documentaire de Marie-France Collard reçoit le Prix du documentaire le plus dérangeant au Festival Ramdam de Tournai, janvier 2013 et le Prix spécial du jury documentaire au 13ème festival Lumières d'Afrique - Besançon - novembre 2013
Du 1er au 13 octobre, à Paris, le Centre Wallonie-Bruxelles à Paris et la Maison des métallos s'associent pour un :
FOCUS GROUPOV THEÂTRE ET POLITIQUE
Dans ce cadre, le Groupov annonce officiellement la sortie du coffret dvd RWANDA 94, afin d'amorcer la 20ème commémoration du génocide des Tutsi.
Film de Marie-France Collard et Patrick Czaplinski, tourné lors des dernières représentations du spectacle au Théâtre de la Place à Liège en 2005.
(3 DVD - durée totale : 5h40 - sous-titres : anglais, néerlandais, espagnol / doublage : kinyarwanda. 2007)
Documentaire de Marie-France Collard, tourné lors des représentations du spectacle Rwanda 94 au Rwanda, dans le cadre de la 10e commémoration du génocide en avril 2004. Version longue inédite.
(durée : 2h35 - sous-titre : anglais / doublage : kinyarwanda. 2006)
(durée : 1h58 - sous-titre : anglais. 2011)
Documentaire de Marianne Sluszny et Guy Lejeune, réalisé en 2000 lors de la dernière phase d’élaboration du spectacle Rwanda 94. On y découvre les problèmes d’écriture, les répétitions, les artistes au travail… Le film retrace en même temps l’histoire du collectif, le chemin de création qui, d’œuvres en œuvres, a fini par conduire à Rwanda 94.
(durée : 52’ - français uniquement. 2000
Au Centre Wallonie- Bruxelles :
Le 1er octobre, soirée d'ouverture au Centre Wallonie-Bruxelles en présence de Jacques DELCUVELLERIE et Marie-France COLLARD, c' est l'occasion de présenter le coffret DVD Rwanda 94, suivi de la projection d'ŒUVRES EN CHANTIER à travers le parcours du Groupov.
Les 2 et 3 octobre, représentations de Discours sur le colonialisme d'Aimé CÉSAIRE, avec Younouss DIALLO, mise en scène de Jacques DELCUVELLERIE.
Les 4 et 5 octobre, représentations de Bloody Niggers de Dorcy RUGAMBA, conception et adaptation Younouss DIALLO,
mise en scène de Jacques DELCUVELLERIE, avec Younouss DIALLO, Dorcy RUGAMBA, Pierre ETIENNE
Le 7 octobre, entretien de Christian JADE avec Jacques DELCUVELLERIE à propos de son ouvrage Sur la limite, vers la fin, suivi d'une table ronde « Théâtre et Politique » réunissant Valérie BARAN (directrice du Tarmac), Souâd BELHADDAD (auteur et journaliste), Catherine BOSKOWITZ (metteure en scène), Jacques DELCUVELLERIE (auteur et metteur en scène), Fabrice MURGIA (auteur et metteur en scène), Matéi VISNIEC (auteur), Animation : Emile LANSMAN (Emile &Cie)
A la Maison des Métallos :
Du 9 au 12 octobre, la manifestation se poursuit à la Maison des Métallos avec dix représentations de La Cantate de Bisesero.
La Cantate de Bisesero constitue la dernière partie de RWANDA 94. Une tentative de réparation symbolique envers les morts à l’usage des vivants créé en 2000 et relate la résistance héroïque des habitants de la région de Kibuye sur les collines de Bisesero où 50.000 Tutsi trouveront une mort atroce, mais pas sans avoir âprement lutté. Le livret se nourri des témoignages des rescapés collectés par Rakiya OMAR pour African Rights, il évoque la résistance des victimes qui demeurent toujours anonymes et sans sépultures. Pris en charge par un chœur de cinq comédiens dans un dispositif simple face au public, il est porté par une partition de Garrett LIST pour piano, trio à cordes, clarinette et deux chanteuses.
Le dimanche 13 octobre : projection exceptionnelle des quatre premières parties du film du spectacle Rwanda 94, suivie de la représentation en spectacle vivant de la cinquième et dernière partie : La Cantate de Bisesero.
