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L'impossible Neutralité

Extraits de presse :


 

 

« [...] En réalité, si on prend la peine de regarder le spectacle avec un peu d'attention, il y a par-delà la brutalité et la radicalité des propos tenus, une authentique subtilité de traitement. [...] »

 Jean-Pierre Han, " Un théâtre nécessaire ", in Frictions, le 15/12/2015

  

« Plongée ténébrante dans la folie des hommes » 

Gilles Renault, in Libération, 17/12/2015

 

« … une petite forme, un seul en scène avec l’acteur et metteur en scène flamand Raven Ruëll, mais c’est un coup de poing politique, un cri … »

Guy Duplat, in La Libre Belgique, 28/12/2015

 

« … un spectacle époustouflant [...]. Quand le théâtre éveille nos consciences et suscite la réflexion … »

Marie-José Sirach, in L'Humanité.fr, 04/01/2016

 

« […] En réalité, si on prend la peine de regarder le spectacle avec un peu d'attention, il y a par-delà la brutalité et la radicalité des propos tenus, une authentique subtilité de traitement. […] »

Jean-Pierre Han, " Un théâtre nécessaire ", in Frictions, le 15/12/2015

« A l’heure où la communauté internationale est aux abonnés absents, ce théâtre documentaire est un signal d’alarme envoyé par un humain à d’autres humains. »
 

Aurore Krol, in L'insatiable, 08/01/2016

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Le Soir, samedi 3 et dimanche 4 mars 2018

 

 

 

Le Groupov a changé la façon de faire du théâtre en Belgique

 

 

 

par Catherine Makereel -

 


- Ce samedi soir, avec «L’impossible Neutralité» au Théâtre National, le rideau tombe sur l’aventure scénique du mythique Groupov.
- Mais Jacques Delcuvellerie, son fondateur, ne tire pas encore sa référence.

 

SCENES Une épopée comme le Groupov pourrait-elle encore voir le jour aujourd’hui ?

Koniec, (« fin » en polonais) proclamait une des créations phares du Groupov dans les années 80. Triste ironie du sort : c’est plus de trente ans plus tard que cette prophétie prend véritablement corps. Définitivement privé de subventions par la ministre de la Culture Alda Greoli, le collectif annonce que, ce samedi soir, au Théâtre national, L’impossible neutralité marquera la dernière représentation d’un spectacle vivant signé du Groupov. Une « dernière » qui devrait rassembler les foules tant l’annonce de cette disparition a suscité un émoi général.

 

 

« Adieu le Groupov »

 

 

« Adieu le Groupov, s’enflammait par exemple le comédien Itsik Elbaz sur les réseaux sociaux. Tu n’auras après tout fait que marquer ton époque d’une empreinte esthétique et politique indéniable avec des spectacles et des prises de position en dehors de toutes concessions, traçant le chemin et les perspectives pour des générations d’artistes et de spectateurs. » D’autres, comme les metteurs en scène Frédéric Dussenne ou Philippe Sireuil, y allaient aussi de leur hommage. « L’une des plus grandes aventures artistiques de Belgique, » décrivaient les uns. « Le Groupov a changé notre façon de faire du théâtre », renchérissaient les autres. « Dans notre projet Brut#1, nous avons demandé à 8 acteurs quel spectacle les avait le plus marqués, se souvient Cécile Lécuyer, fondatrice de La Halte à Liège. Cinq d’entre eux, sans se concerter, ont répondu Rwanda 94. Et deux d’entre eux ne l’avaient pourtant vu qu’en DVD. Donc oui, les traces sont importantes et fondamentales. »

 

 

La recherche au long cours de Jacques Delcuvellerie

 

 

Tout a commencé en 1980 quand Jacques Delcuvellerie et une bande de doux révolutionnaires se piquent de mener une recherche théâtrale en marge du Conservatoire de Liège. Avec l’envie d’explorer des territoires inconnus, ils imaginent le Groupov, c’est-à-dire le « groupe off », abrégé à la russe, en hommage peut-être à Tchékhov dont La Mouette a plusieurs fois inspiré leurs créations. Ils interrogent la religion (L’annonce faite à Marie de Paul Claudel, 1990), le sexe (Trash : a lonely prayer, 1991) ou la politique (La mère, de Bertolt Brecht, 1995). Mais ce qui titille surtout le Groupov, c’est la notion de vérité. En 1999, sous la direction de Jacques Delcuvellerie, le collectif provoque une onde de choc avec Rwanda 94 et ses six heures de témoignages et réflexions pour tenter de comprendre l’histoire d’un génocide. Le spectacle fera le tour du monde et sa démarche – réunissant survivants, acteurs, chercheurs ou journalistes – marquera à jamais les esprits. Il suffit aujourd’hui de compter le nombre de spectacles-documentaires (Françoise Bloch sur le monde de la finance, le Nimis sur les migrants, Jean-Michel D’Hoop sur le commerce des armes ou le nucléaire) pour comprendre l’ampleur de cet héritage.??