Durant cette période, des affiches des spectacles du Groupov sont exposées dans le foyer du Centre Wallonie-Bruxelles. et une exposition des photos de Véronique VERCHEVAL, prises lors des représentations à Bisesero, en 2004, est proposée dans le hall de la Maison des Métallos.
Le plasticien Bruce CLARKE, à l'invitation du Groupov, propose une intervention artistique sur la façade de la Maison des métallos : Les Hommes debout, projet d'art contemporain contre l'oubli, réalisé avec l'aide de jeunes Rwandais.
En tournée :
- BLACKIRD : Festival Next à Mouscron, du 20 au 22 novembre - Espace Senghor à Bruxelles, les 14 et 16 décembre à Bruxelles.
- JE VOUS AI COMPRIS : Après l’Algérie début novembre, la Tunisie : Kef, Centre d’Art Dramatique, le 23 novembre 2013 - Tunis, MAD’ART, le 25 novembre 2013 - Médenine Centre d’Art Dramatique.
LA CANTATE DE BISESERO - LES HOMMES DEBOUT - COFFRET RWANDA 94
Dans la cadre de la XXème commémoration du génocide contre les Tutsi perpétré au Rwanda,
La Cantate de Bisesero constitue la cinquième et dernière partie de RWANDA 94. Une tentative de réparation symbolique envers les morts à l’usage des vivants créé en 2000 et relate la résistance héroïque des habitants de la région de Kibuye sur les collines de Bisesero où 50.000 Tutsi trouveront une mort atroce, mais pas sans avoir âprement lutté. Le livret se nourri des témoignages des rescapés collectés par Rakiya Omar pour African Rights, il évoque la résistance des victimes qui demeurent toujours anonymes et sans sépultures. Pris en charge par un chœur de cinq comédiens dans un dispositif simple face au public, il est porté par une partition de Garrett List pour piano, trio à cordes, clarinette et deux chanteuses.
avec, avant la représentation live de la Caatate de Bisesero, la projection des quatre premières parties du film du spectacle Rwanda 94. Une tentative de réparation symbolique envers les morts à l’usage des vivants.
Ce même, jour, projection sur la façade de BOZAR, de 17h30 à 23h de l’installation de Bruxe Clarke :
*CNLG : Commission Nationale de Lutte contre le Génocide / National Commission For the Fight Against Genocide
° Maison du Roi, Grand Place de Bruxelles du 7 au 14 avril.
° Place du Marché aux Herbes à Mons à partir du 7 avril.
- Dans le cadre de l'Afrikafilmfestival, à Leuven, le 8 mars : Présentation du coffret RWANDA 94 et projection du film RWANDA 94 de Marie-France COLLARD et Patrick Czaplinski .
- en France :
EN OCTOBRE ET NOVEMBRE :
- à Saint Ouen, à l’Espace 1789, les représentations sont programmées en partenariat avec l’université Paris Diderot, organisatrice du Colloque International : Rwanda 1994-2014 : Récits, constructions mémorielles et écriture de l’histoire, du 4 au 19 novembre.
Dans le cadre de colloque, la représentation du 14 novembre est suivie d’une rencontre animée par Christian Biet (Université Paris Ouest-Nanterre) avec Jacques Delcuvellerie, Garret List, Carole Karemera et Dorcy Rugamba.
La représentation du 15 novembre est précédée de la projection des 4 premières parties du film du spectacle RWANDA 94 réalisé en 2005 par Marie-France Collard et Patrick Czaplinski.
Toujours à l’occasion de ce colloque, deux projections en présence de la réalisatrice Marie-France Collard :
Jacques Delcuvellerie participe au colloque, son intervention : Dans certaines conditions... catharsis/génocide sera publiée dans les actes du colloque Rwanda 1994-2014 - Histoires, mémoires et récits.(parution en 2017, aux Presses du Réel).
EN TOURNEE :
- Bruxelles, Théâtre de la Vie, du 5 au 9 mars
- Rennes, France, Festival Mythos, 17 et 18 avril
- en France, à Lens, au Louvre-Lens, 2 représentations le 26 septembre
- en Belgique, à Bozar, le 21 octobre
- en Algérie, Oran, Siddi Bel Abbes, Annaba, Alger et Tizi-Ouzou, dans le cadre du Festival International de Théâtre de Béjaïa, du 25 octobre au 6 novembre.