 

 

Comprendre pourquoi l’homme opprime l’homme.?

 

 

Mais Jacques Delcuvellerie, c’est aussi le goût de l’impossible, des spectacles hors normes : comprendre pourquoi l’homme opprime l’homme (rien que ça !) dans Bloody Niggersou compiler une matière pléthorique et implacable pour dire le sort des Palestiniens dans L’impossible neutralité . Le Groupov, c’est arrêter le temps pour expérimenter, créer de manière organique, chercher sur la durée. Rwanda 94 a nécessité quatre ans de travail, Un Uomo di Meno , deux ans : dans un contexte budgétaire tendu, et un monde où tout va toujours plus vite, noyé par un torrent d’informations continu, quelle compagnie prend encore le risque de cette recherche au long cours ?
                                    Catherine Makereel.

 

Collectif : «Il consent à mourir, pas à disparaître»

Entretien.

 


Fondateur du Groupov, Jacques Delcuvellerie a passé sa vie à dénoncer les injustices. A 72 ans, l’éternel révolutionnaire ne baisse pas encore complètement les bras.

 

 

Comment abordez-vous ces dernières représentations de « L’impossible neutralité » ?

 

 

 

J’ai juste un peu peur, vu le sujet (NDLR : le conflit israélo-palestinien), qu’il y ait des perturbations. Le Théâtre national a dû annuler un débat il y a quelques jours sur le boycott culturel d’Israël. Il devait opposer le cinéaste Ken Loach et le metteur en scène Jaco Van Dormael mais le National a essuyé une telle tempête de réactions que le débat a été annulé. J’ai donc quelques craintes de remous. Nous verrons bien !

 

 

 

Comment expliquez-vous cette disparition du Groupov ?

 

 

Le cas est unique : un collectif comme le nôtre, qui a une longue histoire et qui était en parfait équilibre, anéanti comme ça en deux ans ! Vous pouvez avoir une réputation mondiale et plusieurs générations qui se revendiquent de votre héritage, visiblement, ça ne compte pas ! Nous avons toujours revendiqué de ne pas faire que du théâtre. Nous avons aussi fait des publications, des films, des performances, des workshops au Japon ou en Italie, ou même des expériences comme nos « clairières » qui se passaient en forêt, mais ce mélange des formes ne plaît pas.??

 

 

Démarrer une aventure comme le Groupov serait-il possible aujourd’hui ?

 

 

 

Ce serait inimaginable. Si le Groupov avait dû jadis se conformer au formulaire standard imposé pour les projets, répondre strictement aux critères exigés par le CAPT, il n’y aurait jamais eu de Groupov. Nous supprimer, comme on le fait aujourd’hui, c’est envoyer un signal négatif à ceux qui voudraient s’engager dans des formes plus expérimentales, plus risquées, qui prennent de longs processus de gestation. Pour Rwanda 94, nous avons mis quatre ans, avec des étapes de travail présentées à Liège ou Avignon. A l’époque, on obtenait des coproductions de grands théâtres en disant pourtant : « Je ne sais pas quand le spectacle sera prêt. » Aujourd’hui, il faut plaire à tout prix et si vous avez l’une ou l’autre pièce mal reçue, c’est foutu.

 

 

 

Vous ne renoncez pas encore tout à fait puisqu’il reste un projet mémoriel de DVD ?

 

 

Nous avons des archives très fournies de nos 38 ans d’existence et nous voudrions en faire un coffret-DVD qui serait une œuvre en soi, qui retracerait une aventure et ne serait pas juste un bout à bout d’extraits de spectacles. Un objet aussi sur la dimension pédagogique du Groupov, sur ce que nous avons appris et ce que nous avons transmis. Il faudrait une vraie volonté politique pour que ça aboutisse parce que ça ne rentre dans aucune case mais le refus définitif de nous subventionner sur ceci témoigne d’un déficit culturel en Belgique francophone. Prenez les Flamands : vous pouvez retracer toute la carrière de Jan Fabre, Jan Lauwers ou Anne-Teresa de Keersmaeker grâce à des documents visuels de qualité, mais chez nous, il n’existe pas de porte pour évoquer notre histoire. Nous sommes donc à l’affût de moyens alternatifs pour mener ce projet. Nous avons presque consenti à mourir, mais pas encore à disparaître.   

 


Propos recueillis par C.MA.   - Le Soir, samedi 3 et dimanche 4 mars 2018.