LA PROCHAINE CRÉATION DU GROUPOV - L'IMPOSSIBLE NEUTRALITE
A l’initiative de Raven RUËLL, le GROUPOV a mis en chantier depuis plusieurs mois un projet consacré à la Palestine.
Intitulé L’IMPOSSIBLE NEUTRALITÉ, son équipe de créateurs est composée de Marie-France COLLARD, Jacques DELCUVELLERIE, Raven RUËLL et Jean-Pierre URBANO.
Des présentations de ce spectacle ont eu lieu lors du Festival de Liège en février 2015 au sein de la programmation Factory, et au KVS (Koninklijke Vlaamse Schouwburg) à Bruxelles en mars 2015 dans le cadre du Festival Eye on Palestine.
Reprise de L’IMPOSSIBLE NEUTRALITÉ dans le cadre du Festival des Libertés, les 28 et 29 octobre au Théâtre National de Bruxelles ainsi qu'à Paris, à la Maison des Métallos, du 8 au 20 décembre, une programmation qui s’inscrit dans le cadre des semaines thématiques « Palestine… sur le conflit israélo-Palestinien » qui se dérouleront du 8 décembre 2015 au 17 janvier 2016
COLLOQUES - Jacques Delcuvellerie - Paris du 3 au 5/06/2015
LE GROUPOV EN DANGER DE MORT
Le lundi 7 septembre 2015, le Conseil d’Administration et l’Assemblée Générale de l’asbl Groupov ont décidé – à l’unanimité dans les deux cas – le licenciement de Jacques Delcuvellerie (président fondateur et directeur artistique) et de Philippe Taszman (administrateur délégué). Ils sont donc tous deux en préavis.
Cette mesure a été prise à titre conservatoire, dans un esprit de gestion responsable, pour protéger les droits de ces deux employés dans le cas où le Groupov se trouverait contraint à la mise en liquidation de l’association. Plus ces licenciements seraient tardifs, moins l’asbl serait en mesure de payer ces préavis assez longs (24 et 17 mois). Si aucun élément nouveau n’intervient, la mise en préavis de Carole Urbano (assistante administrative) est prévue pour avril 2016.
Cet état d’urgence résulte des décisions draconiennes prises contre le Groupov par la Ministre de la Culture, Madame Joëlle Milquet. En effet, le 17 juillet, d’abord par voie de presse (!) et ensuite par courriel, elle nous a informés de différentes dispositions par lesquelles notre subvention se trouverait réduite d’au moins 60% pour l’année 2016. D’un coup. La formulation de cette décision étant rédigée en termes juridiquement insoutenables, la Ministre nous a notifié le 17 septembre son retrait. Celui-ci était accompagné d’une nouvelle décision qui, rédigée autrement, aboutissait strictement à la même amputation désastreuse pour le Groupov.
La Ministre, ayant ainsi décidé brutalement de renier le contenu et les conditions de notre contrat-programme, nous impose une diminution d’une telle ampleur que la fin même du Groupov en devient inéluctable à court terme.
En effet, si ces mesures étaient effectivement appliquées, le solde restant de notre subvention ne suffirait pas à couvrir les nécessités de base : salaires, loyers, entrepôts, énergies, matériels divers, etc. Nous ne disposerions plus du moindre euro pour la création, nous ne pourrions sans doute même pas honorer les engagements pris pour notre dernier spectacle, L’Impossible Neutralité, notamment à l’étranger (2 semaines à Paris en décembre 2015), à moins de commencer à nous endetter de plus en plus lourdement.
Nous refusons évidemment de toutes nos forces cette sinistre perspective. Le Groupov se bat. La presse a fait cet été et continue à faire entendre notre voix. Le cabinet LMK dépose pour nous auprès du Conseil d’Etat un recours en suspension et en annulation de ces décisions ministérielles. Nous poursuivons cette lutte par tous les moyens.
Nous remercions de tout cœur celles et ceux qui nous ont déjà témoigné leur soutien dans ces circonstances très graves, et nous appelons tous ceux qui, depuis 35 ans, ont suivi fidèlement et souvent passionnément notre travail, à rester attentifs dans le cas où nous pourrions être d’organiser une solidarité manifeste.
Création de : Ceux que j'ai rencontrés ne m'ont peut-être pas vu
CEUX QUE J'AI RENCONTRÉS NE M'ONT PEUT-ËTRE PAS VU,
une création du Nimis Group, en co-production avec le Groupov.
Présentation en avant-première, à Lyon (France), au Théâtre de la croix Rousse, dans le cadre du Festival International de Théâtre Sens Interdits
Création au Théâtre National, à Bruxelles, du 19 ou 31 janvier
Ensuite en tournée : du 2 au 5 février, au Théâtre de l'Eden à Charleroi ; le 29 Octobre 2016 dans le cadre du Festival des Libertés au Théâtre National de Bruxelles ; le 10 Décembre 2016 à la Cité Miroir à Liège et reprise du 13 au 17 Décembre 2016 au Théâtre National de Bruxelles (Grande salle)
Le Groupov est également en tournée avec :
Représentation à Charleroi, dans le cadre du Festival KIKS - 18 mars
Création en néerlandais à Courtrai (Belgique) - Théâtre Antigone - 21 et 22 avril
« Plongée ténébrante dans la folie des hommes »
Gilles Renault, in Libération, 17/12/2015
« … une petite forme, un seul en scène avec l’acteur et metteur en scène flamand Raven Ruëll, mais c’est un coup de poing politique, un cri … »
Guy Duplat, in La Libre Belgique, 28/12/2015
« … un spectacle époustouflant [...]. Quand le théâtre éveille nos consciences et suscite la réflexion … »
Marie-José Sirach, in L'Humanité.fr, 04/01/2016
« […] En réalité, si on prend la peine de regarder le spectacle avec un peu d'attention, il y a par-delà la brutalité et la radicalité des propos tenus, une authentique subtilité de traitement. […] »
Jean-Pierre Han, " Un théâtre nécessaire ", in Frictions, le 15/12/2015
« A l’heure où la communauté internationale est aux abonnés absents, ce théâtre documentaire est un signal d’alarme envoyé par un humain à d’autres humains. »
Aurore Krol, in L'insatiable, 08/01/2016
En tournée en France à : Carvin, Saint-Raphaël, Revest-les-eaux, Grand Figeac, Marvejols, Rumilly et en Belgique, à Tournai et à Dinant.
DANS CERTAINES CONDITIONS... CATHARSIS/ GÉNOCIDE, texte de Jacques Delcuvellerie
GROUPOV, SUITE ET FIN ? - L'IMPOSSIBLE NEUTRALITÉ | Théâtre National | Bruxelles - 1, 2 et 3 mars, 4 représentations
Le 16 janvier 2018, Jacques Delcuvellerie, président fondateur et directeur artistique du Groupov a adressé à tous les membres du collectif ainsi qu'à ses proches, la lettre suivante. Circulant aussi sur Facebook, nous la publions ici.
Chers tous,
Il y a des décès qui sont prévisibles de longue date et cependant, quand ils adviennent réellement, ils nous touchent comme si nous n’y étions nullement préparés. C’est un peu ma situation depuis la semaine dernière et je n’ai pas réussi immédiatement à communiquer l’information, encore moins supporté l’idée d’en discuter. Néanmoins, vous avez évidemment le droit de savoir et je ne saurais différer plus longtemps. Voici les faits.
Nous avons reçu un courrier de Mme Gréoli parfaitement clair et définitif. Le projet " Au pied du lit de l’agonisant les enfants jouent " est refusé. Le Groupov ne recevra donc aucune subvention en 2018 et 2019. Rien. C’est la fin, sans aucun recours possible.
Les 3 ultimes représentations de "L’Impossible Neutralité " au Théâtre National (1, 2 et 3 mars) constituent probablement le dernier acte public vivant du Groupov. Nous espérons vous y rencontrer encore si vous êtes libres et envoyez aussi des amis si vous le pouvez.
De ceci, au moins, il restera trace, puisqu’une remarquable maison de production française, Ozango, enregistrera le spectacle en multi-caméras, assurera également la post-production et mettra le film sur son catalogue internet. Fabrice Murgia nous a aidés en la circonstance. Ceci est particulièrement ironique quand on lit les motifs du refus du projet par le CAPT :" Le rayonnement et la diffusion envisagés des DVD et du spectacle "L’impossible Neutralité" sont faibles..."
Au demeurant, c’est l’ensemble de ce dispositif et de ces procédures qui posent problème. Si le Groupov avait dû jadis se conformer au formulaire standard imposé pour les projets, répondre strictement aux critères exigés par le CAPT pour motiver ses avis, et, de plus, désormais, se voir approuver par l’Inspection des Finances, il n’y aurait jamais eu de Groupov.
Trente-cinq années de recherches, expériences et créations qui vont maintenant finir à la poubelle n’auraient simplement pas eu lieu.
On ne peut s’empêcher, à cette heure, de regarder brièvement le chemin parcouru.
Fondé en 1980 et parti absolument de rien, pas un centime, ne recevant une petite subvention fixe qu'après onze années de travail, le Groupov a cherché et créé pendant plus de trois décennies et montré ses spectacles, dirigé des ateliers, animé des séminaires sur cinq continents (Europe, Afrique, Amérique, Asie, Océanie), de Tokyo à Genève, de Bonn à Minneapolis, du Théâtre Giorgio Strehler à Milan au Festival d’Avignon, à La Sorbonne, au California Institute of the Arts, etc. etc. Et après avoir plus ou moins subventionné tout cela, le pouvoir d’un revers de main décide qu’il n’en restera même pas trace.
Au-delà du mépris et de la malveillance, n’est-ce pas un gaspillage aberrant ?
Que notre sort soit, à maints égards, l’exemple le plus criant d’une situation abjecte beaucoup plus large qui va du sous-financement misérable du secteur (qui restera avant tout « subventionné » parl’Onem) en renforçant les grosses institutions comme maîtres omnipotents du paysage, cela est évident.
Le Groupov en 2015 était à 570.000 euros, désormais plus aucune compagnie théâtrale sans bâtiment ni programme saisonnier ne dépasse 250.000... L’avenir de la création indépendante, ne parlons même pas de recherche expérimentale, est radieux.
Mais il est vrai, une haine, une ignorance, un mépris et un acharnement sordide ont été spécialement réservés à Groupov, car lui – et lui seul – est ainsi assassiné. Tous les autres groupes ou mini-institutions « menacés » ont été rétablis ou ont bénéficié d’issues alternatives. Koniec ?.
Avec amour et reconnaissance,
Jacques.
P. S. Pour ceux qui ne le sauraient pas, voici succinctement l’origine et le but du projet "Au pied du lit de l’agonisant les enfants jouent." Il a été adopté par l’AG de l’asbl Groupov en 2016, quant il est apparu clairement que la volonté du pouvoir d’en finir avec nous ne faiblirait pas et que, si par extraordinaire, un faible subside nous était encore consenti, il ne permettrait en aucun cas de continuer une activité conforme à son identité depuis sa naissance : recherche, expérimentation, création collective, travail pluridisciplinaire (écriture, musique, image, etc.) Après avoir été amputé en 2 ans (2015-2017) de 75% de nos subventions, nous avons donc renoncé à introduire pour 2018 une vaine demande de contrat-programme et sollicité une aide pour un ultime projet "Au pied du lit de l’agonisant les enfants jouent", soit la réalisation de traces audiovisuelles élaborées, notamment un coffret de 5 DVD reconstruisant la mémoire de cette longue expérience (1980/2015) sous une forme artistiquement aboutie et aisément accessible (internet). C’est ce qui nous a été refusé. Ainsi nous ne sommes pas seulement assassinés, on nous retire jusqu’à la possibilité de ne pas disparaître totalement et de continuer à faire signe.
RWANDA 94 et la CANTATE DE BISESERO - au Théâtre Varia, à Bruxelles, les 29 et 30 novembre 2019
à compléter
Olindo Bolzan. "Démolir ce théâtre..."
à compléter
STILL STANDING FOR CULTURE I
à compléter